Non, si Kilian Jornet s’est installé en Norvège en 2017, ce n’est pas pour appliquer cette méthode d’entraînement, dont il connaissait certainement déjà les bienfaits. Popularisée par des athlètes norvégiens de ski de fond et de biathlon, cette méthode est une approche scientifique de l’entraînement qui repose sur plusieurs principes clés qui favorisent l’endurance, la puissance et la performance globale. Son concept global est de mettre l’accent sur l’alternance entre des périodes d’effort intense et de récupération active. Un programme qui peut tout à fait s’adapter au trail. En voici les principaux axes, ainsi qu’un plan d’entraînement de 4 semaines inspiré de la méthode norvégienne. À vous la Norvège !

L’alternance d’intensités, base de la méthode norvégienne

La méthode norvégienne se concentre sur l’alternance entre des périodes d’effort intense (environ 85-90% de la fréquence cardiaque maximale) et des périodes de récupération active (environ 60-70% de la FCM), avec un respect précis des fenêtres d’intensité via le suivi de la fréquence cardiaque. Cette approche permet de maximiser l’adaptation physiologique tout en minimisant le risque de surentraînement. Ainsi, les séances d’intervalles sont structurées pour inclure des segments de haute intensité de 4 à 8 minutes, suivis de périodes de récupération plus longues à allure plus lente. Cela implique de travailler sur des terrains variés, de simuler des courses et d’intégrer des montées et des descentes techniques à haute intensité, ainsi que des sprints sur le plat. Cela peut être adapté au vélo, ou à d’autres activités d’endurance telles que le ski de fond.

Méthode norvégienne et volume d’entraînement

Une grande partie de l’entraînement est réalisée à une intensité faible à modérée. Ainsi, environ 80% du volume total d’entraînement doit être effectué à une intensité inférieure à 75% de la FCM. Cela favorise l’endurance aérobie, la récupération et le développement de la base aérobie. Comme pour tout programme d’entraînement, n’oubliez pas que le volume doit être augmenté progressivement pour éviter les blessures et permettre au corps de s’adapter aux charges de travail.

Photo Cimalp : Nicolas Acloque
Photo Cimalp / Nicolas Acloque

Méthode norvégienne et récupération active

C’est un des points les plus importants de cette méthode : les périodes de récupération active entre les efforts intenses sont essentielles, parce que ce sont elles qui vont permettre aux muscles de récupérer et de se préparer pour les prochains intervalles. Cela peut inclure des périodes de course légère ou de marche. Prévoyez des sorties de récupération à allure lente sur des terrains plus faciles pour favoriser la récupération sans trop solliciter le corps. Il est également important d’être à l’écoute de son corps et d’apprendre à reconnaître les signes de fatigue pour ajuster l’intensité en conséquence.

L’importance du mental et la stratégie dans la méthode norvégienne

Cette méthode, qui implique des efforts intenses, nécessite une importante capacité de résilience mentale et impose de savoir bien gérer les efforts, particulièrement lors des compétitions. Cela suppose donc d’être capable de développer des stratégies pour gérer la douleur et la fatigue. Il est alors important de définir des objectifs clairs, précis et mesurables, tant à court qu’à long terme, pour intégrer mentalement la progression sans risquer de se démotiver. Cette définition précise d’objectifs mesurables permet également une approche flexible, avec un suivi des performances, une évaluation et un ajustement du plan d’entraînement en fonction des résultats.

Les limites de la méthode norvégienne

Bien que la méthode norvégienne d’entraînement ait fait ses preuves et ait été adoptée par de nombreux athlètes, elle présente certaines limites qui peuvent varier en fonction des individus et des contextes. La méthode impliquant de nombreuses séances à haute intensité, cela peut en premier lieu augmenter le risque de surentraînement et de blessures si les périodes de récupération ne sont pas respectées. De plus, il existe un risque de sous-estimer l’effet cumulatif de l’entraînement intense, ce qui peut entraîner une fatigue excessive.

Par ailleurs, cette méthode nécessite un suivi régulier pour en maximiser les bénéfices, suivi qui ne peut être fait qu’en ayant une certaine expertise ou le soutien d’un entraîneur spécialisé. Cette évaluation continue des performances permet si besoin d’ajuster le plan d’entraînement. Cette méthode peut également ne pas convenir aux coureurs qui n’ont pas la possibilité de suivre des volumes d’entraînement élevés en raison de contraintes de temps, de travail ou d’autres engagements.

Si cette méthode inclut des séances spécifiques de travail en côte et en descente, elle ne met pas toujours suffisamment l’accent sur ces aspects, et ne privilégie pas l’acquisition de certaines compétences techniques qui sont nécessaires pour performer en course. De plus, pour certains coureurs, la répétitivité des séances et le fait de se concentrer uniquement sur des intervalles et des côtes peut devenir monotone, là où il est notoire que l’entraînement doit rester varié pour maintenir la motivation et l’engagement.

Il est également important d’intégrer des éléments de force, de flexibilité et de puissance pour éviter un déséquilibre potentiel. En effet, une méthode trop centrée sur l’endurance peut négliger ces aspects essentiels pour une performance optimale à long terme. La méthode norvégienne nécessite donc une approche équilibrée, qui inclut la récupération, la technique, la force et d’autres éléments de l’entraînement.

Photo Cimalp 3 : Nicolas Acloque
Photo Cimalp / Nicolas Acloque

Votre plan d’entraînement de 4 semaines inspiré de la méthode norvégienne

Ce plan vise à améliorer votre endurance, votre force et votre capacité à gérer des efforts variés, tout en intégrant des périodes de récupération.

Plan d’entraînement semaine 1

Lundi – Sortie longue
1h30 à 2h à allure faible (60-70% de la FCM) sur terrain varié. 

Mardi – Repos ou récupération active
Marche ou jogging léger de 30 à 45 minutes.

Mercredi – Entraînement en côte
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.
– 6 x 3 minutes de montée à une intensité élevée (85-90% FCM), récupération en redescendant en marchant ou en trottinant.
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Jeudi – Repos ou entraînement croisé
Vélo, natation ou yoga pendant 30 à 45 minutes à faible intensité.

Vendredi – Séance de fractionné
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.  
– 4 x 5 minutes de course rapide à 85-90% FCM, avec 3 minutes de récupération en marchant ou en trottinant entre chaque intervalle.  
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Samedi – Sortie courte
1h à allure faible (60-70% FCM) sur un parcours technique.

Dimanche – Repos ou activité légère (marche, étirements)

Plan d’entraînement semaine 2

Lundi – Sortie longue
2h à 2h30 à allure faible (60-70% de la FCM) sur terrain varié.

Mardi – Repos ou récupération active
30 minutes de marche rapide ou de jogging léger.

Mercredi – Entraînement en côte
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.
– 8 x 2 minutes de montée à haute intensité, récupération en redescendant.
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Jeudi – Entraînement croisé
45 minutes à 1h d’activité à faible intensité.

Vendredi – Séance de fractionné
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.  
– 5 x 4 minutes de course rapide à 85-90% FCM, avec 3 minutes de récupération.  
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Samedi – Sortie courte
1h à 1h15 à allure faible sur un parcours technique.

Dimanche – Repos ou activité légère (marche, étirements)

Plan d’entraînement semaine 3

Lundi – Sortie longue
2h30 à 3h à allure faible (60-70% de la FCM) sur terrain varié.

Mardi – Repos ou récupération active
30 à 45 minutes de marche ou de jogging léger.

Mercredi – Entraînement en côte
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.
– 10 x 1 minute de montée à haute intensité, récupération en redescendant.
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Jeudi – Entraînement croisé
1h à faible intensité.

Vendredi – Séance de fractionné
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.  
– 6 x 3 minutes de course rapide à 85-90% FCM, avec 3 minutes de récupération.  
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Samedi – Sortie courte
1h15 à 1h30 à allure faible sur un parcours technique.

Dimanche – Repos ou activité légère (marche, étirements)

Plan d’entraînement semaine 4 (Récupération)

Lundi – Sortie longue
1h30 à 2h à allure faible (60-70% de la FCM) sur terrain varié.

Mardi – Repos ou récupération active
30 à 45 minutes de marche ou de jogging léger.

Mercredi – Entraînement en côte léger
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.
– 4 x 2 minutes de montée à intensité modérée, récupération en redescendant.
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Jeudi – Entraînement croisé
30 à 45 minutes à faible intensité (natation, vélo, etc.).

Vendredi – Séance de fractionné légère
– Échauffement : 15-20 minutes de jogging léger.  
– 4 x 2 minutes de course rapide à 80-85% FCM, avec 2 minutes de récupération.  
– Récupération : 15-20 minutes de jogging léger.

Samedi – Sortie courte
1h à allure faible sur un parcours technique.

Dimanche – Repos ou activité légère (marche, étirements)

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C’est une question qui interpelle les scientifiques depuis longtemps : sur les compétitions d’ultra-distance, la différence de temps entre les hommes et les femmes en terme de chrono a tendance à diminuer. Les classements scratch, sur des très très longues distances, peuvent même s’inverser, des femmes venant s’imposer devant les hommes. Si Courtney Dauwalter est l’exemple le plus récent de performances à l’égal des hommes, dont Kilian Jornet disait qu’un jour elle finirait par s’imposer au scratch sur un des ultras majeurs (UTMB, Western States, Hardrock ou Diagonale des Fous), cette perception selon laquelle les femmes pourraient être plus résistantes que les hommes dans les sports d’ultra-endurance fait encore débat. Entre évocation de facteurs physiologiques, psychologiques et culturels et études scientifiques, on fait le point.

Comparaison des performances femmes /hommes : le point de départ

Avec l’augmentation du nombre de femmes engagées dans des épreuves chronométrées à partir des années 1980, leurs performances se sont rapidement améliorées et les chercheurs ont commencé à les comparer avec celles des hommes, essentiellement du sprint au marathon. Dans les années 1990, certains pensaient même qu’il y aurait une réduction, voire même une disparition des différences entre les sexes. Ainsi, en utilisant une analyse comparative poussée des vitesses de course et les écarts hommes/femmes sur plusieurs distances sur 20 ans, deux chercheurs, Whipp et Ward, avaient même pronostiqué en 1992 que les femmes pourraient devancer les hommes sur la distance marathon en 1998 !

Si cette projection s’est avérée fausse, la différence de performance entre les sexes restant autour de 10 à 12% pour les épreuves du sprint au marathon, il faut souligner qu’entre 1985 et 2004, le record du marathon féminin s’est amélioré à un rythme trois fois supérieur à celui des hommes. Et le récent chrono de la Kényane Ruth Chepngetich, qui a établi le record du monde du marathon à 2h 09mn 56s le 13 octobre 2024 lors du marathon de Chicago, illustre un resserrement des écarts. En effet, il n’est plus que de 7,75% par rapport au record du monde masculin détenu depuis le 8 octobre 2023 par le Kényan Kelvin Kiptum, toujours sur le marathon de Chicago.

