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Entraînement de vitesse : les étonnantes révélations des récentes études

Photo Lise Neukomm GTWS 2023

Certaines études récentes sur la physiologie de l’exercice montrent une amélioration rapide des performances chez les athlètes élites introduisant seulement quelques semaines de séances d’intervalles de 30 secondes dans leur programme d’entraînement. Et ce même en diminuant dans le même temps leur volume d’entraînement. Mais cette progression en terme de vitesse pourrait-elle bénéficier à des coureurs moins réguliers ? On a mené l’enquête.

Entraînement de vitesse : tout le monde est concerné

Gagner de la vitesse a toujours été un objectif pour les coureurs à pied, surtout lorsqu’ils font du trail court. Mais on l’a vu aux Templiers cette année avec la performance de Jonathan Albon, même sur le long, il faut savoir courir vite. 12km/h de moyenne sur 81,6km avec 3550m D+, c’est tout simplement monstrueux. Si cet aspect de l’entraînement concerne tout le monde, les moyens de parvenir à gagner de la vitesse divergent amplement d’un pays à l’autre. Ou même d’un coach à l’autre. Ainsi Rémy Brassac, athlète élite du team CimAlp, nous confiait récemment à propos de ses séances de vitesse : “Mon coach Patrick Bringer est très inventif, et depuis qu’il m’entraîne, je pense ne jamais avoir fait 3 fois la même séance !”

Longtemps citée comme exemple et utilisée par la plupart des Américains, la « méthode norvégienne » a de moins en moins d’adeptes. Principal grief : entre éprouvantes séances d’entraînement au seuil à intensité contrôlée, longues séances de vitesse matin et soir et travail spécifique ciblé, le volume est trop contraignant et n’est pas tenable sur une saison. Aussi, la perspective d’améliorer rapidement ses performances sans chambouler profondément son programme d’entraînement ne laissera aucun coureur indifférent.

Examinons maintenant 3 études sur la physiologie de l’exercice qui montrent des résultats étonnants.

Jonathan Albon running Photo Cyrille Quintard.
En courant à plus de 12km/h de moyenne pendant plus de 80km, Jonathan Albon a battu le record du Grand Trail des Templiers. Photo Cyrille Quintard

Séances de vitesse : une première étude étonnante…

En 2018, un article dans le Journal of Strength and Conditioning Research met le feu aux poudres. L’objet de l’étude était la façon dont seulement 2 semaines d’entraînement de vitesse pouvaient influencer les performances des coureurs de trail de bon niveau. Les cobayes : 12 hommes et 4 femmes entraînés à raison d’au moins 50 km par semaine au cours des 3 années précédentes.

Dans le cadre de cette étude, les participants ont effectué 3 séances de vitesse par semaine. Donc 6 au total des 2 semaines. Ces séances étaient très simples, composées de 4 à 7 courses rapides en « navette » d’une durée de 30 secondes avec 4 minutes de récupération entre chacune. Le principe de la navette est de courir 5 mètres en avant, puis de se retourner rapidement pour effectuer 5 mètres en sens inverse, puis 10 mètres en avant, puis 10 mètres en sens inverse, puis 15…, et ainsi de suite pendant 30 secondes.

Quant aux tests d’avant et après expérience, il y en avait 3. Le premier consistait en un test de vitesse aérobie maximale commençant à 8 km/h et augmentant de 1 km/h toutes les 2 minutes. Le second était un test de temps jusqu’à l’épuisement à 90% de la vitesse aérobie maximale. Le troisième, enfin, un contre-la-montre de 3 km.

… et des résultats inattendus

Sur le papier, il peut paraître peu probable qu’en 6 séances réparties sur 2 semaines seulement, des coureurs entraînés puissent tirer un bénéfice réel. Surtout lorsque ces séances d’une durée si courte ont pour objet un exercice en navette, non spécifique de la discipline. Or, les résultats ont de quoi laisser perplexe. Sur l’ensemble des participants, la vitesse aérobie maximale a été améliorée de 2,8%, le temps de course jusqu’à l’épuisement à 90 % de la vitesse aérobie maximale a été amélioré de 159 secondes et le temps de contre-la-montre de 3 km amélioré de 5,7 %. En 2 semaines seulement ! De quoi bousculer toutes les certitudes !

