La tête et les jambes, épisode 10 : Sylvain Cachard, l’hyper doué de la course en montagne

Sylvain Cachard Photo Margaux Lemap

Champion d’Europe 2022 de course en montagne, Sylvain Cachard rêve de prendre sa revanche sur les Mondiaux de Thaïlande, où il a dû jeter l’éponge après quelques kilomètres, terrassé par la fièvre. Rencontre avec un jeune coureur de 24 ans qui a tout pour se faire un nom au panthéon du skyrunning et de la course en montagne.

Comment es-tu venu à la course à pied ?

Sylvain Cachard : Naturellement. J’ai toujours été dans la nature, à bouger avec mon petit frère. Après, on met un nom dessus, on dit coureur, mais c’est la même chose, on va dans la montagne et on s’amuse. Je faisais déjà des raids multisports quand j’avais 8/9 ans. J’ai pris ma première licence en athlétisme en 2012, j’avais 13 ans. Et j’ai participé à ma première compétition en 2016, en junior 1.

Tu as pulvérisé l’an dernier le record de la Skyrace des Matheysins, l’une des deux épreuves françaises de la Skyrunner World Series, et tu as été sacré champion d’Europe de course en montagne en juillet. « Courir dans le ciel », c’est une passion qui te vient d’où ?

Sylvain Cachard : J’ai toujours voulu consacrer ma première partie de carrière sur la course en montagne, qui est un format très intense. Et avoir ce premier titre aux Europe l’an dernier, ça a été quelque chose qui me paraissait inaccessible et qui finalement a été possible. J’ai concrétisé ça, mais il y a trop de choses à découvrir pour faire et refaire les mêmes choses et je prends plaisir à faire énormément de courses différentes et de formats différents.

Tu viens de faire un bloc d’entraînement de 3 semaines aux Canaries. Si tôt dans la saison, c’est pour préparer quel objectif ?

Sylvain Cachard : Les Championnats de France de trail à la Cité de Pierres, mi-mars. J’aimerais beaucoup me sélectionner pour le Mondial sur le format 40 kilomètres. Donc j’ai coché cette belle case dans ma tête. Je crois qu’ils prennent le champion de France et un autre athlète pour aller au Mondial début juin, donc c’est l’objectif.

En même temps c’est très tôt dans la saison, je n’ai jamais fait un stage de trail en février, ça fait un peu bizarre. Normalement, à cette période de l’année, je suis encore sur les skis, je fais 2 ou 3 cross, mais jamais rien de spécifique. Donc le but, avec Nicolas Martin (son coach, vice-champion du monde de trail long 2022, NDLR), c’est d’arriver aux France en forme, mais de pas y arriver trop en forme pour ne pas rater la suite de la saison.

Syvain Cachard Europe de Trail Photo Alanis Pic : FFA
Sylvain Cachard Champion d’Europe de Trail 2022. Photo Alanis Pic / FFA

Il y a donc 2 options : sélectionné ou pas sélectionné…

Sylvain Cachard : Si je suis sélectionné pour le Mondial tant mieux, et je repartirai sur une bonne prépa pour le Mondial. Et si je ne suis pas sélectionné, je partirai sur Zegama, qui est la même distance que le Mondial (environ 40 kilomètres) et me fait autant rêver. Zegama est juste 3 semaines avant, donc à peu près la même période.

Ça, c’est pour la première partie de saison. Et ensuite ?

Sylvain Cachard : Le deuxième objectif sera Sierre-Zinal en août. Je n’ai jamais réussi à y aller à 100%. En 2021 je revenais d’un gros passage de surentraînement et j’étais à peine au début de mon rebond qui m’a permis d’aller chercher le titre un mois après aux France de Montagne. Et l’année dernière, j’ai eu un gros coup de mou après ma victoire aux Europe, où ça a été l’euphorie totale tout le mois de juillet. Je ne me suis pas reposé et je l’ai payé cher en août-septembre.

Pourquoi spécifiquement Sierre-Zinal ?

Sylvain Cachard : Cette course est pour moi la plus belle et que ce soit pour un coureur en montagne ou un traileur, quel que soit le terme que l’on emploie, c’est une course qui me fait bien rêver. Donc j’aimerais vraiment me concentrer pour arriver sur Sierre-Zinal en forme.

Mais si tu fais Innsbruck 2 mois plus tôt, tu penses pouvoir t’aligner en forme sur Sierre-Zinal ?

Sylvain Cachard : Je pense que c’est possible. C’est sûr que si je ne suis pas sélectionné et que je fais Zegama, qui est 3 semaines avant, l’enchaînement sera moins risqué. Si je fais les Mondiaux, on a calculé au niveau de la planification des cycles avec Nicolas, ça passe aussi. J’aurai vraiment le temps de me reposer après le Mondial avant d’attaquer la préparation de Sierre-Zinal.

Sylvain Cachard Skyrace Matheysins Photo Margaux Lemap
Sylvain Cachard lors de la Skyrace des Matheysins 2022. Photo Margaux Lemap

Revenons quelques instants à ce qui fâche : les Mondiaux en Thaïlande 2022. Que s’est-il vraiment passé ?