Ruth Chepngetich
Ruth Chepngetich lors du marathon de Chicago, où elle a battu le record du monde du 42,195 km.

Difficultés de comparaisons et divergences de points de vue

Cependant, le problème des différences de performance entre les sexes en fonction de la distance est complexe, et ne peut se mettre en équation mathématique. Ainsi, en utilisant les meilleurs chronos du monde du 100 m au 200 km, des chercheurs ont établi en 2020 que la différence dans les performances augmente avec la distance, et que le pourcentage d’écart était plus important dans les épreuves plus longues que le marathon. Cette même étude a également été rapporté que la différence entre les sexes lorsque l’on compare les meilleurs hommes et les meilleures femmes était de 17% pour le 100 km de Bienne, qui se déroule en Suisse depuis 1959, et de 20% pour différents ultra-marathons de 100 milles nord-américains.

Une étude dirigée par Da Fonseca et Engelhardt avait observé la même tendance sur deux des ultra-marathons les plus durs au monde, à savoir le Badwater aux États-Unis et le Spartathlon en Grèce, avec des performances 20% plus lentes pour les femmes que pour les hommes (sur la base des cinq premiers). À l’inverse, une étude publiée par Peter en 2017 a signalé un écart de 10 à 13% en comparant les coureurs et coureuses d’épreuves d’ultra-marathon d’une durée de 24 heures.

Alors, comment expliquer la variabilité des résultats ? Tout d’abord, par la façon dont la question est formulée. En effet, les écarts peuvent varier considérablement selon que l’on compare le haut du classement des coureurs féminins et masculins ou que l’on considère l’ensemble des participants. Dans ce dernier cas, les différences entre les sexes semblent même diminuer au fur et à mesure que la distance de course augmente. A tel point qu’une étude publiée en avril 2024 a constaté qu’aucune différence n’était établie entre les hommes et les femmes dans les courses de plus de 315 km. Ensuite, la participation féminine à ces événements étant bien inférieure à la participation masculine, jusqu’à 10% de femmes seulement dans certaines épreuves, cela peut amener à confondre les différences de performances dans les courses de très longue distance. Enfin, concernant les études, bon nombre des courses dépassant la distance du marathon étant des événements de trail, qui ne sont pas aussi standardisés que les courses sur route et dans lesquels de nombreux facteurs liés au parcours interviennent, les chercheurs ont beaucoup plus de mal à établir des comparaisons de performances pertinentes.

Ultra-distance et endurance : le coup de tonnerre de Corinne Favre

Malgré un taux de participation nettement inférieur chez les femmes, l’ultra-distance en course à pied apparaît cependant comme l’une des rares disciplines où les femmes sont capables de surpasser les hommes. Les Top 10, voire Top 5 réguliers de Courtney Dauwalter sur les épreuves d’ultra-trail les plus relevées alimentent depuis quelques années le débat sur la possibilité de voir un jour une femme devancer les hommes sur l’un des plus 4 grands ultra-trails du monde : l’UTMB, la Diagonale des Fous, la Hardrock 100 ou la Western States Endurance Run. Kilian Jornet lui-même a prédit que Courtney serait cette personne ! Mais avant l’Américaine, d’autres femmes ont déjà surclassé des hommes. À commencer par la Française Corinne Favre !

Créée en 2006 en raison de la forte demande de participation sur l’UTMB, la CCC (Courmayeur-Champex-Chamonix) faisait 86 km lors de sa première édition. Et contre toute attente, c’est une femme qui allait remporter le classement général de la course : Corinne Favre. Menant de tout en bout, elle allait franchir la ligne d’arrivée en 10h 35mn 55s, avec… 18 minutes d’avance sur son dauphin masculin, le Britannique Alun Powell. Et plus de 50 minutes sur un certain François D’Haene, alors âgé de 22 ans et qui termina 4ème. Il devenait désormais irréfutable que les femmes étaient capables de battre les hommes sur les courses longue distance.

Corinne Favre
Corinne Favre lors de la première édition de la CCC en 2006. Photo UTMB Group

Ultra-distance et endurance : elles ont battu les hommes

Avant Corinne Favre, d’autres femmes avaient déjà devancé des hommes sur des courses presitigieuses. Ainsi, en 2002, l’Américaine Pamela Reed a remporté le Badwater Ultramarathon, aux États-Unis, une course de 135 milles (217 km) dans la terrible Vallée de la Mort, où les températures flirtent souvent avec les 45-50°. Elle s’imposa devant tous les hommes, réalisant un chrono de 27h56 et devançant de plus de 4h30 son compatriote Darren Worts. 4 femmes figuraient dans le Top 10 de cette course extrême.

Question ultra-distance, difficile de ne pas évoquer les performances de Claire Bannwarth, avaleuse de kilomètres en chef, qui a parfois réussi à devancer les hommes sur des longues distances. Ainsi, en juillet 2021, elle s’était imposée en 39 heures sur le Portugal 281 Ultramarathon, une course de 281km et 9800m D+, terminant même 7 heures devant Luca Papi, autre habitué des ultra-distances. En mars 2023, la Française a remis ça en s’imposant au général en 55h sur la TrailCat 200, une course de 322km et 8800m D+ disputée en Espagne, reléguant le second à plus de 6 heures.

Mais bien sûr, sans rien enlever aux performances de ces coureuses, le fait qu’elles puissent devancer les hommes sur une course donnée dépend également du niveau de ceux qui sont au départ de la course en question. C’est pourquoi il est intéressant de regarder du côté des records d’ultra-distance détenus par des femmes.

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Claire Bannwarth, incontournable lorsqu’il s’agit d’évoquer les performances féminines en ultra-distance. Ici sur le 105km de l’Atlas Quest, en octobre 2024, où elle termina 5ème et 1ère féminine. Photo Thomas Giraud

Ultra-distance et endurance : des records absolus au féminin

Pas besoin de remonter les années pour trouver un exemple marquant : en septembre 2024, l’ultra-runneuse américaine Tara Dower a établi un nouveau record absolu sur le légendaire Appalachian Trail, un sentier mythique de 3535 km et 140 000m D+ parcourant les Appalaches, sur la côte est des États-Unis. En réalisant un chrono de 40 jours 18 heures et 5 minutes, elle a effacé des tablettes le record de 41 jours, 7 heures et 39 minutes détenu depuis août 2018 par le Belge Karel Sabbe, grand spécialiste d’ultra-distance. Soit une moyenne ahurissante de 87 km et 3450m D+ par jour pendant… 40 jours d’affilée ! « Si je dois être honnête, je ne pensais pas que c’était possible, a modestement déclaré Tara Dower après son exploit. Cependant, j’avais dans mon équipe des gens qui croyaient en mes capacités et qui me poussaient dans mes limites. Je sais que cela semble intimidant, mais je pense que davantage de femmes devraient s’attaquer à ce record. Je crois sincèrement que les femmes ont – je l’ai déjà dit – un don spécial d’endurance ! »

Autre exemple d’ultra-endurance, en milieu extrême cette fois, avec la victoire en 2007 de l’Américaine Mimi Anderson sur une course Ultra 6633 en autosuffisance non-stop de 352 milles dans l’Arctique. C’est le seul événement du genre où la course traverse le cercle polaire arctique et emmène les concurrents le long des 120 milles du fleuve Mackenzie gelé. Lors de cette édition, la température chuta jusqu’à un niveau stupéfiant de -75°. Mimi Anderson a remporté la course en 143h25, terminant 24 heures avant le premier homme et établissant un record du parcours. 17 ans plus tard, ce record n’a pas encore été battu.

Spine Race 2019, la leçon d’ultra-endurance de Jasmin Paris

Plus récemment, Jasmin Paris, héroïne de la Barkley Marathon qu’elle est la première femme à avoir remporté en 2024, avait fait parlé d’elle en 2019 en remportant le classement général de la Spine Race au Pays de Galles, souvent décrite comme l’un des ultra-marathons les plus difficiles d’Europe. La Britannique avait alors devancé le second de 15 heures. Elle avait non seulement bouclé ses 430 km en 83h12, devenant la première femme de l’histoire à remporter l’épreuve, mais elle avait également battu le précédent record (masculin, donc) de 12 heures ! Une performance d’autant plus dingue qu’à l’époque, Jasmin Paris avait passé une bonne partie de ses 7 heures de pause à tirer du lait pour sa fille de 14 mois !

« Plus on avance, moins il est question de force et de puissance aérobie, avait-elle commenté à l’époque, interrogée sur la supériorité des femmes sur les hommes dans les ultra-événements. Pour moi, il s’agit surtout de savoir ce que l’on a dans la tête, il faut savoir prendre soin de soi, être capable de faire plusieurs choses en et de savoir jongler. Les femmes qui se présentent aux longues courses, même si elles ne représentent que 10% du peloton, sont généralement mieux préparées. Et elles sont moins susceptibles d’avoir cette attitude macho du type “Je peux le faire ! Ça ne doit pas être si difficile que ça”. Beaucoup ne réalisent pas qu’en longue distance, l’endurance est très importante, évidemment, mais environ 50% se joue dans la tête. »

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Jasmin Paris lors de son sprint sur la Barkley Marathon, 1ère femme à avoir bouclé les 5 tours. Photo Howie Stern et Keith Dunn

Ultra-distance et endurance : quels avantages théoriques pour les femmes ?

En premier lieu, il est important de noter que la résistance dans les sports d’ultra-endurance dépend de nombreux facteurs individuels, y compris l’entraînement, la nutrition, la préparation mentale et l’expérience. Il est donc impossible d’établir des généralités applicables à toutes les femmes. De plus, la sous-représentation des femmes dans les sports d’endurance pendant de très nombreuses années (rappelons qu’elles n’ont été officiellement autorisées à courir des marathons qu’à partir de 1972 !) peut expliquer qu’il y ait eu ensuite une meilleure reconnaissance de leurs performances, qui peut influencer la perception de leur résistance.

Une fois cela posé, de nombreuses théories circulent, qui se proposent d’expliquer les avantages des femmes sur les hommes sur les ultra-distances. À noter que ces théories sont généralement corroborées par des observations sur des cas individuels, voire suggérées par des déclarations d’athlètes elles-mêmes, comme c’est le cas avec l’explication proposée ci-dessus par Jasmin Paris après sa victoire sur la Spin Race 2019, ou les propos tenus par Tara Dower concernant le « don spécial » des femmes pour l’endurance, mais ne procèdent pas d’études scientifiques à proprement parler.