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Blandine L'Hirondel Templiers
Grâce à sa vitesse, Blandine L’Hirondel est aujourd’hui capable de performer sur court, et sur long grâce à son endurance. Photo DR

Séances de vitesse : une méta-étude qui confirme

Pourtant, ces résultats ne sont pas anormaux. En creusant un peu, on s’aperçoit que de nombreuses études antérieures ont donné des résultats similaires. Ainsi, un article paru en 2014 dans la revue Sports Medicine faisait état d’une méta-étude compilant les résultats de 16 études différentes. Cette méta-étude impliquant 318 participants ayant effectué des intervalles de 30 secondes. Résultat : ils affichaient une amélioration globale de leur capacité aérobie de… 8% !

Les auteurs de l’étude de 2018 désignent plusieurs critères intervenant à des degrés différents pour expliquer leurs résultats. Ils citent ainsi l’augmentation de l’activité enzymatique du système aérobie, l’augmentation des marqueurs du métabolisme aérobie, ou encore les améliorations de la navette lactate et une capacité neuro-musculaire accrue… Mais quelle que soit la cause, ils constatent que ces séances d’intervalles courts permettent d’améliorer les économies de fonctionnement en peu de temps, avec des rendements élevés nécessitant moins d’énergie. Bref, de quoi mieux courir sur toutes les distances avec un entraînement basique.

Séances de vitesse : une 3ème étude encore plus étonnante

Une troisième étude publiée en 2018 dans Physiological Reports est encore plus étonnante. Elle est basée sur 20 athlètes entraînés (14 hommes et 6 femmes) ayant suivi un programme de 40 jours. Durant cette période, ces volontaires ont baissé leur volume d’entraînement hebdomadaire habituel de 36% mais intégré 10 séances de vitesse (une tous les 4 jours) impliquant à chaque séance entre 5 et 10 fois 30 secondes de course à vitesse maximale, avec 3mn30 de récupération entre chacune.

Avant et après ce programme, les participants ont effectué plusieurs tests afin de pouvoir comparer les données. Il y avait un test de temps jusqu’à épuisement, deux tests de 10 km (dont un avec déplétion en glycogène) précédés de 2 fois 6 minutes d’intervalle à 60 % de VO2 max, ainsi qu’une série de biopsies musculaires et de tests sanguins pour mesurer les variations au niveau cellulaire et systémique.

Les résultats ont été stupéfiants. L’économie de course pendant le 10km a progressé de 2,1%, et de 1,7% pendant les intervalles à 60% de VO2 max. En d’autres termes, les athlètes se sont améliorés tant dans les efforts difficiles que dans les efforts faciles. Et ce tout en ayant réduit de plus d’un tiers leur volume d’entraînement hebdomadaire ! Comment est-ce possible ? C’est ici que l’étude devient passionnante.

Photo Cimalp
Photo CimAlp

Séances de vitesse : les mécanismes d’amélioration

Le test d’épuisement du glycogène 10km a été conçu pour pouvoir mesurer distinctement les modifications des fibres musculaires à contraction lente par rapport aux fibres à contraction rapide. En cas d’épuisement, les fibres à contraction rapide devraient en théorie être forcées de supporter une plus grande charge (comme à la fin d’un marathon ou d’un ultra). Mais étant donné l’absence de changement dans les résultats des tests d’épuisement, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les améliorations observées étaient principalement liées aux modifications des fibres musculaires à contraction lente.

Ils ont en effet constaté une augmentation de l’expression de la protéine dystrophine, qui expliquerait une amélioration de l’intégrité structurelle des fibres musculaires, donc l’économie de fonctionnement. Une hypothèse qui devrait intéresser au plus haut point tous les coureurs d’endurance, car ce sont justement ces fibres qui permettent des performances sur de longues distances.

