Comment Kilian Jornet s’entraîne en hiver

Kilian training winter

Pour être en forme au printemps, Kilian Jornet pratique l’entraînement croisé depuis des années, avec des sessions quotidiennes de ski-alpinisme. Et il n’est pas le seul. D’autres athlètes élites suivent le même programme, comme François D’Haene, Mathieu Blanchard ou Germain Grangier, pour ne citer qu’eux. Et c’est en ayant adopté le cross-training durant l’hiver 2022-2023 dans le Beaufortain que Jim Walmsley s’est préparé pour sa saison de trail qui l’a vu s’imposer enfin sur l’UTMB. Grâce aux données obtenues avec son partenaire technologique Coros, Kilian Jornet a dévoilé 6 bonnes raisons de pratiquer le cross-training durant l’hiver pour revenir plus fort en début de saison. Un article de Charlotte Drouin que nous vous résumons ici.

Cross-training : se réinitialiser physiquement et mentalement

Pour les athlètes qui s’entraînent toute l’année, les mois d’hiver offrent l’occasion de se réinitialiser, de se concentrer sur la récupération et d’élaborer une stratégie lorsque les courses de printemps et d’été reprennent. D’un point de vue pratique, s’entraîner par temps froid et neigeux n’est pas toujours réalisable pour ceux qui vivent dans des climats plus froids. C’est le cas de Kilian Jornet, qui vit et s’entraîne dans les montagnes de Romsdalen, en Norvège. De novembre à avril, Kilian prend une pause après avoir parcouru un nombre important de kilomètres pour se concentrer principalement sur le ski-alpinisme (SkiMo), avec en plus l’escalade sur glace et l’entraînement en salle.

Ces mois de récupération active sont essentiels pour Kilian Jornet, qui passe normalement plus de 15 heures par semaine à courir, gravir et descendre des terrains montagneux pendant le reste de l’année. Prendre du temps pour s’entraîner différemment en faisant quelque chose qu’il aime lui permet de se réinitialiser physiquement et mentalement. Dans un esprit de partage, il explique ici en 6 conseils la façon dont vous pouvez bénéficier de l’entraînement croisé tout en conservant votre force et votre forme physique.

Kilian Jornet climbing
Photo Facebook Kilian Jornet / DR

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Conseil N°1 – Réduire la charge sur le corps pour une meilleure récupération

La course à pied est un sport à fort impact qui sollicite les systèmes squelettique et musculaire. Les sports à faible impact, comme le cyclisme, le ski et la natation, vous permettent de développer votre base aérobique sans trop de stress sur le corps. Ainsi, pendant les mois d’hiver en Norvège, Kilian Jornet passera de 4 à 6 heures par jour à skier. Et, au final, il finit par faire beaucoup plus de dénivelé en hiver qu’en été, car il reste plus longtemps dehors. Alors que Kilian Jornet se concentre sur l’intensité pendant la haute saison, il met l’accent sur le volume pendant la basse saison, ce qui lui permet de continuer à développer sa forme physique pour la saison de course à venir.

« Il est beaucoup plus facile de rester plus longtemps sur des skis en zone 2 que de courir, explique le champion catalan. (La zone de fréquence cardiaque 2 correspond à l’endurance aérobie. Vous êtes capable de maintenir une conversation. Il convient à l’entraînement de base de la fonction cardio-pulmonaire, qui permet d’augmenter principalement la capacité aérobie de base, NDLR) Vous n’avez pas l’impact mécanique de la course à pied, mais vous bénéficiez toujours des avantages de l’entraînement d’endurance. Avec la course à pied, il est difficile de faire autant de volume jour après jour. »

Conseil N°2. Augmenter la capacité aérobie

Un énorme avantage de l’entraînement croisé est que vous faites de l’exercice beaucoup plus longtemps avec un risque de blessure beaucoup plus faible. Au printemps et en été, Kilian passe généralement 15 heures par semaine à s’entraîner en course à pied, tandis qu’il peut passer 25 à 30 heures par semaine sur les skis en hiver. Selon Kilian, si vous n’avez pas de grandes courses à l’horizon, il vaut mieux se concentrer sur le développement de votre base aérobique avec des entraînements de moindre intensité. Si vous faites des entraînements de course à pied de haute intensité et atteignez votre forme optimale des mois avant une course importante, cela ne vous aidera pas à vous adapter à long terme.