Parmi les théories les plus répandues, on trouve celles qui suggèrent que les femmes ont une meilleure capacité à utiliser les graisses comme source d’énergie lors d’efforts prolongés. Cela pourrait leur permettre de maintenir un niveau d’énergie plus stable sur de longues distances. D’autres théories partent du principe que les femmes auraient tendance à mieux gérer la douleur et la fatigue, ce qui est crucial dans les sports d’endurance. D’autres encore évoquent le fait que les femmes ont une meilleure capacité à réguler leur température corporelle, ce qui peut aider à prévenir la surchauffe lors d’efforts prolongés, surtout dans des conditions chaudes. D’autres encore que les femmes semblent avoir une meilleure capacité de récupération après des efforts intenses, et que cela pourrait être dû à des différences hormonales, en particulier liées aux œstrogènes qui peuvent avoir des effets bénéfiques sur le métabolisme des lipides et la fonction musculaire et jouer un rôle dans la récupération et la gestion du stress.

Le facteur psychologique est également évoqué dans certaines hypothèses : les femmes pourraient avoir une approche différente, être moins enclines à se surmener et à ignorer les signaux de fatigue, ce qui pourrait les aider à rester en course plus longtemps. De plus, étant généralement considérées comme moins rapides que les hommes, elles pourraient, dans certains contextes, avoir moins de pression pour performer à un niveau compétitif élevé que les hommes sensés les battre.

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Courtney Dauwalter lors de l’UTMB 2023, où elle avait surpris tout le monde en prenant le temps de se brosser les dents 4 fois durant la course, sans pression. Photo UTMB Group

Ultra-distance et différence femmes / hommes : que dit la science ?

Afin de répondre à la question « les femmes sont-elles plus endurantes que les hommes ? », il est opportun de s’intéresser à l’une des études les plus récentes parues sur les différences entre hommes et femmes dans les courses d’endurance. Cette étude a été publiée en 2022 dans la revue Sports Med. Il s’agit en fait d’une revue narrative se basant sur les conclusions de multiples publications portant sur différents domaines, qui avaient toutes pour objet d’étudier les différences entre les sexes dans la biomécanique de la course à pied, l’économie (dans des conditions de fatigue et de non-fatigue), l’utilisation du substrat, les caractéristiques des tissus musculaires (y compris les lésions musculaires ultra structurales), la fatigue neuromusculaire, la thermorégulation et les stratégies de stimulation.

Si certains domaines sont richement renseignés, et permettent de tirer un certain nombre de conclusions « scientifiquement » avérées, cette revue souligne également le manque de comparaison entre les sexes dans les études portant sur la biomécanique de la course à pied dans des conditions de fatigue et pendant le processus de récupération. Elle souligne également que même aujourd’hui, les femmes sont nettement sous-représentées dans la recherche sur les performances sportives.

Ultra-distance et différence femmes / hommes : les avantages des femmes

Il ressort de cette revue portant sur la littérature scientifique disponible sur le sujet que des spécificités sexuelles existent bien dans la biomécanique de la course. Par exemple, les femmes ont plus de mouvements hors du plan sagittal des articulations de la hanche et du genou que les hommes. Pour rappel, le plan sagittal est un plan vertical qui passe par la ligne médiane du corps et le divise en deux parties symétriques, droite et gauche. En course à pied, la majorité du mouvement se fait dans le plan sagittal. Le fait d’avoir pour les femmes des mouvements plus fréquents hors du plan sagittal leur permet d’activer les muscles stabilisateurs du tronc et des hanches, ce qui peut améliorer la posture et la biomécanique. De plus cela leur permet d’utiliser plus efficacement leur énergie, et de réduire la fatigue et les risques de blessure au fil du temps. Quant au fait d’avoir plus de mouvements hors du plan sagittal, cela peut être en partie expliqué par des différences anatomiques. Ainsi, un bassin plus large, un angle fémur-tibia plus grand ou une longueur des membres inférieurs plus courte par rapport à la hauteur totale chez les femmes.

Par rapport aux hommes, les femmes présentent également une plus grande surface proportionnelle de fibres musculaires de type I, qui par leur capacité à utiliser efficacement l’oxygène sont principalement responsables de l’endurance musculaire. Ces fibres jouent un rôle clé dans le maintien de la posture, la résistance à la fatigue et la performance lors d’exercices prolongés. Par ailleurs, il ressort des différentes études compilées dans cette revue narrative que les femmes sont plus capables d’utiliser les acides gras et de préserver les glucides lors d’un exercice prolongé, qu’elles démontrent une stratégie de rythme plus régulière et qu’elles présentent moins de fatigue après un exercice de course d’endurance.

Ultra-distance et différence femmes / hommes : les facteurs limitants chez les femmes

Si l’ensemble des différences évoquées ci-dessus peut conduire à penser que les femmes ont un avantage sur les hommes en matière de performances d’ultra-endurance, d’autres facteurs contrebalancent ces avantages potentiels.

Parmi eux, la capacité de transport d’O2 plus faible chez les femmes fait figure de principal désavantage. Il est bien connu que l’apport d’oxygène est le principal facteur limitant chez les athlètes d’élite lorsqu’il s’agit d’améliorer la VO2max. Si peu de recherches ont exploré les différences entre les sexes en matière d’apport d’oxygène, et bien qu’il y ait des femmes qui atteignent des niveaux de VO2 max comparables à ceux des hommes, les études compulsées dans cette revue narrative établissent cette différence. Elle s’explique tout d’abord par le fait que les hommes ont généralement une plus grande masse musculaire, et notamment de muscles squelettiques responsables de l’absorption et de l’utilisation de l’oxygène pendant l’exercice. Cela signifie qu’ils ont plus de tissu capable de consommer de l’oxygène, ce qui contribue à un VO2 max plus élevé.

De plus, les hommes ont généralement un volume sanguin total et des niveaux d’hémoglobine plus élevés que les femmes. Or l’hémoglobine est la protéine dans les globules rouges qui transporte l’oxygène. Un volume plus important et des niveaux plus élevés d’hémoglobine permettent donc une plus grande capacité de transport de l’oxygène dans le sang, ce qui est crucial durant l’effort physique. Troisième point important, le cœur des hommes est généralement plus grand, avec un volume ventriculaire gauche plus important, ce qui permet de pomper plus de sang par battement et contribue à une meilleure circulation de l’oxygène vers les muscles actifs pendant l’exercice.

Côté hormonal, si on a vu que les œstrogènes, présents en plus grande quantité chez les femmes, peuvent avoir des effets les avantageant sur le plan métabolique et musculaire, les niveaux de testostérone chez les hommes favorisent quant à eux le développement musculaire et peuvent influencer la capacité aérobie. Enfin, le pourcentage de graisse corporelle généralement plus élevé chez les femmes peut également affecter la capacité aérobique, donc la performance.

En conclusion, il n’est pas possible de répondre à la question de savoir si les femmes sont plus endurantes que les hommes. Comme nous l’avons vu, si celles-ci peuvent avoir des avantages sur les très longues distances, tant psychologiques que physiologiques, elles ont également des facteurs limitants, essentiellement physiologiques. L’ensemble de ces considérations explique qu’au final, les femmes ayant de meilleures performances que les hommes en course d’ultra-endurance sont de rares exceptions.

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Localisée à la jonction de la cuisse et du tronc, de chaque côté du corps, l’aine est cette zone est traversée par les artères et les veines fémorales, mais est aussi constituée entre autres du nerf fémoral, qui assure la flexion de la cuisse sur le tronc et l’extension de la jambe, des ganglions inguinaux, et de plusieurs muscles : le psoas-iliaque, le pectiné, le petit adducteur et l’adducteur moyen, ainsi que le muscle couturier. Les douleurs à l’aine en course, qui se traduisent généralement par des pointes plus ou moins violentes, accompagnées d’un déséquilibre et une forte gêne dans la foulée, peuvent être très handicapantes. Que faire dans ces conditions ? Eléments de réponse…

Douleurs à l’aine : quelles sont les causes les plus fréquentes ?

Avant d’envisager la meilleure façon de limiter les douleurs à l’aine, il est important d’en analyser les causes les plus fréquentes. La plus courante chez le coureur est une inflammation des tendons autour de l’articulation de la hanche ou de l’aine, qui peut survenir en raison d’un surentraînement ou d’une technique de course inappropriée. Il peut aussi s’agir d’une élongation ou, pire, d’une déchirure musculaire. En effet, les muscles adducteurs, qui se trouvent à l’intérieur de la cuisse, peuvent être étirés de manière excessive lors de mouvements latéraux ou de changements de direction fréquents, provoquant douleur et inconfort.

Lorsque la douleur intervient après un effort prolongé, il peut également s’agir d’une bursite, c’est-à-dire une inflammation des bourses (sacs remplis de liquide) autour de la hanche. Parmi les autres causes de douleur à l’aine, on distingue le syndrome de l’illio-tibial. Cela se produit lorsque le fascia iliotibial, un ligament qui court le long de la cuisse, frotte contre les os de la hanche.

Des problèmes articulaires peuvent également intervenir : des pathologies telles que l’arthrose de la hanche ou des problèmes de labrum peuvent aussi être à l’origine de douleurs à l’aine. Le labrum est un joint fibreux très souple et très richement innervé, fixé sur la périphérie du cotyle, et qui entoure la tête fémorale avec un contact étanche. En cas de déchirure, cela peut provoquer de vives douleurs à l’aine.

Enfin, certains facteurs biomécaniques comme un défaut de posture, des déséquilibres musculaires ou des chaussures inappropriées peuvent contribuer à une mauvaise mécanique de course et entraîner des douleurs. Vu la multiplicité des causes possibles, il est recommandé de consulter un professionnel de la santé, comme un kinésithérapeute ou un médecin du sport, pour un diagnostic précis et un traitement approprié si la douleur persiste.

Douleur à l'aine prévention OK
Illustration DR

Douleurs à l’aine : conseils pratiques pour les prévenir et les limiter

En intégrant certaines pratiques dans votre routine, vous pourrez limiter les douleurs à l’aine et profiter de vos sorties en toute tranquillité.

1. Échauffement adéquat

Avant de commencer votre course, effectuez un échauffement dynamique. Cela peut inclure des mouvements articulaires, des étirements actifs et des exercices spécifiques pour préparer les muscles et les articulations. Une fois échauffé, ayez une progression graduelle dans vos séances d’entraînement, en évitant d’augmenter trop rapidement la distance ou l’intensité pour ne pas sur-solliciter vos hanches.

2. Renforcement musculaire

Intégrez des exercices de renforcement pour les muscles des jambes, en particulier les adducteurs, les abducteurs, les quadriceps et les ischio-jambiers. Un bon renforcement musculaire peut aider à stabiliser l’articulation de la hanche, donc prévenir l’apparition des douleurs.

3. Flexibilité et étirements

Il est essentiel de pratiquer régulièrement des étirements pour améliorer la flexibilité des muscles de la hanche et de l’aine. Cela peut inclure des étirements statiques et des exercices de mobilité.

4. Technique de course

Portez une attention particulière à votre technique de course. Une foulée correcte, avec un bon alignement du corps, peut réduire le stress sur l’aine. Pensez à travailler avec un coach ou un spécialiste si nécessaire.