Sylvain Cachard : En Thaïlande, c’était compliqué. C’était en novembre, en fin de saison, j’étais allé aux Etats-Unis en septembre, je sentais que j’étais sur la limite mais en même temps j’ai vraiment fait le job pour la prépa. Je me suis posé à Lyon, j’ai limité les voyages. J’avais un fond de fatigue mais j’étais quand même en forme. Et puis voilà, on arrive en Thaïlande, il y avait une partie de l’équipe qui allait faire des visites touristiques à droite et à gauche, mais moi je suis resté tout le temps à l’hôtel. Je savais que je ne devais pas me disperser. Que la fin de saison peut se jouer parfois à pas grand chose. Et qu’une journée de repos est une journée de repos. J’étais donc confiant et en forme.

Et la veille de la course, la cata ?

Sylvain Cachard : C’est ça ! La veille, à midi, en rentrant de la séance de déblocage, je me sens asphyxié. Je prends ma température, j’ai 39. Et ensuite j’ai eu 40° de fièvre pendant 5 jours ! Je me suis levé le matin de la course, j’arrivais à peine à me déplacer, j’ai pris le départ mais au bout de 3 bornes, c’était impossible. Mais j’ai pris le départ, c’est important ! Ça fait partie de mes valeurs d’essayer jusqu’au bout ! Ça s’est vraiment joué à rien. Mais je n’ai pas de regrets. J’avais été tellement pointilleux sur la préparation, les à-côtés, porter le masque, etc… Donc au final je ne m’en suis jamais voulu, c’est comme ça.

Tu excelles en course en montagne comme en skyrunning. Quels sont les domaines spécifiques à travailler pour être performant dans ces disciplines ?

Sylvain Cachard : Je considère qu’il faut partir sur une base commune à toutes les pratiques de la course à pied outdoor, que ce soit course en montagne, trail ou skyrunning. J’ai une vision assez triathlète de ce sport, c’est montée, plat, descente. Il faut être le plus complet possible dans les 3 disciplines. Si on rapporte ça au niveau du top mondial, le Suisse Rémi Bonnet est un très bon grimpeur, en plat il a fait des progrès et la descente est son point faible. Le Polonais Bart Przedwojewski, lui, est un très gros descendeur, mais a plus de mal en montée et sur le plat.

Prenez une image mentale de curseur, il faut faire en sorte d’avoir ces trois disciplines-là avec le curseur le plus haut possible. S’il y en a une ou 2 avec le curseur poussé à bloc mais une dont le curseur est dans les choux, ça sera un facteur trop limitant.

Et selon toi, où sont tes curseurs ? Ton entraîneur, Nicolas Martin, dit de toi que tu n’as pas de points faibles, que tu es excellent partout…

Sylvain Cachard : Je n’ai pas de points faibles, mais je n’ai pas non plus de points forts. Donc il faut que je joue avec ça. Si l’arrivée d’une épreuve est en haut d’une bosse et que j’arrive au pied de la bosse avec des gars qui sont de très bons grimpeurs, je l’ai dans l’os. Eux auront réussi à lisser leurs points faibles, et pourront jouer sur leur point fort. En course, il faut prendre en compte tous ces paramètres.

Photo Golden Trail World Series
Photo Golden Trail World Series

Quels sont les autres facteurs à prendre en compte ?

Sylvain Cachard : Il faut rajouter les contraintes extérieures. Il y en a 2 que l’on redoute particulièrement en course à pied, c’est la chaleur et l’altitude. Et dans le skyrunning, c’est surtout l’altitude. Donc s’entraîner en conséquence, en montagne. Et il y a bien sûr le facteur technique. Le skyrunning est aussi une question de technique au sol, parfois hors sentier, sur des crêtes. Dans le technique, il y a une part d’inné, comme l’appréhension de son corps dans l’espace, qui est quelque chose de très important et qui ne s’apprend pas forcément. Mais il y a aussi une part d’acquis, qui se travaille.

À l’entraînement, on a souvent l’habitude de faire nos intenses, de faire nos sorties longues, mais de rester l’air de rien dans notre zone de confort. Par exemple, si on est pas trop à l’aise en descente technique, entre 2 descentes, une un peu roulante et une avec des cailloux, on a tendance à éviter celle avec des cailloux. Alors qu’en fait, des descentes, il faut en bouffer, et en bouffer encore, que ce soit à allure course ou à allure tranquille. C’est la clé pour travailler le technique. Faire le plus d’heures possible dedans pour diminuer l’appréhension.

Si tu avais une astuce de champion à donner, quelle serait-elle ?

Sylvain Cachard : C’est un truc que je fais souvent pour travailler le technique : aller dans les terrains très techniques, où il est quasi impossible de courir, ou qui sont très exposés, avec une notion de risque. Après, lorsque l’on revient sur des parcours type la Skyrace des Matheysins, comme c’est moins technique, cela nous paraît facile.

C’est ce qui s’est passé l’an dernier pour la Skyrace des Matheysins justement : je sortais d’un bloc d’entraînement à La Réunion, où c’était très technique, avec des cailloux, des racines, et du coup j’ai été à l’aise sur le parcours de la course. C’est une notion assez similaire à ce que l’on a dans l’alpinisme, où il y a des sorties où on sait que ça va être engagé à certains endroits, et où il faut essayer de faire des choses encore plus engagées, quitte à être assuré avec du matériel et des cordes de sécurité, pour ensuite, dans des zones moins engagées, pouvoir y aller en se sentant plus à l’aise. L’aller-retour entre différents niveaux de difficulté est très intéressant pour progresser en technique.

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