Rencontre avec Jean-Luc Guer, fondateur de la marque de chaussures révolutionnaire WizWedge
C’est une histoire insolite. Celle d’un podologue qui a suivi son rêve, et qui à force de persévérance et de ténacité a réussi à créer, à produire et à mettre sur le marché une collection de chaussures innovantes, avec un drop amovible élevé, cassant les codes des grands équipementiers. Son impératif : préserver votre intégrité physique. Serge Moro a rencontré Jean-Luc Guer, fondateur de la marque de chaussures WizWedge.
ESPRIT TRAIL : Il est difficile de vous présenter succinctement, tant vous intervenez dans de nombreux domaines. Que dire ?
Jean-Luc Guer : En fait, il y a une forte cohérence dans toutes mes casquettes. Je suis avant tout podologue du sport, j’exerce toujours en activité libérale. Et j’ai toujours cherché à comprendre la cause initiale des blessures des patients reçus dans mon cabinet. Je suis aussi dans le staff médical de l’Olympique de Marseille depuis 18 ans. Ces fonctions, je les exerce en parallèle de mes activités de fondateur dirigeant de WizWedge. Cette triple casquette m’assure une compréhension très concrète des pathologies des sportifs en général, et des coureurs en particulier.
En cabinet médical aujourd’hui, les pathologies fonctionnelles les plus recensées sont localisées au niveau de la chaîne musculaire postérieure : tendons d’Achille, mollets, ischios, lombaires, etc. Cette chaîne postérieure est notre moteur, ce qui nous permet d’avancer. En pratique, pour moi, il s’agit d’assurer les meilleurs protocoles de soins, et surtout de développer la prévention par une approche de tous les facteurs de la performance, dont l’entraînement adapté, l’hygiène de vie et bien sûr le bon équipement. En particulier la chaussure, qui est l’élément principal pour le coureur à pied. Le plus gros écueil du thérapeute, c’est la chronicité de certaines blessures, en particulier sur cette chaîne postérieure, où l’on dénombre deux fois plus de récidives.

Avez-vous analysé les principales causes des blessures des coureurs ?
Jean-Luc Guer : Oui, et mes observations rejoignent les positions de la plupart des chercheurs en biomécanique. Ils ont montré que dans le running, le chaussage est le facteur N°1 des pathologies fonctionnelles, au niveau musculaire et tendineux. En particulier sur cette chaîne postérieure qui a tendance à se raccourcir au fil des années, même si l’on pratique régulièrement des étirements. L’élasticité des tissus baisse inexorablement. La multiplication des pratiquants, la démocratisation de la course à pied et du trail a multiplié le nombre des blessures en cabinet. Les sportifs sont exposés à un risque particulièrement élevé de blessures causées le plus souvent par les impacts répétés qui se diffusent au niveau des articulations, des muscles et tendons, des pieds aux membres inférieurs jusqu’au dos.
Les chaussures sont souvent identifiées par la communauté scientifique comme un facteur important qui favorise, déclenche ou entretient les blessures du marcheur, du coureur ou tout simplement du sujet souvent debout. Leurs propriétés mécaniques et architecturales (amorti, rebond, dureté de la semelle, ergonomie intérieure) ne sont pas toujours optimisées selon la pratique, le terrain et le poids du sportif. Très vite, je me suis donc interrogé sur le type de chaussures qui aurait pour fonction principale de prévenir les blessures. Il faut permettre au plus grand nombre de pratiquer avec une probabilité moindre de pathologies. Pour cela, il faut délester la chaîne postérieure, sans être projeté vers l’avant lors de la phase de propulsion. Voilà les balbutiements de ma réflexion en 2005 !
Pouvez-vous revenir sur l’histoire de votre entreprise ?
Jean-Luc Guer : C’est dans un quartier du 4ème arrondissement de Marseille que le projet WizWedge est né. J’ai orienté mes travaux sur les fondements de la chaussure au niveau structural. Mes recherches m’ont amené dans un premier temps à rencontrer le Centre Technique de la Chaussure à Lyon pour de nombreuses validations techniques et industrielles. Puis je me suis rapproché du Laboratoire de Biomécanique Appliquée (LBA) pour de nouvelles validations techniques, afin d’optimiser le composant qui a permis une personnalisation fonctionnelle du produit fini. Entre 2009 et 2011, j’ai déposé 4 brevets protégeant les innovations que je souhaitais appliquer sur le chaussage sportif.
Les tests réalisés sur ces prototypes ont reconnu la chaussure Wizwedge comme l’une des plus sécuritaires et performantes du marché parmi plusieurs chaussures d’autres grandes marques. Je suis fier d’avoir ainsi porté une véritable entreprise à partir du territoire marseillais. J’ai reçu le soutien de plusieurs organismes régionaux, dont l’incubateur Impulse, la région PACA, BPI France et la chambre de commerce. Tous ces partenaires ont permis à la société de se développer. Les premières années qui ont suivi la création de l’entreprise, l’équipe WizWedge s’est d’ailleurs démarquée en remportant 3 prix prestigieux : le 1er Prix Inosport de l’Innovation Sport & Santé, le 1er Prix Trophée de la Recherche et de l’Innovation Médicale, et enfin le prix de Lauréat des Trophées de l’Économie La Provence.