5. Choix des chaussures

Cela peut paraître simpliste, mais assurez-vous que vos chaussures de trail sont adaptées à votre type de pied et offrent un bon soutien. Des chaussures inappropriées peuvent contribuer à des douleurs.

6. Repos et récupération

Même si les douleurs ont tendance à s’atténuer ou disparaître, n’oubliez pas que la récupération fait partie de l’entraînement ! Accordez-vous des jours de repos et écoutez votre corps.

7. Glace et anti-inflammatoires

En cas de douleur persistante malgré les précautions prises, appliquer de la glace sur la zone affectée peut aider à réduire l’inflammation. Des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent également être envisagés, mais consultez un professionnel de santé avant de les utiliser.

Douleurs à l’aine en course : comment réagir ?

Si des douleurs à l’aine surviennent pendant la course, voici quelques étapes à suivre pour gérer la situation. Ne forcez surtout pas ! La gestion des douleurs pendant la course est cruciale pour éviter des blessures plus graves et assurer une récupération adéquate.

Si la douleur est légère, vous pouvez essayer de continuer à courir, en suivant ces conseils :

1. Adoptez alors une foulée plus courte et plus contrôlée pour réduire la pression sur l’aine.
2. Évitez les mouvements brusques ou les changements de direction rapides.
3. Si possible, changez de chemin ou de terrain pour courir sur une surface plus douce ou plus plane, ce qui peut réduire le stress sur l’aine.

Soyez cependant attentif à l’intensité de la douleur. Si elle persiste, faites une pause. Arrêtez-vous et reposez-vous quelques minutes.
Prenez le temps de faire quelques étirements doux des muscles de la hanche et de l’aine, si cela ne provoque pas de douleur supplémentaire.
Si à la reprise la douleur s’aggrave et devient trop intense, il est préférable de s’arrêter. Ne tentez pas de forcer la course.

Si vous avez accès à de la glace ou à un pack de froid, appliquez-le sur la zone douloureuse après la course pour réduire l’inflammation. Prévoyez ensuite une période de repos d’au moins une semaine, avant un retour progressif à l’entraînement, en commençant par des séances de faible intensité et en augmentant progressivement la charge. Si la douleur se manifeste de nouveau, consultez un professionnel de santé, kinésithérapeute ou médecin du sport, pour un diagnostic approprié et un traitement.

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C’est une sorte de grand écart pour Mathieu Blanchard, qui après sa victoire dans la moiteur de la Diagonale des Fous pour son dernier défi de 2024, change radicalement d’ambiance pour son premier défi 2025 : les 640 km de la Yukon Arctic Ultra, dans des conditions glaciales extrêmes, avec des températures pouvant atteindre les -40 à -50° qui en font l’une des courses les plus dures au monde. Départ le 2 février 2025 de Teslin, dans le territoire du Yukon, au Canada.

Mathieu Blanchard, ou le goût de l’exploration du potentiel humain

Mathieu Blanchard n’est pas un coureur d’ultra-distance comme les autres. D’ailleurs, la notion de coureur d’ultra-distance ne suffit pas à le définir. Préférons le terme d’aventurier, comme le rappelle le titre de son ouvrage, Vivre d’aventures. Un aventurier passionné par le potentiel humain, et qu’il aime tester sur sa propre personne, depuis plusieurs années déjà.

« J’ai pris conscience que notre potentiel physique et mental est bien plus élevé que ce que l’on nous apprend ou que nous raconte la société actuelle. On n’utilise même pas 10% de la capacité de notre cerveau, et au niveau physique, c’est la même chose. Comprendre que l’on est capable de courir 500 à 600 kilomètres d’affilée, cela casse complètement le paradigme des capacités du corps humain. »

Les défis d’ultra-distance, Mathieu Blanchard connaît déjà

Les défis très longue distance, Mathieu Blanchard y a en effet déjà goûté. C’était en août 2020, en plein COVID. Il s’était alors lancé dans une aventure en solitaire en Gaspésie, où il avait établi un record de la traversée du GR A1, le premier sentier de grande randonnée d’Amérique du Nord, avec ses 650km et 30000m D+ en forêt, en milieu hostile. Il avait alors parcouru la distance en 7 jours et 12h, là où les randonneurs mettent en moyenne près d’un mois et demi.

De cette aventure, il avait tiré de précieux enseignements : « Il y a d’autres critères que la capacité à courir longtemps que j’ai pu explorer, comme la résistance au sommeil, ou la perturbation du système nutritionnel basé sur trois repas par jour, avec un certain nombre de calories à ingérer, ou encore la gestion de l’énergie. Et au milieu de tout ça, il y avait aussi une histoire de performance, aller d’un point A a un point B le plus vite possible. Toucher du doigt tous ces paramètres et tenter de les maîtriser et les optimiser est quelque chose qui me passionne. »

Voir le teaser du film Confiné retraçant cette aventure ICI

Film Confiné Mathieu Blanchard
L’affiche du film tiré de l’aventure de Mathieu Blanchard en Gaspésie.

Le grand froid, Mathieu Blanchard connaît aussi déjà

Si d’aucuns pourraient redouter les conditions glaciales qui attendent les concurrents de la Yukon Arctic Ultra, Mathieu Blanchard, lui, sait à quoi s’attendre. En effet, en février/mars 2022, il a réalisé une expédition polaire à skis avec son ami Loury Lag qui lui a permis d’expérimenter sa résistance au froid. Et il sait qu’il n’y a aucune adaptation physiologique possible, qu’il faut endurer.

« Contrairement à la chaleur, à laquelle le corps peut physiologiquement s’adapter, par exemple en augmentant la capacité de sudation, ou du volume sanguin, il n’y a pas d’adaptation physiologique au froid. L’adaptation ne peut donc être que mentale. C’est l’accoutumance à la douleur. Et il y a également des techniques ancestrales, que l’on a pu découvrir avec les populations autochtones lors de notre expédition. Eux sont habitués à sortir tous les jours par -40° en hiver et ça ne leur pose pas de problème. Aujourd’hui, notre société a tendance à nous maintenir dans notre canapé, avec une température de 25°, en nous expliquant que le milieu désertique est hostile, que le milieu polaire est hostile, qu’il vaut mieux rester enfermés à l’intérieur. Moi je veux montrer que pas du tout… »

Voir le teaser du film Uapapunan retraçant cette aventure ICI

Uapapunan
Extrait du film Uapapunan.

Aventurier professionnel, la quête ultime de Mathieu Blanchard

Depuis qu’il est passé sous contrat avec Salomon et devenu coureur professionnel, Mathieu Blanchard a dû se plier à une certaine discipline et respecter des contraintes liées au statut. Participer à des rassemblements de groupe, choisir des courses plutôt que d’autres, ne pas se disperser… Mais au fond de lui, il ne s’en est jamais caché, c’est une trajectoire à la Mike Horn qui le titille, avec cette possibilité de pouvoir vivre des expériences nouvelles, hors des sentiers battus. La Yukon Arctic Ultra fait assurément partie de ces « sorties de piste » où l’aventurier reprend la main, et oublie quelque temps le coureur professionnel.

« Venant d’un monde cartésien, ingénieur de bureau avec des objectifs assez cadrés, j’ai mis du temps à accepter la casquette de coureur professionnel. Le monde du sport professionnel était assez irrationnel à mes yeux. Aujourd’hui, j’accepte de dire que je suis coureur professionnel et que c’est mon métier. Maintenant, je suis dans un travail pour pouvoir me dire qu’un jour, je pourrai aussi être reconnu comme un aventurier professionnel. Je me dis ça parce que j’ai réussi à construire des aventures qui peuvent être concrètes en terme de rémunération, car il ne faut pas se mentir, pour être professionnel, il faut pouvoir en vivre.

J’ai vu comment l’aventure peut devenir aussi une activité professionnelle, de par les conférences qu’on va donner, les livres qu’on va écrire, les films qu’on va tourner… Dans quelques années, je serai peut-être capable de faire des aventures qui dureront plusieurs mois, qui auront des impacts beaucoup plus gros. Et c’est quelque chose qui me permettra de continuer de faire ce que j’aime et d’exploiter mon potentiel physique, à une période de ma vie où je ne serai peut-être plus capable de courir assez vite pour me dire que je suis un coureur professionnel. »

Yukon Arctic Ultra 2025 : ce qui attend Mathieu Blanchard

C’est sur 640 km entre Teslin et Faro que se disputera la Yukon Arctic Ultra 2025, sur les traces de la Yukon Quest, la course de chiens de traîneau de 1648 km à travers le grand nord canadien et l’Alaska, réputée pour être la plus difficile au monde. La distance entre le village de départ et celui d’arrivée étant de 340 km, les organisateurs ont prévu de rajouter un segment de 150 km (300 aller-retour) sur la North Canol Road, sauf si ils ont la possibilité de transformer cet aller-retour en une grande boucle autour du lac Teslin. Quant à la difficulté du terrain, ils se réjouissent également de pouvoir proposer un tracé inédit dans une partie du Yukon qu’ils ne connaissent pas bien, où le manteau neigeux est plus important que sur l’ancien parcours et où le relief est plus alpin.

yukon-arctic-ultra-competitor
Photo Yukon Artic Ultra

Une promesse d’aventure extrême, un véritable défi de survie où il faudra faire sa trace en autonomie totale entre les 6 seuls checkpoints du tracé, ce qui implique de très longues sections où les concurrents seront seuls et livrés à eux-mêmes dans la nature sauvage. Et le règlement de la course de préciser : « Des situations qui, dans des circonstances normales, ne causent aucun problème peuvent devenir absolument mortelles en plein hiver au Yukon. Veuillez garder cela à l’esprit à tout moment. »

« Cette prochaine aventure me dépasse, elle m’effraie, et elle sera sans aucun doute la plus éprouvante de ma vie. Tout se jouera sur le moindre détail, et c’est dans cette quête minutieuse que je puise ma force. L’inconnu m’appelle », confiait le 31 décembre Mathieu Blanchard sur les réseaux sociaux, alors qu’il poursuivait son entraînement dans les montagnes sur les hauteurs de l’Alpe d’Huez. « Dormir dehors, sur la neige, ou m’entraîner sous un vent mordant à haute altitude, c’est devenu un bout de mon quotidien. La nuit, seuls les reflets des yeux d’animaux dans l’obscurité me rappellent que je ne suis pas totalement seul. »

Mathieu Blanchard
Mathieu Blanchard à l’entraînement dans les montagnes au-dessus de l’Alpe d’Huez, où il réside.
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Vous vous en doutez, il n’y a pas de règle universelle concernant cette question. En effet, le volume d’entraînement idéal pour performer en trail peut varier considérablement en fonction de plusieurs facteurs, notamment le niveau d’expérience de l’athlète, ses objectifs spécifiques (comme la distance de la course, le type de terrain – plaine – montagne, etc.), ou encore sa condition physique. Néanmoins, on peut distinguer quelques lignes directrices générales.