« Vous devez effectuer un travail de haute intensité 6 à 10 semaines avant vos courses pour des performances optimales, souligne Kilian Jornet. En travaillant à moindre intensité en hiver, cela permet de travailler sur le métabolisme des graisses et la gestion du lactate. Vous ne pourrez jamais faire le travail métabolique que vous pouvez faire à vélo ou à ski car ce sera trop dur mécaniquement pour les fascias musculaires. Le métabolisme ne sait pas si vous courez, si vous ramez ou si vous skiez. Si votre objectif est l’oxydation des graisses par exemple, vous n’avez pas besoin de suivre un entraînement spécifique. »

Les limites de la faible intensité

Il est cependant important de noter que faire de l’exercice dans des zones de faible intensité (zones 1-2-3), si cela permet d’améliorer votre capacité aérobique, finira par diminuer votre capacité à courir vite et à être puissant, car ces compétences nécessitent un entraînement de haute intensité pour être maintenues à un niveau raisonnable. Ainsi, s’il est important de développer une base aérobique solide, il est également important d’augmenter votre force musculaire, afin d’être prêt à entreprendre un travail plus intense au printemps et en été.

« A la sortie de l’hiver, vous n’aurez pas cette rapidité ou cette fraîcheur, souligne Kilian Jornet. Vous vous sentirez très fort, mais vous manquerez de fraîcheur et de vitesse. Mais vous aurez acquis beaucoup d’endurance et de force musculaire. »

Kilian Jornet skimo
Photo Facebook Kilian Jornet / DR

Conseil N°3. Améliorer la force musculaire

Pour les ultra-runners et les adeptes de course en montagne comme Kilian Jornet, la vitesse et la force en descente sont extrêmement importantes. En effet, la course en descente fait travailler les quadriceps et les mollets selon un mouvement excentrique plus intense que la course sur terrain plat. L’entraînement croisé via le VTT et le ski alpin aide Kilian Jornet à renforcer ses quadriceps sans avoir besoin de courir. Lorsqu’il recommence à courir au printemps, ses jambes sont habituées aux lourdes charges excentriques, sans impact supplémentaire sur les fascias musculaires et les os. “La mémoire musculaire de la course est là au retour”, explique-t-il.

Conseil n°4. Prévenir les blessures pour une carrière plus longue

Lors d’un entraînement croisé, la charge mécanique est très différente de celle d’être en station debout pour courir. Pour Kilian Jornet, sa décision d’interrompre plusieurs mois la course à pied n’est pas seulement une question de récupération à court terme, mais aussi d’avantages à long terme, afin qu’il puisse continuer à faire ce qu’il aime aussi longtemps qu’il le peut. Si, durant l’été 2023, Kilian Jornet a souffert de blessures qui l’ont privé de Sierre-Zinal et d’UTMB, notamment le début d’une fracture de stress au sacrum et une douleur croissante à la hanche, il est intéressant de constater que sa récupération jusqu’à ce que la douleur disparaisse s’est faite avec du cross-training, qui lui a permis de se préparer pour un nouveau projet début octobre : l’enchaînement de 177 sommets de plus de 3 000 mcen 8 jours.

« En été, vous voulez faire des charges plus importantes, mais vous devez être prudent. Et surtout, vous devez affiner davantage la récupération, explique Kilian Jornet. En hiver, vous n’avez pas à vous en soucier autant. »

Kilian Jornet winter
Photo Facebook Kilian Jornet / DR

Conseil n°5. S’adapter aux modèles naturels en matière de climat et de météo

Pour Kilian Jornet, courir a toujours consisté à explorer les montagnes et à se connecter avec la nature. Suivre le rythme des saisons lui permet de s’adapter aux rythmes naturels de son environnement. D’un point de vue pratique, la Norvège ne bénéficie que de 5 ou 6 heures de soleil pendant les mois d’hiver les plus sombres.

