Championnats de France de trail 2023 : le débrief des athlètes
Les athlètes sont de plus en plus nombreux à partager leurs impressions post épreuves sur les réseaux sociaux. Au-delà des anecdotes de course et des remerciements (staff, sponsors, public, organisateurs, etc), ils livrent également des analyses intéressantes de leurs performances ou contre-performances, et nous font revivre les émotions qu’ils ont vécues, parfois touchantes et riches d’enseignements pour tous les amoureux de ce sport qu’est la course nature. Retour sur les Championnats de France de Trail 2023 à La Cité des Pierres par quelques-uns de ceux qui y ont brillé.
Baptiste Chassagne, champion de France de trail long 2023
« Ce dimanche, j’ai vécu un tel séisme d’émotions que les secousses se font encore sentir. Une éruption de joie. Un volcan intérieur, les larmes en guise de lave. Dans l’ultime ascension, un Etna s’est réveillé dans mon estomac. Du magma a coulé dans mes veines. J’ai expérimenté la flamme profonde. J’ai crié de rage, j’ai crié mes peurs. J’ai dégoupillé, complet. J’ai déposé mon cerveau, enfin. Et j’ai appuyé aussi fort que l’envie de réaliser mon rêve était puissante. Faut dire que 68 km durant, j’ai été soutenu par de l’amour-silex et des encouragements-fumigènes. Ça aide à allumer le feu intérieur.
Après 5h d’une âpre bataille, j’ai attaqué, pour gagner, quitte à perdre. Là-haut, j’exploserai. De bonheur. Ou de fatigue. Mais pas de regrets. Plus qu’une estocade, il s’agissait du dernier soubresaut d’une tactique de course calquée sur mes qualités physiques et ma manière d’éprouver du plaisir : partir à un rythme soutenu et se sentir fort dans l’effort, lissé. Plus d’une fois, j’ai cru craquer face aux offensives de Benjamin Roubiol, plus franches et explosives que les miennes. Au km 55, devancé de près d’une minute, j’ai même frôlé la résignation. J’ai failli abandonner la Lune pour retomber sur une étoile.
Puis, j’ai glissé un doigt de pied dans l’entrebâillement de cette porte qui se refermait sur mes espoirs bleutés. Je me suis souvenu de l’avantage stratégique pris à mi-course, en optant pour ce sac, plus lourd, certes, mais qui devait m’offrir la liberté de ne plus jamais m’arrêter aux ravitaillements. Je me suis souvenu que le trail, c’était juste un jeu avec beaucoup d’enjeux. Que ce maillot tricolore, personne ne me le donnerait. Qu’il fallait aller le chercher seul. À la pédale. Pour la première fois, j’ai pris de vrais risques. Pour la première fois, j’ai tenté de traverser la frontière qui sépare les performances prometteuses de la seule et unique gagne. J’ai forcé mon destin.
Quelques kilomètres plus loin, j’ai levé les bras. Champion de France mon frère. Le bonheur, magnitude infinie. La gratitude, puissance indéfinie. Épicentre, plein cœur. L’Autriche is calling. La putain de sa mère. »

Benjamin Roubiol, vice-champion de France de trail long 2023
« C’était compliqué ce matin de partir dans le mauvais temps et la nuit. L’objectif, c’était de prendre le départ avec la tête de course et d’essayer de s’échapper dans le dernier tiers de course. Je savais que j’avais la forme pour le faire. Finalement, il m’en a manqué un peu. J’ai tout donné pour terminer second pour être sélectionné pour les Mondiaux.
Je suis super satisfait car j’ai beaucoup travaillé pour être performant sur un format de course auquel je n’étais pas habitué. En quelques mois j’ai pu beaucoup progresser et me placer parmi les favoris. C’est très très encourageant. »

Anne-Lise Rousset Séguret, championne de France de trail long 2023
« Choisir c’est renoncer. La Hardrock Hundred Endurance Run était pour moi un rêve depuis si longtemps. Obtenir un dossard pour cet ultra mythique est une chance unique qu’il faut savoir saisir. En remportant le championnat de France de trail long, j’avais accès à ce beau maillot bleu que j’ai eu la chance de porter par le passé. Hélas, il m’est impossible de pouvoir préparer comme il se doit ces deux événements majeurs si proches l’un de l’autre.
J’ai donc décidé de décliner ma sélection en équipe de France. Je serai la première supportrice de cette magnifique équipe qui portera avec fierté nos couleurs. Pour ma part, cap vers l’Ouest, cap sur la Hardrock ! »

Jocelyne Pauly, 3e du championnat de France de trail long 2023
« Jamais le doute n’avait été aussi fort dans ma tête à l’approche d’une course. Jusqu’à jeudi, j’étais convaincue de ne pas y aller ! Pourquoi ? Une prépa chaotique démarrée bras en écharpe, entachée par la grippe et des sinusites à répétition et des conditions météo peu propices à l’entraînement. Mais surtout… surtout… un déchirement à l’idée de laisser mon « petit » dans sa dernière ligne droite avant les épreuves de spécialités du bac ! Presque inconcevable pour la maman poule que je suis ! Tête ailleurs, interrogations permanentes sur le pourquoi faire ça, quelles motivations ? quel but ?
Et puis les bons mots des personnes chères m’ont mis un coup de pied aux fesses et décidée à partir !
Mais quand tu n’y es pas dans la tête, toutes les embûches sur ton chemin sont décuplées ! La chute sur l’épaule opérée dès le 10ème km et les maux de ventre à se tordre deviennent quasi insurmontables ! Il aura fallu deux mots (juste deux !) de Dimitri Grudet, les encouragements de Anne-Sophie Hauville et une belle bagarre avec Aurélie Grangé Paul pour aller au bout de ce calvaire !
Passer la ligne d’arrivée, craquer, pleurer, mesurer par quoi je suis passée, dire ce sera la dernière course et puis discuter, échanger, partager, digérer et se dire que finalement, ça valait bien le coup ! »