Volume d’entraînement et niveau d’expérience

Pour les débutants, un volume d’environ 3 à 5 heures par semaine est tout à fait raisonnable, réparti sur 3 à 4 séances. Ce volume peut inclure des sorties de trail, des courses sur route et des séances de renforcement musculaire. Pour les coureurs de niveau intermédiaire, on sera plutôt sur 5 à 10 heures par semaine, réparties sur 4 à 6 sorties, incluant des longues sorties sur terrains variés pour travailler l’endurance, des séances spécifiques pour travailler vitesse et des exercices de renforcement. Enfin, pour les coureurs de niveau avancé, le volume d’entraînement hebdomadaire idéal se situe autour de 10 à 15 heures, voire plus, avec une répartition de séances spécifiques pour développer l’endurance, la vitesse, le cardio, la technique en descente et la gestion du dénivelé.

À titre d’exemple ultime, Kilian Jornet, l’un des athlètes les plus expérimentés au monde, qui publie chaque année ses statistiques, a cumulé en 2024 un volume d’activité de 1257 heures en outdoor plus 120 heures en indoor, soit la bagatelle de 1377 heures d’activité, l’équivalent 26h30 par semaine. Cela correspond à 8432 km de distance totale parcourue, pour une élévation cumulée de 551504 mètres, soit environ un UTMB par semaine, à la fois en terme de distance et de dénivelé.

Volume d’entraînement et type de course

Les objectifs de course influent également sur le volume d’entraînement idéal pour performer. Pour des courses courtes de 20 à 30 km, un volume modéré peut suffire, situé autour de 5 à 8 heures par semaine. L’accent sera alors mis sur la vitesse et l’intensité, tandis que les sorties longues en endurance seront optionnelles. En revanche, un coureur ayant pour objectif de participer à des trails longs ou des ultra-trails devra nécessairement avoir un volume d’entraînement plus élevé, généralement entre 8 et 15 heures par semaine, avec des longues sorties pour habituer le corps à l’endurance. Ajoutez à cela que si le dénivelé des courses objectifs est important, il est essentiel d’intégrer des séances spécifiques de montée et de descente dans le plan d’entraînement, ce qui peut influencer le volume total.

Volume d’entraînement et récupération

On ne le répètera jamais assez, mais la récupération fait partie intégrante de l’entraînement.C’est elle qui permet au volume d’entraînement actif d’être assimilé par le corps et aux muscles de se réparer. Il est donc crucial d’inclure dans les programmes d’entraînement des périodes de récupération active (sport porté type natation ou vélo) venant se substituer aux heures d’entraînement en course à pied et des semaines de décharge (réduction du volume) pour permettre au corps de récupérer et d’éviter les blessures. A toute fin utile, rappelons également qu’il faut toujours être à l’écoute de son corps et qu’il est important d’ajuster le volume en fonction de comment il réagit à l’entraînement, en tenant compte des signes de fatigue, de surmenage ou de blessures potentielles.

Photo Ben Becker / UTMJ

Volume d’entraînement et semaine type pour débuter sur courte distance

Si vous débutez dans le trail et que vous décidez de vous y mettre sérieusement, n’oubliez pas que la progressivité est nécessaire. Ne vous lancez pas dans des programmes d’entraînement à 6 séances par jour pour avaler un maximum de kilomètres, vous risquez surtout le sur-entraînement et la blessure. Inutile également d’envisager débuter par un ultra, mettez-vous comme premier objectif un trail de 20 à 25 kilomètres, ce sera largement suffisant. Voici un programme d’entraînement hebdomadaire idéal, avec trois séances par semaine, qui vous permettra de mettre l’accent sur l’endurance, la force et la technique.

Mardi : Séance de course longue
– Durée : 1h30
– Terrain : Sentier ou chemin en nature, avec un peu de dénivelé.
– Objectif : Courir à un rythme confortable, en vous concentrant sur l’endurance. Essayez d’inclure des montées et des descentes pour habituer votre corps aux variations de terrain. 

Jeudi : Renforcement musculaire et technique
– Durée : 45 minutes
– Exercices : 
 – 10-15 minutes d’échauffement (course légère ou marche rapide)
 – Renforcement musculaire : squats, fentes, soulevés de terre, gainage (3 séries de 10-15 répétitions pour chaque exercice)
 – Exercices de technique : travail sur les montées (course ou marche rapide en montée) et les descentes (descente contrôlée).

Samedi : Séance de fractionné en côte
– Durée : 45 minutes
– Terrain : Trouvez une côte ou une pente.
– Échauffement : 10-15 minutes de course légère
– Fractionné : 6-8 montées de 30 secondes à 1 minute à une intensité élevée, avec une récupération en marchant ou en trottinant en descente.
– Retour au calme : 10-15 minutes de course légère ou de marche.

Pensez à bien vous hydrater avant, pendant, et après l’entraînement, et à adopter une alimentation équilibrée pour soutenir vos efforts. Si vous ressentez de la fatigue ou des douleurs, n’hésitez pas à prendre un jour de repos supplémentaire ou à réduire l’intensité de vos séances. Au fur et à mesure que vous vous sentez plus à l’aise, vous pouvez augmenter progressivement la durée des courses longues et la difficulté des séances de renforcement.

Volume d’entraînement et semaine type pour performer sur courte distance

À partir d’un niveau intermédiaire, les programmes d’entraînement pour performer sur courte distance supposent d’intégrer des séances précises afin de travailler la force et la vitesse. Voici un exemple de programme d’entraînement sur une semaine. Assurez-vous de bien vous échauffer avant chaque séance et de vous étirer après.

Lundi : Récupération active
– Option : 30-45 minutes de marche, de vélo ou de natation à faible intensité.

Mardi : Séance de vitesse
– Échauffement : 15-20 minutes de course à un rythme léger.
– Intervalles : 6 x 400 mètres à un rythme rapide (90-95 % de votre effort maximal), avec 1 à 2 minutes de récupération entre chaque intervalle.
– Retour au calme : 10-15 minutes de course à un rythme léger.

Mercredi : Sortie longue
– Durée : 60-90 minutes sur terrain varié (montées, descentes, chemins techniques).
– Objectif : Travailler l’endurance et la gestion du terrain.

Jeudi : Renforcement musculaire
– Séance de 45-60 minutes axée sur le renforcement des jambes (squats, fentes, soulevé de terre) et des muscles du tronc (planches, gainage).
– Inclure des exercices spécifiques comme des montées sur step ou des sauts.

Vendredi : Course facile
– Durée : 30-45 minutes à un rythme léger, sur terrain plat ou légèrement vallonné.
– Objectif : Récupérer tout en maintenant une activité.

Samedi : Sortie technique
– Durée : 60 minutes de course sur un parcours avec des sections techniques (rochers, racines, dénivelé).
– Inclure des exercices de descente et de montée pour améliorer la technique.

Dimanche : Sortie longue ou mixte
– Durée : 90-120 minutes sur un parcours roulant intégrant des montées et descentes. 
– Courez à un rythme modéré, en vous concentrant sur la gestion de l’effort et la technique.

Si vous vous rapprochez de la date de votre course, intégrez des séances de course à l’allure de course pour vous habituer à la vitesse que vous souhaitez adopter le jour J.

Volume d’entraînement et semaine type pour performer sur longue distance

Se préparer à une course de trail long ou d’ultra-trail suppose de pratiquer depuis déjà quelques années et d’avoir respecté une progressivité dans l’entraînement. Le programme d’entraînement devra être bien structuré, en mettant l’accent sur l’endurance, la résistance, la gestion du dénivelé et la récupération. Voici un exemple de programme d’entraînement sur une semaine, qui peut être ajusté en fonction de votre niveau de forme physique, de vos objectifs spécifiques, et de votre emploi du temps.

Lundi : Repos ou récupération active
– Option : 30-60 minutes de marche, de vélo à faible intensité ou de natation.

Mardi : Séance de vitesse et de côtes
– Échauffement : 15-20 minutes de course à un rythme léger.
– Côtes : 6-8 répétitions de 1 à 2 minutes en montée à un effort élevé, avec un retour en marchant ou en courant à un rythme léger.
– Retour au calme : 10-15 minutes de course à un rythme léger.

Mercredi : Sortie longue en endurance
– Durée : 90-120 minutes sur terrain varié (montées, descentes, chemins techniques).
– Objectif : Travailler l’endurance à un rythme confortable, en incluant des sections de montée et de descente.

Jeudi : Renforcement musculaire
– Séance de 60 minutes incluant :
– Exercices pour le bas du corps : squats, fentes, soulevé de terre.
– Exercices pour le tronc : gainage, planches, mouvements de rotation.
– Inclure des exercices spécifiques comme des montées sur step ou des sauts.

Vendredi : Course facile
– Durée : 45-60 minutes à un rythme léger, sur terrain plat ou légèrement vallonné.
– Objectif : Récupérer tout en maintenant une activité.

Samedi : Sortie longue avec dénivelé
– Durée : 2 à 4 heures (en fonction de votre niveau) sur un parcours de trail avec un dénivelé important.
– Objectif : Travailler l’endurance et la gestion du terrain. Inclure des pauses pour s’hydrater et se nourrir comme le jour de la course.

Dimanche : Séance de récupération active
– Durée : 30-60 minutes de marche, de vélo à faible intensité, ou de yoga.
– Objectif : Favoriser la récupération active et étirer les muscles.

Entraînez-vous à la nutrition et à l’hydratation que vous prévoyez d’utiliser le jour de la course, en testant vos gels, barres, et boissons pendant vos longues sorties. Soyez à l’écoute de votre corps. Si vous ressentez une fatigue excessive ou des douleurs, n’hésitez pas à réduire le volume ou à prendre un jour de repos supplémentaire. Pensez à inclure des sorties à l’allure de course sur vos longues séances pour vous habituer à gérer l’effort sur de longues distances.

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Vice-championne du monde de trail 2017, Amandine Ferrato a fait de son hypersensibilité une force, à la fois pour être alignée dans sa propre vie et permettre à celles et ceux qu’elle coache de prendre la mesure de leur potentiel. Entretien cartes sur table !

Vice-championne du monde en 2017 à Badia Prataglia, en Italie, à seulement 3 secondes de ta coéquipière Adeline Roche. C’était une arrivée arrangée ?

Amandine Ferrato : Oh, ça commence fort ! Alors oui, je termine deuxième à trois secondes du titre, et ces trois secondes sont dues à un moment où j’ai pris un drapeau français. On est arrivées ensemble et j’ai voulu célébrer ça avec le drapeau. En fait, j’étais tiraillée entre la possibilité de passer devant Adeline dans le final et la peur d’être rejetée par l’équipe de France, car c’était ma première sélection et Adeline était la favorite (Adeline Roche venait de remporter le titre de championne de France de course en montagne quelques jours plus tôt, NDLR). J’avais surtout couru pour assurer le titre par équipe, et je ne pensais pas que j’aurais été si proche de la première place.