Les responsables de l’étude ont par ailleurs noté que les fibres à contraction rapide pourraient également avoir joué un rôle dans la réduction de la consommation d’énergie. En effet, ils ont observé que l’expression de la protéine musculaire SERCA1 (une protéine qui joue un rôle dans la re-capture du calcium nécessaire au relâchement musculaire après une contraction) a diminué de 22 % dans ces fibres. Or cette protéine est connectée à un processus pouvant utiliser jusqu’à 50 % de l’énergie. La diminution de son expression pourrait donc induire une réduction du renouvellement énergétique pendant l’exercice, donc une économie de fonctionnement.

Photo Lise Neukomm GTWS 2023
Rémi Bonnet, vainqueur pour la 2ème année consécutive de la GTWS, est un des plus rapides du circuit mondial. Photo Lise Neukomm / GTWS 2023

Séances de vitesse : une équation complexe

L’analyse scientifique est cependant complexe, car l’introduction de courtes séances de vitesse dans les programmes des athlètes entraîne la modification de dizaines de variables physiologiques qui peuvent expliquer des différences de performance, et que l’on regroupe sous le terme générique d’ « économie de course ». Dans le détail, certaines de ces variables peuvent être mesurées et d’autres non, des cellules aux muscles en passant par les systèmes circulatoire et cardiovasculaire. Vous l’aurez compris, aller plus vite est un algorithme terriblement complexe, sachant qu’il reste un million de questions ouvertes.

Séances de vitesse : des questions, encore et toujours

La première de ces questions, concernant l’introduction de ces séances de vitesse de 30 secondes, est de savoir si ces adaptations physiologiques, qui se produisent rapidement, se poursuivent à long terme ? Dans quelle mesure ces séances de vitesse, expérimentées sur des périodes courtes (2 semaines pour la première étude, 40 jours pour la troisième) doivent-elles être prolongées ? Ces adaptations rapides évolueront-elles lorsqu’elles seront intégrées à un programme d’entraînement complet sur plusieurs mois ? Si oui, vers quoi évolueront-elles ? Par ailleurs, les études utilisent souvent des intervalles de 30 secondes, mais qu’en est-il d’intervalles de 20 secondes ? Ou alors d’efforts soutenus d’une minute ? Les athlètes pourraient-ils bénéficier des mêmes avantages avec des séances d’intervalles plus longs, mais sans aucune séance à grande vitesse ?

SAUCONY
Photo Saucony

Séances de vitesse : toute l’année c’est mieux…

Les résultats de ces études, plutôt que donner des clés pour augmenter rapidement votre vitesse sur une durée aléatoire, confirment la théorie de l’utilité de travailler sa vitesse régulièrement, tout au long de l’année. Que ce soit des séances courtes en montée comme le font les Norvégiens sur leurs collines, les diagonales et autres sprints des Kényans, des systèmes de type Lydiard avec un long conditionnement aérobie avant le travail de force et de vitesse puis la finition anaérobie, les séances de vitesse réparties tout au long de l’année sont un élément presque universel.

Même si l’augmentation rapide de l’expression des protéines musculaires montrée par les études ci-dessus représente un intérêt certain pour des athlètes confirmés, et peut leur être utile dans le cadre de la préparation d’une course spécifique, le débit mécanique, l’efficacité neuromusculaire/biomécanique, le débit cardiaque et le développement aérobie interagissent tous de manière très complexe et difficile à prédire. Que faire face à cet algorithme complexe qui régit les changements de performances au fil du temps ? Surtout si vous n’êtes pas armé pour étudier au mieux les variations des différents paramètres et trouver des solutions ?

Séances de vitesse : que faire pour les coureurs réguliers ?

Il semble préférable, pour des coureurs réguliers, de garder un cadre aussi simple que possible en intégrant à leur entraînement aérobique constant, des séances d’intervalles courts et rapides tout au long de l’année. En augmentant durablement la synthèse des protéines musculaires, qui est rappelons-le provoquée par les stimuli de l’entraînement (stimuli qui signalent au corps que vous avez besoin de plus de muscles) et débute peu après celui-ci, la plupart des coureurs augmenteront leurs performances dans tous les domaines, que ce soit pour des sprints courts (90 à 95 % de FC max) ou des ultras (pourcentages beaucoup plus faibles de FC max).

Mais rien ne vous empêche d’intégrer quelques semaines de séances d’intervalles de 30 secondes dans votre programme d’entraînement avant votre prochain objectif…

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