Aventure 400K : l’ultra défi de Maud Méry de Montigny
Le 17 avril prochain, l’ultra-runneuse Maud Méry de Montigny, connue sous le pseudo Ultra-Bulle, s’élancera dans une diagonale inédite à travers les montagnes du Jura. Un défi nommé Traversée jurassienne des montagnes de la différence, pour sensibiliser aux handicaps invisibles, notamment l’autisme. Alice Milleville s’est entretenue avec cette traileuse hypersensible, ultra touchante.
Maud Méry de Montigny, l’ultra-sensible
Maud Méry de Montigny, 42 ans, court 365 jours par an sur les sentiers, pour se sentir vivante, s’affranchir de son autisme Asperger et guérir ses blessures passées. Vivre dehors. Flirter avec l’essentiel. L’impalpable. Dans le grand silence bruyant de la montagne. Loin des hurlements de la ville.
Ainsi va la vie de Maud Méry de Montigny, qui court un peu, beaucoup, passionnément, intensément. 200 kilomètres par semaine en moyenne autour de son village jurassien, qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige. Par monts et par vaux, elle enchaîne les ultra-trails depuis trois ans.
Si en mai dernier elle a décroché sa première victoire sur la Grande Traversée de la Volvic Volcanic Expérience (202 km), elle cumule les podiums et places d’honneur, entre autres sur l’Ultra 01 (170 km), la LyonSaintéLyon (156 km), la Trace des Maquisards ou encore l’Infernal des Vosges (210 km), sa course de cœur.
Maud Méry de Montigny : des mots sur ses maux
Sur les réseaux sociaux, on la connaît comme « Ultra Bulle ». Une bulle qui la préserve d’une hypersensibilité permanente et oppressante. Détectée haut potentiel intellectuel (HPI) à 33 ans, Maud a été diagnostiquée autiste Asperger tardivement, en 2021, avec un trouble du déficit de l’attention (TDAH) et une malformation génétique de l’oreille interne.
Cette année-là, un burn out l’a fait plaquer du jour au lendemain Roubaix, sa ville natale, et son job d’enseignante spécialisée en zone prioritaire pour prendre racine dans le Jura, où elle apprend à (re)vivre depuis. Avec son fils Simon, ses deux border collies, infatigables compagnons de sorties, et ses handicaps invisibles.
Ceux qui lui pourrissent la vie depuis l’enfance portent désormais un nom, ce qui lui permet enfin de comprendre son fonctionnement psychique différent. « Vivre en ville était devenu impossible pour moi, avec des sollicitations permanentes. Dans la nature, j’ai juste à me concentrer sur la trajectoire de mes chiens, sur mes pieds, et tout ce qui est autour, c’est du bonus. Pour la première fois de ma vie, je me sens à ma place ici », avoue-t-elle du bout des lèvres.
Maud Méry de Montigny : « On n’arrive jamais sur ultra par hasard »
En courant, des heures durant au contact des éléments, Maud s’affranchit de ses carcans. Courir est un mode de vie plutôt qu’une quête de performance. Une forme de thérapie surtout, pour panser ses blessures passées. « J’ai une vie cabossée. J’ai fait de l’anorexie à l’adolescence, connu le harcèlement moral, les maltraitantes physiques et sexuelles, j’élève seule mon fils car le père est parti au deuxième mois de ma grossesse et n’est jamais revenu… », résume-t-elle.
Un lourd bagage dont l’ultra-trail lui permet de se délester. « Je pense qu’on n’arrive jamais sur un ultra par hasard. On retrouve les mêmes siphonnés du cerveau sur ce genre de courses. On sait tous pourquoi on est là, on a tous des choses à régler avec notre passé. L’ultra permet une forme de résilience, en se confrontant à soi-même, en puisant au plus profond de ses ressources, tout cela en symbiose avec une nature majestueuse. Je crois beaucoup au pouvoir guérisseur de la montagne. La montagne m’a guérie et continue de me guérir tous les jours de ce que j’ai vécu. »
Maud Méry de Montigny : DJ dans une vie précédente
Dans une précédente vie, Maud était DJ. La musique l’a tenue debout pendant quinze ans, jusqu’à la naissance de son fils. Mixant en soirée, « Djane Unu » a sorti une quinzaine d’albums EP. Du genre « touche-à-tout », elle a par ailleurs multiplié les diplômes (licence de sociologie, ingénieur du son, formation en communication, master en science de l’éducation, enseignement…).
Depuis son départ de l’Éducation nationale, elle s’est reconvertie comme accompagnante en préparation mentale, cultivant une approche holistique qui lui est chère. En parallèle, elle organise des ateliers en pleine nature avec des enfants handicapés, toujours pour faire découvrir le pouvoir guérisseur de la montagne, cette force prodigieuse qui la tient désormais debout.