Amandine Ferrato
Adeline Roche et Amandine Ferrato sur le toit du monde en 2017. Photo DR

Tu n’étais pas prête, psychologiquement, à gagner ?

Amandine Ferrato : Non, pas du tout. À l’époque, je n’avais pas la maturité que j’ai aujourd’hui. Mon histoire personnelle faisait que l’équipe de France était un peu comme une deuxième famille, et je ne voulais pas revivre un rejet similaire à ce que j’avais vécu dans ma vie personnelle.

Le rejet, c’est une blessure que tu as vécue dans ton enfance ?

Amandine Ferrato : Oui, ça a été une blessure importante pour moi. J’étais sensible – on ne parlait pas d’« hypersensibilité » à l’époque – et je ne savais pas comment gérer ça. Avec le temps, j’ai appris à faire de cette sensibilité une force, mais à l’époque, c’était compliqué, surtout avec la pression des autres qui ne comprenaient pas ce que je vivais. J’étais très intuitive et perspicace, ce qui a créé des incompréhensions. Je pense que mes parents ne savaient pas comment gérer cette sensibilité. J’ai grandi vite, j’ai dû apprendre à me débrouiller seule dès mes 12 ans, et ça forge un caractère. Cela se ressent dans mon côté combatif et compétitif aujourd’hui, qui fait que certains peuvent penser que je suis une machine…

Quand as-tu commencé à courir ?

Amandine Ferrato : J’ai commencé la course à pied vers 22 ans, pendant mes études. Avant ça, je marchais beaucoup. Ensuite, je me suis mise à courir, mais plutôt sur piste et sur 10 kilomètres. J’ai fait quelques résultats au niveau régional du côté de Montélimar.

Comment es-tu venue au trail ?

Amandine Ferrato : J’ai commencé à courir dans la nature un peu par hasard. Après un tour du monde, en rentrant, je me suis sentie oppressée par la société de consommation, et j’ai ressenti le besoin de me reconnecter à la nature. J’ai eu la chance d’avoir des potes qui m’ont hébergée, le temps de trouver un boulot pour la crédibilité, pour pouvoir venir en circuit traditionnel du logement. J’ai pris le premier truc qui venait, en intérim, et j’ai donc bossé dans le nucléaire. Et à côté de là où j’habitais, il y avait une colline. C’est là que j’ai commencé à courir.

De fil en aiguille, je me suis inscrite à quelques courses en Ardèche, et j’ai fini par gagner une course, le Trail des Gorges de l’Ardèche. C’est là que j’ai été repérée puis sélectionnée par Philippe Propage en équipe de France. J’ai découvert les stages, et pour moi qui m’entraînais seule, j’ai adoré cette ambiance de groupe. C’était incroyable de porter le maillot bleu, de ressentir cette fierté et cette responsabilité. La première fois que tu mets ton tee-shirt Équipe de France, tu as l’impression d’être investie de super-pouvoirs !

On sent que tu aimes la compétition. Tu parles beaucoup de performance, mais aussi de maîtrise. Peux-tu nous en dire plus ?

Amandine Ferrato : Oui, j’aime la compétition, et j’avoue que j’aime bien aller taquiner les mecs en course. (Rires.) Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est repousser mes limites et savoir de quoi je suis capable. La maîtrise de l’effort, des émotions, c’est très important pour moi. Gagner une course, c’est bien, mais si tu n’as pas bien géré ta course, ça n’a pas la même saveur. C’est la gestion intelligente de la course qui est satisfaisante.

Révéler son propre potentiel, c’est ça qui t’a incitée à te lancer dans le coaching ?

Amandine Ferrato : Ce n’est pas exactement comme ça que ça s’est passé. Après mes succès en trail, j’ai commencé à avoir un peu une crise d’identité parce que la course, je faisais ça pour le plaisir d’être dans la nature, de partager, et là, je me retrouvais propulsée sur le devant d’une scène à laquelle je n’avais pas été préparée. Je ne savais même pas qui j’étais, et les gens imaginaient de moi quelque chose que je n’étais pas, ce côté machine performance. Et en même temps, j’avais des partenaires, donc il fallait aussi jouer le jeu.

Cette année-là (2017, NDLR), après les championnats du monde, je fais 3ème féminine à Sierre-Zinal, 3ème aussi à l’OCC, à Chamonix, et je gagne la Mascareignes, à La Réunion. Ça a été génial, mais ça a été trop ! Il y avait trop à gérer, accueillir les émotions, gérer l’aspect media, gérer les sponsors, gérer les courses, rester performante… Et j’ai explosé. Ça a été la traversée du désert. C’est là que j’ai ressenti ce besoin de trouver du sens à ma vie. La compétition, c’est bien, mais avant tout, pour moi, c’est l’humain qui prime.

Alors j’ai commencé une formation en coaching de vie, et ça a été une révélation. J’ai validé mes diplômes, et aujourd’hui, je combine mon expérience de la haute performance avec le développement personnel. Je propose un accompagnement sur la gestion des émotions, la confiance en soi et la performance, aussi bien en course qu’au travail. Je travaille principalement avec des entrepreneurs, des dirigeants, des managers, mais aussi avec des sportifs, et je aide à mieux gérer leur stress, leurs émotions et à trouver un équilibre dans leur vie.

A Ferrato Photo Peignée Verticale - copie
Amandine Ferrato lors de l’OCC. Photo Peignée Verticale – copie

Concrètement, par rapport à du coaching « classique » à distance, comment gères- tu le côté « personnalisation » ?

Amandine Ferrato : Je travaille aussi à distance, je fais du coaching aux quatre coins du monde, en Afrique du Sud, en Belgique, au Luxembourg, à Paris comme à Marseille ou à La Réunion. J’ai une écoute très active, et l’avantage de travailler avec la visio, c’est que ça me permet de toucher un public plus large, qui est demandeur de ce contact vidéo. Il faut juste savoir gérer les décalages horaires.

Parmi les mots-clés de Côte à Côte Coaching, ton site, on trouve « émotions », « blessures », « équilibre », « quête de soi », « accomplissement », « performance ». Tu es coach, psychologue, ou les deux ?

Amandine Ferrato : (Rires.) Non non, je ne suis pas psy ! Je m’adresse à tous les publics, tous niveaux, et en plus de mon expérience du haut niveau en course à pied, j’amène également cet aspect développement personnel en bonus. Celles et ceux que j’accompagne, ce sont des personnes qui sont stressées, qui n’ont pas confiance en elles, qui ont peur de rater et de ne pas être à la hauteur. Elles ont peur du regard des autres aussi, ne savent pas vraiment faire une stratégie de course et ne comprennent pas pourquoi ça ne marche pas, même quand elles ont l’impression d’être bien préparées. Et généralement, c’est ce qu’elles vivent aussi dans leur quotidien.

J’ai l’avantage, de par mon potentiel émotionnel, de savoir activer les leviers que les gens ne voient pas. Je sais capter exactement où il faut aller, en respectant le rythme de chacun évidemment. Des fois, il y a des séances qui sont plus ou moins dures, avec quelques larmes, mais c’est aussi parce qu’il faut que les choses sortent. Du coup, ça donne des résultats très rapides et c’est super satisfaisant de voir les personnes lâcher leurs freins et s’épanouir. C’est là que je me sens le plus utile. Même si aujourd’hui, mon objectif est de me concentrer davantage sur les dirigeants et les managers, ceux qui ont des problèmes de légitimité ; c’est là où je pense avoir le plus de valeur ajoutée.

Cet article a été publié dans le n°140 d’Esprit Trail

Vous pouvez vous le procurer ici

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C’est l’increvable Claire Bannwarth, qui a disputé par moins de 23 ultras en 2024, et l’inoxydable Ludovic Pommeret, qui à 49 ans a remporté la Hardrock en battant le record de Kilian Jornet de quelques minutes, que vous avez désignés comme héros de l’année parmi les athlètes sélectionnés par la rédaction. Retour sur le résultat de vos votes effectués sur le compte Facebook Esprit Trail Magazine.

Claire Bannwarth héroïne de l’année 2024

Chez les femmes, c’est le triomphe du Lapin ! Claire Bannwarth a une fois de plus tout pulvérisé, saluée pour son œuvre – et sa prose ! Elle s’impose assez largement, avec plus d’un quart des suffrages exprimés, devant la Présidente de l’Univers Courtney Dauwalter !

Le podium :
Claire Bannwarth – Lapin DuDuracell : 26,2%
Courtney Dauwalter : 19,3%
Jasmin Paris : 17,8%

La suite du classement :
Katie Schide : 13,1%
Manon Bohard : 12,6%

Sous les 5%, par ordre :
Clémentine Geoffray 
Blandine L’hirondel (non sélectionnée par la rédaction mais citée par les votants) 
Christel Dewalle
Sylvaine Cussot (non sélectionnée par la rédaction mais citée par les votants)
Tara Dower
Joyce Njeru
Sara Alonso
Audrey Tanguy (non sélectionnée par la rédaction mais citée par les votants)

Pour voir le palmarès complet des nominées femmes, c’est ICI

HÉROS 2024 WOMEN
La sélection athlètes féminines 2024

Ludovic Pommeret héros de l’année 2024

Le score a été plus serré chez les hommes, avec un podium bien garni au sommet duquel s’est hissé un futur quinquagénaire resplendissant, magnifique vainqueur et recordman de la Hardrock Hundred Endurance Run, qui malgré les années a réussi à battre son propre record sur l’ UTMB Mont-Blanc, où il a terminé à la 5ème place. Un exemple de longévité au très haut niveau qui a recueilli plus de 23% des suffrages, devant… le Patron en personne !

Le podium :
Ludovic Pommeret : 23,2%
Kilian Jornet : 18,4%
Mathieu Blanchard, Thomas Cardin et Vincent Bouillard ex-aequo : 15,3%

La suite du classement :
Sébastien Raichon : 7,2%
François D’haene et Elhousine Elazzaoui ex-aequo : 5,1%

Sous les 5%, par ordre :
Louison Coiffet (non sélectionné par la rédaction, mais cité par les votants pour son exploit sur le 110K du Restonica Trail, record de Santelli battu !?) 
Les frères Gabioud
Antoine Guillon
François Devaux
Jim Walmsley
Christophe Le Saux (non sélectionné par la rédaction, mais cité par les votants)
Jean-Philippe Tschumi (non sélectionné par la rédaction, mais cité par les votants)
David Roche
Sylvain Cachard
Russell Cook

Pour voir le palmarès complet des nominés hommes, c’est ICI

HÉROS 2024 MEN
La sélection athlètes masculins 2024
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Gagner 10 à 15 secondes au kilomètre en vitesse de base peut sembler un défi, mais si vous êtes un coureur de milieu de peloton, il est fort probable qu’avec une approche méthodique, ce soit tout à fait réalisable. Et sans avoir à travailler pendant des mois. En effet, d’expérience, nos coachs ont déterminé que deux aspects majeurs de la course à pied, la posture et la respiration, pouvaient dans 90% des cas être améliorés immédiatement pour gagner en technique de course et en vitesse de base. Voici leurs conseils pour y parvenir.