En dehors des laboratoires, avez-vous travaillé sur le terrain ?
Jean-Luc Guer : Bien sûr ! Il s’agissait d’avoir, en plus de la validation industrielle, un vrai et puissant retour de terrain. Nous avons constitué une équipe avec des anciens champions comme Benoît Z ou Muriel Hurtis. À un moment donné, nous avons eu plus de 100 ambassadeurs testant nos produits, avec un retour très marqué sur la faculté de nos produits à délester les charges et à réduire les fatigues musculaires. Nous avons alors décidé de passer le cap et devenir équipementier. À cette époque, les plus grandes marques comme Hoka et Salomon nous ont proposé d’utiliser nos process sur leurs collections. Nous n’avons pas donné suite, et pour préserver l’identité et l’intégrité de notre projet, nous avons privilégié notre propre production.
À l’initiale, je voulais produire en France, à Romans-sur-Isère, mais j’ai vite compris que l’on ne dispose plus ici, ni des outils ni du savoir-faire. Tous les produits arrivent de l’étranger, même s’ils sont parfois montés en France. Il n’y a qu’en Italie du Nord que l’on a conservé un vrai savoir-faire en la matière. Notre premier prototype, très artisanal, n’a pas pu être produit en France. J’ai donc dû faire un grand nombre d’allers-retours en Asie pour enfin disposer d’un modèle abouti. Avec ce pro-typage, j’ai repris contact avec le CTC à Lyon, qui nous a accompagné en Italie du Nord, vers Trevisio, pour avancer sur notre production pendant 3 ans. Nos produits ont été validés là-bas, avec une ingénierie développée vers le trail et le running.
Où en êtes-vous de la mise en marché de vos modèles ?
Jean-Luc Guer : Nous sommes désormais dans une phase commerciale. Nos produits sont accessibles sur notre site, nous avons une boutique en nom propre à Marseille, et nous sommes présents sur le Market Place de Decathlon. C’est une satisfaction pour nous d‘avoir la confiance d’une si belle enseigne.

Quelles sont les spécificités de vos modèles ?
Jean-Luc Guer : Les configurations de nos chaussures sont très spécifiques, avec un insert amovible en talon qui permet de changer la qualité de l’amorti, avec plusieurs positions de souplesse, et un drop entre 15 et 20mm de hauteur. Avoir un drop à cette hauteur, en rupture avec les codes du marché, c’est en fait un vrai plus ! Notre drop assure une dynamique verticale, et non pas un transfert trop rapide vers l’avant. Un chaussant « enveloppé » englobe les métas, en supprimant les perturbations du centre de gravité. C’est une chaussure neutre qui ne perturbe pas le postural. Un drop isolé sur les seuls centimètres à l’arrière du talon, impacte l’iliaque et la chaîne postérieure, et envoie la foulée vers l’avant.
Notre proposition de drop haut est certes un pavé dans la mare, mais cela est issu de notre expérience, croisant les données scientifiques et les retours d’expérience du terrain. Les approches des principales marques sont plus souvent des outils marketing. Posez-vous plutôt la question : qui peut courir pendant plusieurs heures en dynamique d’avant plante ? Il faut être crédible. Le terrain montre que l’on développe tous des foulées et des appuis plantaires différents. Si l’on étudie 100 coureurs, on aura 100 résultats biomécaniques différents de pose de pied, et une évolution par individu en fonction du temps de course, puis de l’avancée en âge. On n’a pas la même foulée à 60 ans qu’à 20 ans !

Et en quoi votre gamme de chaussures soulage-t-elle le coureur ?
Jean-Luc Guer : La géométrie de la chaussure WizWedge permet de protéger l’ensemble de la chaîne musculaire postérieure (tendons d’Achille, mollets, ischio-jambiers, fessiers, lombaires…) grâce à un composant biomécanique amovible et personnalisable. Cet élément est exclusif à la chaussure WizWedge et s’insère dans une loge qui se trouve au niveau du talon. J’ose dire que c’est une solution révolutionnaire, avec des composants biomécaniques brevetés. L’architecture de la chaussure, combinant une lame dynamique et ce Wedge, permet au coureur de personnaliser ses chaussures en fonction de son poids et de ses conditions de pratique.
Le Wedge est un constituant même de notre chaussure. Il permet d’améliorer la posture globale du sportif, et favorise la prévention des blessures musculaires, tendineuses et articulaires. La lame dynamique en polyamide-nylon est la clé de voûte du concept, située au cœur de la chaussure. Son architecture garantit une stabilité maximale et optimise la foulée. La semelle extérieure présente également un pli de flexion innovant. Ce pli respecte le mouvement de flexion naturel du pied uniquement au niveau des cinq articulations métatarso-phalangiennes, et réduit toute autre mobilisation articulaire du pied. Cela limite le risque de blessure en proposant la création d’une zone de flexion artificielle localisée au niveau de l’avant-pied.
Vous proposez un modèle pour le trail ?
Jean-Luc Guer : Oui, c’est notre modèle Stargon, un produit polyvalent, dynamique et équilibré, offrant une foulée ultra-fluide et stable. Il procure un sentiment de confort et de sécurité sur les appuis, grâce à une semelle extérieure crantée. La géométrie de cette chaussure de trail favorise le soulagement des tendons d’Achille et des mollets, grâce à une surélévation étudiée au niveau du talon permise par le couple Wedge et lame dynamique. Cette surélévation est essentiellement assurée par un drop amovible neutre de 20mm, le Wedge, placé sous le talon dans une loge. Donc sans aucune perte du volume intérieur de la chaussure au niveau du talon.

Le Wedge permet d’amortir le choc au moment de l’attaque du talon sur le sol. Il optimise également l’équilibre du pied dans la chaussure lors de l’attaque du pied au sol en médio-pied. Ce Wedge amovible et personnalisable est élaboré à partir de matériaux innovants parmi les plus performants testés en laboratoire. Grâce à nos 3 familles de Wedges (amorti, neutre et dynamique), les propriétés mécaniques des chaussures WizWedge sont personnalisables en quelques secondes, en fonction du poids et du type de pratique.
Cet article est paru dans le magazine Esprit Trail N°130.
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