Maud Méry de Montigny : la montagne, révélation magnifique
Comment s’est-elle mise à courir ? Tout est parti d’une réflexion de sa mère sur l’état de ses jambes après sa grossesse. Premiers joggings en 2018, premier marathon en 2019, la Route du Louvre, terminé en 3h28 et enchaîné deux semaines plus tard avec une première expérience « chez les fous » sur le 100 km à Steenwerck.
Ce premier ultra, sur route celui-là, à tourner en rond le nez sur une ligne blanche lui a donné le goût de l’ultra-endurance. Elle l’a poursuivie sur les sentiers, en liberté, sans s’arrêter. « Mon premier trail alpin, c’était en 2019 à Méribel, un 50 km et 4000m D+. J’étais arrivée dans les dernières, mais qu’importe, ce fut une grande découverte pour moi qui je venais du Nord, avec les terrils de 150 mètres de dénivelé à peine pour seuls reliefs », se souvient-elle.
« La haute montagne a été une révélation, même si j’étais tétanisée sur les 25 kilomètres de skyrunning à flanc de montagne car mes problèmes à l’oreille interne font que j’ai des vertiges incontrôlables et perd l’équilibre. L’année suivante, sur l’Ultra 01, je suis tombée amoureuse du Haut-Jura. La moyenne montagne est un bon compromis avec ma peur du vide. Cette deuxième révélation magnifique a déclenché mon envie de venir m’installer dans le Jura », confie-t-elle.
Depuis, Maud Méry de Montigny crapahute sur les massifs plus ou moins hauts au fil des saisons, avec une prédilection pour le très long. « Je suis un peu en noir et blanc, tout ou rien, c’est mon côté “hyper” on va dire. C’est comme ça que je fonctionne dans la vie, ça vaut aussi pour les ultras », sourit-t-elle.
Aventure 400K : la Grande Traversée du Jura de Maud Méry de Montigny
Jamais rassasiée, Maud s’apprête à vivre sa plus longue aventure, une traversée des montagnes du Jura de 400 km de Mandeure, dans le Doubs, à Culoz, dans l’Ain. En off, par les sentiers de randonnée.
« La préparation physique est faite. Comme pour les ultra-trails, le plus dur pour moi, c’est tout ce qu’il y a autour, le côté logistique, car je suis une quiche en organisation. Le vrai défi en fait, c’est de me retrouver au départ ; après, il n’y aura plus qu’à courir ! J’ai repéré mon itinéraire toute seule, que j’ai découpé en fonction des endroits où je vais croiser des routes pour faciliter les ravitaillements, en ciblant mes temps de passage. Cela va être une découverte car je n’ai jamais passé plus de deux nuits dehors, et je m’apprête à en vivre quatre. Des amis se relayeront à mes côtés, et des enfants handicapés trisomiques ou autistes des IME du Jura et de l’ESAT de Saint-Claude, mon village, feront quelques kilomètres symboliques avec moi. Et aussi quelques patients de l’association Respiracteurs, dont je suis l’égérie. »
Comme toutes ses « balades », Maud courra cette Trans-Jurassienne inédite en portant les handicaps invisibles en étendard. Pour sensibiliser à la différence, parler d’Asperger, donner de l’espoir aux enfants autistes, mais aussi résonner dans les cœurs de toutes les mamans solos. « Si je peux encourager d’autres à sortir courir dans la nature, c’est génial car c’est ancré dans la terre, dans le moment présent, qu’on on se sent libre, apaisé et intensément vivant. »
Aventure 400k : un cagnotte en ligne pour les enfants en situation de handicap
Stoots, la marque française de frontales dont elle est ambassadrice, l’APEI, association des parents d’enfants inadaptés et Respiracteurs, soutenant ceux qui manquent de souffle, sont associés au défi de Maud Méry de Montigny, lui apportant un soutien financier pour concrétiser ce projet.
Par ailleurs, Maud Méry de Montigny a mis en ligne une cagnotte afin de mener à bien un projet sportif pérenne, en montagne, avec les enfants de l’Institut Médico-Éducatif de Saint-Claude. L’objectif est de leur permettre de découvrir le sport en montagne, s’émerveiller, être acteurs de ce projet, tant en individuel qu’avec le collectif, d’être valorisés au sein de ce même collectif et accueillis avec leurs différences, avec toute leur sensibilité et leurs particularités. L’intégralité des sommes récoltées sera reversée aux enfants de l’IME de Saint-Claude, à la fin de la semaine suivant le défi (fin avril).
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