La posture, premier élément clé pour gagner facilement en vitesse

La posture en course est cruciale pour optimiser votre vitesse et votre efficacité. Si vous ne vous entraînez pas avec un coach qui corrige votre posture et vous aide à améliorer votre technique de course, il y a fort à parier qu’après avoir lu cet article, vous allez immédiatement gagner ces 10 à 15 secondes. C’est d’ailleurs une expérience que vous pouvez très simplement faire lors d’une séance d’entraînement. Après un petit échauffement, courez 3 kilomètres à votre vitesse de base dans votre position habituelle. Puis répétez votre course sans mettre plus d’intensité, mais en appliquant les conseils qui suivent. Vous verrez tout de suite la différence, et dans l’aisance de course, et au niveau du chrono !

1. Position du corps

Gardez le torse droit et légèrement incliné vers l’avant à partir des hanches, mais sans vous courber. Cela aide à maintenir un bon alignement et réduit la fatigue. Les hanches doivent être légèrement en avant par rapport aux pieds pour favoriser une foulée efficace. Grandissez-vous. Imaginez que l’on vous tire vers le haut avec un câble accroché au-dessus de votre tête. Cela vous aidera à avoir une foulée plus aérienne, moins « tassée » sur le sol.

2. Épaules et bras

Évitez de hausser les épaules et de les refermer. Elles doivent rester détendues et ouvertes, ce qui permet de réduire la tension dans le cou et le haut du dos et permet une meilleure expansion thoracique, les poumons pouvant se dilater pleinement, facilitant la respiration. Pliez les coudes à environ 90 degrés. Les bras doivent se balancer naturellement le long de votre corps, en synchronisation avec vos jambes. Les bras doivent se déplacer de l’avant vers l’arrière, pas de côté. Cela aide à propulser le corps en avant.

3. Position de la tête

Gardez la tête droite et regardez environ 10 à 15 mètres devant vous. Cela aide à maintenir l’alignement du corps et à éviter de trop pencher la tête en avant ou en arrière.

4. Position des jambes et des pieds

Évitez les foulées trop longues qui peuvent entraîner une perte d’énergie. Une foulée plus courte et rapide est généralement plus efficace. Une cadence de 170-180 pas/minute est souvent recommandée. Utilisez vos mollets et vos muscles des jambes pour pousser efficacement le sol, en utilisant une extension complète des jambes. Idéalement, atterrissez sur le milieu du pied ou l’avant-pied, plutôt que sur le talon. Cela peut réduire l’impact et améliorer la propulsion.

Pour favoriser une prise de conscience corporelle, pratiquez des courses lentes pour vous concentrer sur votre posture et votre technique, puis intégrez ces ajustements dans vos courses plus rapides.

La respiration, deuxième élément clé pour gagner facilement en vitesse

Une respiration efficace permet d’optimiser l’apport en oxygène et d’améliorer à la fois l’endurance et la vitesse de base. Grâce aux quelques conseils qui suivent, vous pourrez ajuster votre respiration afin de courir plus vite.

Lire sur le même sujet : Comment mieux respirer en course avec la méthode rythmée asymétrique

1. Mettez en place la respiration diaphragmatique (abdominale).

Au lieu de respirer uniquement avec votre poitrine, concentrez-vous sur la respiration diaphragmatique, souvent plus efficace que la respiration thoracique. Cela signifie que vous devez faire descendre votre diaphragme lors de l’inhalation, ce qui permet de remplir complètement vos poumons. Dans la pratique, pour mieux comprendre le principe de cette respiration, allongez-vous sur le dos avec un livre sur votre ventre. Lorsque vous inhalez, le livre doit se soulever. Cet exercice vous aidera à prendre conscience de l’utilisation de votre diaphragme.

2. Concentrez-vous sur le rythme de votre respiration.

Adoptez un rythme de respiration qui correspond à votre foulée. Par exemple, vous pouvez essayer d’inhaler sur 3 pas et d’exhaler sur 2 pas (rythme 3/2). Cela vous aide à établir un rythme régulier et naturel. Ce rythme peut ensuite s’adapter en fonction du terrain, et devenir 2/1 en montée. L’idée est surtout de vous concentrer pour trouver un rythme qui vous convient le mieux pendant vos courses. Cela peut varier en fonction de votre intensité et de votre niveau de forme.

3. Restez hydraté pendant la course.

Une bonne hydratation aide à maintenir l’élasticité des voies respiratoires et peut améliorer votre capacité à respirer efficacement pendant la course.

En appliquant ces conseils simples de posture et de respiration dès votre prochaine sortie, vous verrez la différence. Jamais gagner du temps sur votre vitesse de base n’aura été aussi simple.

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Un short noir, un torse nu, velu, bronzé et ruisselant de sueur, des cheveux longs et une barbe fournie, son minimalisme a fait de lui une légende. Krupicka, en tchèque, signifie « petit bâton », et était le nom donné autrefois aux petites personnes, ou à ceux qui maniaient le bâton avec aisance. Anton, du haut de son mètre 83, n’est pas petit. Quant à son aisance, après l’avoir faite fructifier sur les bancs de l’université, avec trois licences obtenues en philosophie, physique et géologie, il l’exprime depuis près de 20 ans baskets aux pieds sur les sentiers, et plus récemment avec un gravel ou sur une paroi rocheuse. Portrait d’une légende surnommée « Le Messie », que l’on espère revoir à Chamonix lors de l’UTMB 2025.

Anton Krupicka, un marathon en 3h50 à 12 ans !

892 kilomètres : c’est la distance parcourue par Anton Krupicka entre Omaha, dans le Nebraska, où il est né en 1983, et Boulder, dans le Colorado, où il s’est établi 20 ans plus tard. Une ultra-distance, mais rien de comparable avec celle parcourue par son arrière-arrière-grand-père, un de ces pionniers venu de l’ancien Empire austro-hongrois au temps des pionniers. « Il a amené sa famille aux États-Unis parce que le gouvernement de l’époque offrait des terres gratuites à toute personne souhaitant s’installer, construire une maison et une ferme. Il a dû y voir une opportunité. J’y pense maintenant, à quel point cela a dû être effrayant et intimidant. »

Coureur depuis 1995 – il a terminé son premier marathon à 12 ans en 3h 50mn 11s -, ultra-runner professionnel depuis 2006 – il remporte alors la Leadville 100 avec le deuxième chrono le plus rapide de tous les temps (17h 01mn 56s), puis revient l’année suivante pour courir encore plus vite (16h 14mn 35s) -, à la question « pourquoi cours-tu ? », sa réponse a évolué au cours des 25 dernières années. De ses débuts au collège, où il courait simplement parce qu’il faisait preuve d’un minimum d’aptitude pour la course de fond par rapport à ses camarades de classe et que cela lui offrait – pour le prix d’une simple paire de chaussures et d’un peu de détermination – un moyen de s’individualiser et de se sentir unique, à la simplicité de l’activité, qui représente aujourd’hui le véhicule le moins compliqué dont il dispose pour se connecter à lui-même et à son environnement, Anton Krupicka est persuadé que toute pratique n’a de réelle valeur que si elle est habituelle.

Sans cela, il n’y a pas de cohérence. Alors il court régulièrement, simplement, comme d’autres lisent ou écrivent, ou s’efforcent de garder leur appartement propre et bien rangé. « Courir est pour moi une activité saine qui est un cadeau, confie-t-il. Ce n’est pas vraiment une béquille ou un mécanisme d’adaptation, même si je suppose qu’il y a eu des périodes dans ma vie où cela a été le cas. »

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Photo La Sportiva / DR

Anton Krupicka, une curiosité toujours intacte

Mais qu’on ne s’y trompe pas, Anton Krupicka n’est pas un enfant de chœur. D’abord, parce que la course à pied est aussi une façon de prendre la parole pour gagner sa vie – et bien plus agréable à ses yeux que de devoir saisir un micro et s’exprimer en public dans le cadre d’opérations marketing. Ensuite, parce que l’homme apprécie grandement la compétition, et le fait de relever des défis pour voir si il peut être à la hauteur. Or, pour une raison qu’il ne s’explique pas, il a toujours été assez doué pour courir de longues distances en montagne, même s’il ne s’entraîne plus que sur 50 à 80 kilomètres par semaine.

Et puis il y a la curiosité, moteur immuable de sa motivation, toujours intacte. La même qui l’a attiré à Leadville pour la première fois, il y a 18 ans, en 2006 — Puis-je faire ça ? —, qui l’a poussé à recourir un 100 milles en septembre dernier, le Grindstone by UTMB — qu’il termine à la 2ème place -, et qui l’amènera peut-être à Chamonix pour prendre le départ de son 3ème UTMB en août prochain. « Les courses à pied de 100 milles constituent un objectif particulièrement inconfortable et stimulant, elles ont à ce point élargi la portée de mon expérience de vie que si je suis physiquement capable de tenter une telle expérience, je sais que cela en vaudra toujours la peine. »

Être physiquement capable, un leitmotiv après les années de blessures à répétition, entre fracture de stress, douleurs aux chevilles et aux genoux, qui l’ont poussé, en 2015, à partir découvrir ce qui, à part courir, pouvait le soutenir psycho-émotionnellement. « Il existe des mondes entiers en dehors de la course à pied. Je l’ai toujours su, mais soit je n’avais pas l’énergie nécessaire pour les explorer, soit je craignais que leur exploration ait un effet néfaste sur ma pratique. Mais lorsque les blessures ont fait que la course à pied a été involontairement supprimée de l’équation, j’ai soudainement eu beaucoup d’énergie et d’espace. »

C’est ainsi qu’en 2015 Anton enfourche un vélo et décide de faire du gravel, concept naissant de l’industrie outdoor mixant cyclisme sur route et sur chemins, devenu une composante à part entière de sa vie. « Un cadre de vélo peut durer des décennies, s’enthousiasme Anton Krupicka. Cela lui confère une qualité intrinsèquement intemporelle qui, je pense, impose le respect et suscite l’inspiration. Les vélos sont vraiment géniaux. »

Anton-Krupicka
Photo La Sportiva / DR

Anton Krupicka : “Le premier amour, le restera toujours !”