« Là où nous vivons, nous nous adaptons à ces rythmes, explique-t-il. J’ai hâte de skier et j’attends avec impatience la fonte des neiges. Je fais ça depuis 20 ans. Cela me donne une motivation supplémentaire pour revenir et attaquer la saison de course à pied. Pour moi, il s’agit toujours de s’adapter aux conditions. Si je veux courir en hiver, je dois trouver un endroit où il ne neige pas. Cela peut sembler très contre nature. Je pense donc que mentalement, ce n’est tout simplement pas aussi agréable que de s’adapter à ce que le climat offre. »

Conseil n°6. Faire une pause mentale pour revenir en toute confiance

L’un des aspects les plus importants de la compétition est d’avoir la motivation et la confiance nécessaires lors des courses. Sans force mentale, il est beaucoup plus difficile de s’engager dans un entraînement sérieux. Lorsque Kilian Jornet court en été, il se concentre entièrement sur l’entraînement et s’assure qu’il fait tout son possible pour être le meilleur. Mais c’est le fait de s’autoriser une pause mentale pendant l’hiver qui lui permet de se sentir beaucoup plus motivé et positif une fois le printemps arrivé.

« Si vous êtes d’humeur positive, vous obtiendrez des adaptations positives, souligne Kilian Jornet. Si vous êtes de mauvaise humeur, vous risquez de ne pas vous adapter. Donc l’aspect mental, c’est très important. Pendant la basse saison, vous devez prévoir des heures et du volume, mais il n’est pas aussi important d’être strict avec le plan. »

L’entraînement de Kilian Jornet en hiver

Les données d’entraînement COROS de Kilian Jornet permettent de connaître précisément les types d’entraînement durant toute une année. Selon la saison, il se concentre sur différentes mesures pour surveiller sa forme physique. Pendant les mois d’hiver, il suit principalement le volume et les heures consacrées à l’entraînement croisé. Il augmente le dénivelé total, tout en maintenant une fréquence cardiaque moyenne plus faible. Et si Kilian Jornet se concentre sur le RPE (taux d’effort perçu) lors des entraînements de haute intensité, des séances de plus longue durée sont consacrées à la technique et à la stratégie respiratoire.

Par conséquent, une semaine typique d’entraînement de Kilian pendant l’hiver comprend un volume élevé et une faible intensité. Ce processus lent lui permet d’éviter les blessures lorsqu’il est temps d’incorporer la charge mécanique élevée de la course.

Kilian Jornet winter
Semaine type d’entraînement de Kilian Jornet durant l’hiver. Source Coros

L’entraînement de Kilian Jornet en été

Au sortir de l’hiver, Kilian Jornet a bâti une base solide et son corps est prêt à affronter la charge mécanique de la course. En préparation des courses, il commence à incorporer des séances de plus haute intensité (zones 4-5-6) avec des durées globalement plus courtes, car des compétences spécifiques telles que la vitesse et la puissance peuvent être améliorées dans un laps de temps relativement rapide (6 à 10 semaines). Une semaine typique d’entraînement de Kilian pendant l’été comprend donc un volume plus faible et une intensité plus élevée par rapport aux mois d’hiver.

Kilian Jornet été
Semaine type d’entraînement de Kilian Jornet durant l’été. Source Coros

Rappel des différentes zones de fréquence cardiaque

Zone de fréquence cardiaque 1 : Récupération. Cette zone correspond à une intensité faible. Elle convient à la récupération active pendant les séances de fractionné, par exemple.

Zone de fréquence cardiaque 2 : Endurance aérobie. Tu es capable de maintenir la conversation. Cette zone convient à l’entraînement des fonctions cardio-pulmonaires de base, qui sollicite principalement la capacité aérobique de base.

Zone de fréquence cardiaque 3 : Puissance aérobie. Tu as tendance à respirer plus profondément et il devient difficile de maintenir des conversations. Cette zone convient à l’entraînement d’endurance au marathon et améliore la capacité à contrôler l’allure en course.

Zone de fréquence cardiaque 4 : Seuil. Tu respires plus vite, et cette zone renforce principalement la capacité à éliminer l’acide lactique dans ton corps pour augmenter l’allure au seuil.

Zone de fréquence cardiaque 5 : Endurance anaérobie. Convient à l’entraînement fractionné de haute intensité, qui améliore principalement le niveau de VO2 Max.

Zone de fréquence cardiaque 6 : Puissance anaérobie. Convient à l’entraînement anaérobie, qui améliore la capacité anaérobie et l’endurance musculaire.

Kilian Jornet summer
Photo Facebook Kilian Jornet / DR
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