Clémentine Geoffray, championne de France de trail court 2023
« Un rêve qui s’est réalisé ce WE sur le championnat de France de trail court ! J’ai pris beaucoup de plaisir sur le parcours technique et exigeant du Trail de la Cité de Pierres. Après un départ rapide, je suis super contente d’avoir réussi à tenir le rythme jusqu’au bout sur cette course relevée ! »

Thomas Cardin, 3e des championnats de France de trail court
« 30km, 1500d+, 2h21 pour une 3e place. Certains trouvent peut-être que c’était une course gérée en tacticien pour une belle remontada…. Eh bien ils se trompent ! Pas la forme des grands jours en ce début du Trail de la Cité des Pierres. C’est bête, je me suis bien entraîné, j’ai bien relâché pour récupérer et le sommeil n’est pas trop mauvais en ce moment. Et pourtant, pendant la première heure et demie de course, ce fut vraiment dur.
Je ne me sens pas à l’aise dans les descentes techniques, sûrement à cause de la vision qui n’est pas encore top. Une faute de pied au bout de deux km, une cheville au 4ème… Ça ne met pas en confiance et j’ai donc décroché de la tête dès le début de course qui était en descente. En montée, j’ai aussi l’impression de coincer, de ne pas être à 100%. Peut être que l’effort que j’ai fournis très tôt pour essayer de revenir sur les hommes de tête était trop intense En tous cas, pendant 1h30 de course j’ai vraiment subi. J’ai essayé de donner le maximum mais sans que cela ne soit efficace ; au prix d’un effort mental intense et en dépit de la frustration d’une 9ème position.
C’est là que l’expérience parle. Pendant tout ce calvaire, j’ai pensé à la suite. Je sais que 30 km c’est assez long et que partir très fort ça rime souvent avec partir trop fort. Je sais que je suis capable de fournir un effort intense après 2h de course. Ça fait partie de mes qualités. Donc pendant 20km je me suis accroché à cette 9ème place, j’ai subi, mais en n’oubliant pas de m’hydrater et de me nourrir.
La Roque-Sainte-Marguerite, premier passage (km 20). Tout va mal mais je continue grâce aux encouragements de Philippe Propage et d’Anne-Claire. Et enfin, je sens que ça se décoince par rapport à la montée précédente. Peut-être que j’ai récupéré de mon départ trop violent.
La Roque-Sainte-Marguerite, deuxième passage (km 25). Ce n’est plus le même homme. Je suis passé en mode chasseur et je reprends d’abord Théodore. Puis je poursuis la montée et il reste seulement 4km. C’est exactement ce que j’aime dans le trail. Un effort au seuil, maximal et soutenu dans le temps. Je cours bien et je reprends successivement Sylvain et Arnaud. Je suis 6e et j’espère un top 5, alors je continue à monter fort. Ce n’est même pas dur, c’est même facile par rapport à la souffrance du début de course.
Je passe Clovis, puis Simon, et là c’est un pur moment de plaisir. Surfer sur une vague de bonnes sensations, atteindre un podium inespéré 1h plus tôt, je finis la course heureux…. Comme un poisson rouge, j’ai déjà oublié les premiers tours du bocal si laborieux.
En conclusion : le trail court était vraiment trop court cette année !
En conclusion bis : un galop d’essai pour les championnats du monde en juin. Je sais que je suis capable de continuer de courir très vite encore longtemps. Je prends cette première partie de course comme une bonne expérience de ce qu’est le niveau international. Il faudra aussi gérer un début de course trop rapide à Innsbruck.
Bravo à tous les participant sur court ou long et merci pour les encouragements dingues tout aux long du parcours ! »

Arnaud Bonin, 4e des championnats de France de trail court
« Avec ce plateau très relevé, cette 4ème place est plutôt satisfaisante. Comme prévu, le départ a été très rapide, je suis placé autour de la 8ème place lorsque qu’au bout de 2km on entre dans le single. Un peu « ralenti » par quelques coureurs, je ne suis plus au contact du groupe de tête quand on entame la première montée. Et comme je m’en doutais, c’est monté très vite. Au sommet je suis bien seul, en 6ème position. Je n’arriverai jamais à recoller.
J’alterne entre la 5 et la 6eme place avec Théodore Klein, Clovis Chaverot et Thomas Cardin. Au pied de la dernière bosse que je connais par cœur, je suis toujours 6ème, et je finis les 200 derniers mètres à bloc pour arracher cette 4ème place au sprint contre Simon Guignard. Et 1er Vieux ! »

La grande absente des championnats : Blandine L’Hirondel
Son message le matin même de la course de trail long, dont elle était grande favorite.
« DNS !
C’est avec un grand regret que j’ai décidé de ne pas prendre le départ des championnats de France de Trail aujourd’hui. En effet, j’ai espéré au dernier moment aller mieux, mais là mon corps a parlé.
On a qu’un seul corps, prenons en soin. Je ne suis pas revenue qu’avec la médaille de bronze de Carhaix (Championnats de France de cross, NDLR). Toux sèche, courbatures, céphalées, fièvre avec alternance de frissons/sueurs cette nuit… Et ce matin, une VFC très basse et un FCB à 76 pour une norme à 40.
Exposer mon corps à un stress supplémentaire est risqué. La saison est longue et la santé prime. C’est aussi ça le sport de haut niveau, savoir faire des choix (parfois difficile) pour durer dans le temps et en bonne santé. Je souhaite à tous une très belle course, et une belle bataille. »

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