Et la compétition d’ultra-trail dans tout ça ? Car il suffit de suivre le compte Instagram d’Anton Krupicka pour s’apercevoir qu’il passe plus de temps à faire du gravel et de l’escalade qu’à courir. « C’est fou ! J’ai en quelque sorte vécu une crise de la quarantaine. En grandissant, en vieillissant, j’ai simplement apprécié beaucoup plus l’endroit où j’ai grandi, alors j’y ai passé plus de temps qu’à rouler et grimper qu’à m’entraîner pour courir. J’aime le Nebraska ! »

Mais la course à pied n’a pas pour autant été remisée dans un carton au grenier, loin de là : « J’adore faire du vélo, mais la course à pied sera toujours mon premier amour. Courir reste la chose la plus malade de tous les temps ! J’ai réalisé il y a un certain temps déjà que le résultat final n’avait pas d’importance, que ce qui comptait était la façon dont je me comportais dans la difficulté. La compétition est alors devenue importante en tant qu’expérience transformatrice, et non en tant qu’arène pour vaincre les adversaires. »

Et d’en profiter pour rendre un hommage appuyé à certains coureurs plus âgés que lui qui brillent encore sur les sentiers et sont des moteurs de sa motivation. « Ce serait mentir que de ne pas dire que des gars comme Ludo ou Jason m’inspirent. » Ludo, Pommeret bien sûr, héroïque sur la Hardrock 100 l’été dernier, battant à l’aube de ses 50 ans le record de Kilian Jornet. Jason, Schlarb, 3ème de cette même épreuve, du haut de ses 46 ans.

Puis, lucide, Anton Krupicka de poursuivre : « Je veux toujours courir, bien sûr, mais je reconnais que je ne suis plus au sommet de ce sport après 15 ans. C’est la progression naturelle des choses. Il y a beaucoup d’aventures que j’ai encore envie de vivre. Certainement dans la course à pied, mais aussi dans l’escalade et le vélo. Des projets, des défis personnels. Et je suis toujours ravi de me dépasser dans des contextes plus informels. »

La passion, la curiosité, l’envie, autant de moteurs dans la vie d’Anton Krupicka. Tout comme la montagne, élément essentiel. « Prendre de la hauteur sur une ligne de crête, s’élever sur une paroi rocheuse ou atteindre un sommet représente une objectif incontournable à atteindre. Il y a peut-être quelque chose d’essentiel dans le fait de vouloir arriver quelque part avec une perspective élevée qui offre une vue dégagée. Mais ce n’est pas nouveau, être attiré par le relief topographique semble être une caractéristique humaine universellement innée. »

Bien connaître un paysage complexe et être capable de le parcourir efficacement est également quelque chose d’extrêmement satisfaisant, dont Anton Krupicka ne se cache pas. Pas pour se grandir, mais au contraire pour se sentir minuscule dans l’immensité. « J’apprécie les paysages qui me font me sentir petit. Les montagnes font ça. Mais il en va de même pour les vastes plaines herbeuses avec un ciel immense. Ou les déserts. Ce sont des moments où je peux être seul avec mes pensées, loin du bruit du monde. »

Anton Krupicka et la controverse de l’UTMB

En décrochant sa qualification pour l’UTMB Mont-Blanc 2025, Anton Krupicka a fait naître un immense espoir dans la communauté des traileurs : celui de le revoir sur la ligne de départ à Chamonix au mois d’août prochain. Mais la polémique autour de l’épreuve, avec l’appel au boycott de l’épreuve par Kilian Jornet et Zach Miller début 2024, qu’en pense-t-il ? « Tout cela n’est qu’une controverse fabriquée. Beaucoup de gens veulent simplement vivre l’expérience magique de faire le tour de la montagne et de le faire avec d’autres, car il y a un fort sentiment de communauté lorsque vous le faites. Toutes les autres conneries, personne ne s’en soucie vraiment… »

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Vous avez plus de 40 ans et le verdict est sans appel : vos chronos de vitesse pure baissent inexorablement. Pas de panique, ce n’est pas votre faute. Plusieurs raisons scientifiques expliquent ce phénomène, dont la sarcopénie. Voici les principales, et nos conseils pour vous entraîner efficacement à courir vite après 40 ans.

Courir vite après 40 ans : que dit la science

La principale raison que explique les difficultés à maintenir sa vitesse pure après 40 ans est à chercher dans les changements musculaires. En effet, à partir de la quarantaine, on observe une diminution progressive de la masse musculaire, un phénomène connu sous le nom de sarcopénie. Cela peut entraîner une réduction de la force et de la puissance, ce qui impacte la capacité à courir à des vitesses élevées. Autre raison, la diminution de la capacité cardiovasculaire. Avec l’âge, le cœur et les vaisseaux sanguins peuvent perdre de leur élasticité, ce qui réduit l’efficacité du système cardiovasculaire. La fréquence cardiaque maximale diminue également, ce qui peut limiter l’apport en oxygène aux muscles pendant l’exercice.

Par ailleurs, le métabolisme de base ralentit avec l’âge, ce qui peut affecter la capacité du corps à utiliser les graisses et les glucides comme sources d’énergie pendant l’effort. Conséquence : l’exercice est plus difficile et moins efficace. Et ce n’est pas tout ! Dans la série « rien ne va plus », les tissus musculaires et articulaires mettent plus de temps à récupérer après un effort intense, ce qui peut rendre plus difficile l’entraînement régulier et l’amélioration des performances.

Des problèmes spécifiques peuvent également venir assombrir le tableau. Les plus fréquents sont les problèmes articulaires. L’usure des articulations, comme l’arthrose, devient en effet plus fréquente avec l’âge et peut entraîner des douleurs et des limitations dans la capacité à courir rapidement ou à s’entraîner de manière intensive. Enfin, même si c’est généralement à un âge un peu plus avancé, il peut y avoir une diminution de l’équilibre et de la coordination qui peut affecter la technique de course. Et augmenter le risque de blessures.

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Ludovic Pommeret, lors de la Hardrock 2024. Photo DR

Courir vite après 40 ans : les femmes plus touchées que les hommes

Les différences entre les femmes et les hommes en ce qui concerne les facteurs limitants liés à la performance physique et à l’âge peuvent être attribuées à plusieurs aspects biologiques, hormonaux et socioculturels. En premier lieu, il faut rappeler que les femmes et les hommes ont des profils hormonaux différents. Par exemple, la testostérone, qui favorise la croissance musculaire et la force, est présente à des niveaux beaucoup plus élevés chez les hommes. Avec l’âge, les femmes subissent une diminution significative des œstrogènes, particulièrement pendant et après la ménopause, ce qui peut affecter la densité osseuse et la masse musculaire. Cette diminution hormonale peut rendre les femmes plus vulnérables à la sarcopénie et à d’autres problèmes musculo-squelettiques.

Il faut également considérer qu’en général, les hommes ont une plus grande masse musculaire et une plus grande force physique que les femmes en raison de différences génétiques et hormonales. Cela signifie que les femmes peuvent être plus affectées par la perte musculaire liée à l’âge, car elles partent souvent d’une base musculaire plus faible. Elles ont également tendance à avoir une densité osseuse plus faible que les hommes, et cette densité diminue encore plus après la ménopause en raison de la chute des niveaux d’œstrogènes. Une densité osseuse plus faible accroît le risque de fractures et peut limiter l’activité physique, y compris la course. Certaines études suggèrent d’ailleurs que les femmes peuvent être plus susceptibles à certaines blessures, comme celles du genou (par exemple, les lésions du ligament croisé antérieur), en raison de différences anatomiques et biomécaniques.

Vitesse femme
Photo DR

Courir vite après 40 ans : comment s’entraîner efficacement ?

Bien que les facteurs que nous avons énumérés rendent souvent plus difficile la capacité à courir vite après 40 ans, il est important de noter que ces facteurs ne s’appliquent pas uniformément à tous et toutes. De nombreux coureurs et coureuses continuent à performer à un niveau élevé bien au-delà de cet âge. Un entraînement approprié, une nutrition adéquate et des soins préventifs peuvent aider à atténuer certains des effets du vieillissement et à maintenir une bonne condition physique.

Pour conserver sa vitesse de course après 40 ans, il est cependant nécessaire de suivre un programme d’entraînement bien équilibré qui prend en compte les changements physiologiques liés à l’âge. Ainsi, un mélange d’entraînement par intervalles, de renforcement musculaire, d’endurance, de flexibilité et de récupération vous aidera à conserver votre vitesse de course après 40 ans. L’important est de rester cohérent et d’écouter votre corps tout au long de ce processus. Voici quelques éléments clés à intégrer dans votre entraînement :

Entraînement par intervalles

– Courez à des intensités variées. Intégrez des séances d’entraînement par intervalles (par exemple, des sprints de 30 secondes suivis de périodes de récupération) pour maintenir votre vitesse et votre capacité aérobie.
– Incorporer des fractionnés. Par exemple, des séries de 400 mètres à une allure rapide, suivies de temps de récupération appropriés.

Renforcement musculaire

– Faites des exercices de force. Intégrez des séances de musculation au moins deux fois par semaine pour renforcer les muscles des jambes, le tronc et les bras, et éviter ainsi ou ralentir au maximum la diminution de la masse musculaire. Cela peut inclure des squats, des fentes, des soulevés de terre et des exercices de gainage.
– Intégrez des exercices pliométriques. En ajoutant des exercices explosifs comme les sauts, vous pouvez aider à développer la puissance musculaire et contrecarrer les effets du vieillissement.

Entraînement aérobie

– Effectuez des courses longues et lentes. Conservez des sorties longues à un rythme modéré pour améliorer votre endurance. Ces courses doivent représenter une part importante de votre entraînement hebdomadaire.
– Changez de terrains. Alternez entre la course sur route, les sentiers et les côtes pour solliciter différents groupes musculaires et améliorer votre résistance.

Flexibilité et mobilité

– Pratiquez des étirements réguliers. En incluant des séances d’étirements après vos courses, vous pourrez maintenir la flexibilité des muscles et des articulations.
– Optez pour le yoga ou le Pilates. Ces pratiques peuvent améliorer la souplesse, l’équilibre et la force du tronc.

Récupération

– N’oubliez pas les jours de repos. Accordez-vous des jours de repos adéquats pour permettre à votre corps de récupérer et de se reconstruire. Et souvenez-vous qu’au-delà de 40 ans, il a besoin de plus de temps qu’à 25 ans !
– Écoutez votre corps. Soyez attentif aux signes de fatigue ou de blessure, et ajustez votre entraînement en conséquence. Le coûte que coûte mène souvent à la blessure.

Nutrition

– Ayez une alimentation équilibrée. Assurez-vous d’avoir un apport suffisant en protéines pour soutenir la récupération musculaire et la croissance, ainsi qu’une hydratation adéquate. Et évitez les excès, plus durs à éliminer avec l’âge.
– Prenez des compléments si nécessaire. Consultez un professionnel de la santé pour évaluer si des compléments (comme les oméga-3, la vitamine D ou le calcium) pourraient être bénéfiques.

Objectifs spécifiques

– Fixez-vous des objectifs réalistes. Que ce soit pour une course ou un défi personnel, des objectifs clairs et des chronos raisonnables peuvent vous motiver et structurer votre entraînement.

Consultation d’un entraîneur

– Essayez de travailler avec un professionnel. Un entraîneur personnel ou un coach de course peut vous aider à élaborer un plan d’entraînement adapté à vos besoins spécifiques et à votre niveau de forme physique.

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