Attaque talon : stop ou encore ?

ATTAQUE TALON OPEN © Arc'Teryx

C’est une question incontournable des débuts en course à pied : la pose du pied doit-elle se faire par une attaque du talon ou du milieu du pied ? Le débutant entendra qu’il faut privilégier une attaque médio-pied, car plus efficace et moins traumatisante. Mais parfois, il lira des analyses divergentes qui tentent de réhabiliter l’attaque talon. Vincent Cadoret livre son éclairage.

Souvent, le traileur débutant essaiera de se concentrer sur une pose de pied médiale à la foulée avant de revenir, par réflexe ou sous l’effet de la fatigue, à une attaque talon si c’est là sa préférence motrice de base. Est-ce grave d’attaquer « talon » ? Faut- il chercher à corriger par une attaque médio-pied ? Se pose d’abord la question du pourquoi. Laissons de côté l’efficacité de la foulée, paramètre peu important pour un débutant en trail tant il y a de progrès de performance à rechercher ailleurs que dans la technique de foulée. Abordons plutôt la question sous l’angle du caractère traumatisant de la foulée.

Qu’est-ce que l’attaque talon ?

L’attaque talon est une préférence motrice considérée comme majoritaire chez les individus. On parle de foulée terrienne ou de marche par le bas, par opposition à la foulée aérienne ou marche par le haut qui caractérise ceux qui ont une attaque naturelle médio-pied. Par préférence motrice, il faut entendre quelque chose de très ancré chez l’individu et non pas un défaut ou une mauvaise habitude qu’il aurait prise. On est terrien ou aérien comme on est droitier ou gaucher (qui constitue la préférence motrice la plus connue de tout un chacun). Ainsi, c’est toute une chaîne musculaire privilégiée qui est associée au type de foulée. Un terrien trouve son point d’équilibre vers l’arrière du corps. Il déclenche le mouvement par le bassin et mobilise le moteur concentrique. L’aérien trouve son point d’équilibre vers l’avant du corps. Il déclenche le mouvement par les épaules et mobilise le moteur élastique.

Terrien ou aérien ?

Cette préférence motrice est, de surcroît, corrélée par d’autres préférences motrices. Par exemple, un terrien aura également une préférence pour la chaîne musculaire intérieure et la vision basse, alors que l’aérien aura une préférence pour la chaîne musculaire extérieure et la vision haute. Mais aussi par des préférences cognitives, c’est-à-dire des profils psychologiques.

Ainsi, au sens de la méthode MBTI (Myers Briggs Type Indicator), qui définit les types de personnalités à partir d’un questionnaire de personnalité individuel. Selon cette méthode, le terrien est un sensitif, c’est-à-dire orienté sur les faits, les raisonnements à partir d’observations concrètes et le présent. À l’inverse, l’aérien est un intuitif, c’est-à-dire orienté sur les idées, les raisonnements à partir de réflexions abstraites et le futur. Au risque de vous surprendre, cette corrélation entre le type de foulée et le profil psychologique est vérifiée et admise comme une donnée fiable depuis de nombreuses années. C’est dire si notre type de foulée préférentielle est profondément enraciné en nous.

Faut-il déplacer son attaque du talon vers le milieu du pied ?

ATTAQUE TALON © Jack Lemon
© Jack Lemon

Modifier sa foulée préférentielle n’est pas une correction anodine. C’est un bouleversement profond du corps et de l’esprit. Et qui comporte des risques. Ainsi, pour le débutant qui attaque par le talon, le risque est de forcer une attaque médio-pied sans autre préoccupation que de se focaliser sur la pose de pied. Soit il va talonner plus problématiquement encore (parce que plus lourdement) au fur et à mesure que la fatigue diminuera sa capacité de concentration. Soit il provoquera d’autres déséquilibres, à l’instar d’un gaucher contrarié. Le ratio bénéfice/risque devient alors mauvais. À quoi bon chercher à adopter une foulée moins traumatisante, si ce changement provoque douleurs (attention aux mollets !) ou déséquilibres (attention aux hanches !) ?

Un changement progressif

Le changement de foulée doit se concevoir comme quelque chose de progressif auquel on vient par des exercices adaptés. Par exemple, l’attaque médio-pied allant de pair avec le moteur élastique et un équilibre vers l’avant, le changement de foulée doit s’accompagner idéalement de multiples exercices en souplesse et en équilibre. Il sera toujours utile, au cours de cette progression, de consulter plus ou moins régulièrement kinésithérapeutes ou ostéopathes. De même, il ne serait pas inutile de travailler sur l’esprit en courant, en cherchant à imaginer sa foulée dans sa globalité pendant que l’on court plutôt qu’en regardant de manière compulsive quelle partie du pied touche le sol en premier.

Le plaisir avant tout

Mais alors, le débutant a-t-il réellement intérêt à consacrer autant de temps et d’énergie à changer son attaque talon en attaque médio-pied ? C’est à chacun de se faire son opinion, mais ce serait sans doute une erreur d’en faire une priorité. D’abord, et ce n’est pas à négliger, il ne faudrait pas perdre en plaisir. Le plaisir est le premier facteur de motivation. Et la motivation est le premier facteur de progrès. Si cela s’en trouve affecté par des exercices que l’on perçoit comme l’apprentissage d’une course contre sa nature, alors il vaut sans doute mieux conserver sa foulée préférentielle.

Limiter les traumatismes d’une foulée terrienne

Il faut également savoir qu’il existe des alternatives qui permettent de limiter l’effet traumatisant d’une foulée terrienne. D’un point de vue matériel, l’attaque talon incite à choisir des chaussures maximalistes avec un drop assez prononcé (8 à 10 mm). D’un point de vue technique de foulée, l’attaque talon nécessite un impact au sol sous le centre de gravité et d’éviter les impacts en avant du centre de gravité. Pour cela, cherchez à vous grandir en courant, en imaginant par exemple un fil qui tirerait la tête vers le haut.

Talonneurs, travaillez votre endurance de force

ATTAQUE TALON @ Tecnica Blizzard
@ Tecnica Blizzard

Il est possible d’axer son programme d’entraînement sur des méso-cycles qui vont compenser en partie les traumatismes liés à l’attaque talon. Ainsi, en travaillant notamment l’endurance de force. Le déficit d’endurance de force est une des principales carences observées chez les débutants sur les trails de plus de 30 km. C’est donc un point à travailler en soi. Du point de vue du risque de blessure, améliorer son endurance de force, c’est aussi améliorer la capacité des muscles et des tendons à encaisser les traumatismes à répétition de la foulée.

Pour un débutant qui attaque naturellement par le talon, un cycle de 3 semaines axé sur le travail en côte permet de faire coup double : il améliore sa capacité à terminer les courses en même temps qu’il renforce les points sensibles inhérents à son profil. En outre, le travail en côte dispose de l’avantage d’être un travail sur des vitesses plus lentes et moins traumatisantes. Et pour rassurer ceux qui demeureraient inquiets de leur attaque talon, la foulée en côte privilégie naturellement l’attaque médio-pied, même pour les terriens !

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