Test NNormal Kjerag : que valent les chaussures de Kilian Jornet ?

Annoncées en mars 2022 par Kilian Jornet, disponibles à la vente depuis fin 2022, les chaussures avec lesquelles il a remporté Zegama, la Hardrock 100 et l’UTMB l’an dernier sont enfin arrivées à la rédaction d’Esprit Trail. Un long chemin, où il a fallu s’engager contractuellement à renvoyer notre paire de NNormal Kjerag dans un an à l’équipementier, afin de rester fidèle à la philosophie de la marque : minimiser l’empreinte que l’on laisse, par conscience environnementale. En attendant, on en a profité pour foncer ventre à terre sur les sentiers. Après une si longue attente, quoi de plus… normal !

Test NNormal Kjerag : une chaussure orientée compétition 

Si Kilian Jornet a gagné le marathon de Zegama, la Hardrock 100 et l’UTMB avec cette paire de chaussures, c’est bien la preuve qu’elle est toutes distances. Du moins quand elles sont à ses pieds. Car évidemment, un athlète professionnel qui s’entraîne toute l’année et a des capacités hors normes, n’a pas la même attente que vous d’une paire de chaussures. Là où, au bout de 50 kilomètres, le traileur averti commencera à piocher un peu et à modifier sa foulée et ses appuis, le professionnel sera encore capable de maintenir une cadence élevée et une foulée propre, tout en gestion de l’effort.

Dès lors, la question se pose : peut-on faire de l’ultra avec des chaussures aussi souples et légères que les Kjerag ? Une question que l’on se posait déjà avec les modèles S-Lab de Salomon, que ce même Kilian a largement contribué à développer. Pour des traileurs amateurs, qui forment le gros du peloton, la réponse semble évidente : sur du long, ça risque de finir par manquer d’amorti et de confort. Mais enfilons nos Kjerag et allons voir ce qu’elles ont sous la semelle avant de vendre la peau de l’ours…

Test NNormal Kjerag : premières impressions

Premier constat à peine les chaussures déballées : il faut prévoir d’y glisser une semelle intérieure, car la Kjerag n’en a pas. Ce qui, immédiatement, rajoute 25 à 30 grammes aux 239 que pèse ma chaussure en pointure 44,5. Bon, 265g, ça reste bien léger, mais on peut se demander pourquoi ne pas intégrer une semelle intérieure dès le départ, comme sur le modèle Tomir ? Il paraît que c’est un choix des concepteurs, qui ont décidé de s’en passer pour éviter les frottements. Pour avoir testé la paire sur une quinzaine de kilomètres sans semelle interne, je peux vous garantir que le contact direct avec la mousse de la semelle intermédiaire est ferme, pas du tout agréable et a tendance à échauffer rapidement la plante de pied.

Je récupère donc vite fait ma paire de semelles Sidas, la glisse dans mes Kjerag, les enfile, ajuste le laçage et c’est parti. Etonnamment, je n’ai pas l’impression de courir avec des chaussures de trail, mais plutôt un mix trail-route. La chaussure est légère, bien fitée, dotée d’une tige en Matryx, sorte de tissu très léger et aéré, bien résistant, qui devrait permettre une bonne durée de vie à l’empeigne de la Kjerag, sans trop de risques de déchirure. Bien sûr, quand il s’agit d’un modèle conçu avec l’expertise de Kilian Jornet, on s’attend à un truc de dingue. Rien de révolutionnaire ici, pas d’astuce de maintien, de laçage ou autre, mais l’ensemble est efficace.

Le chaussant est très agréable, avec un pied assez près du sentier pour bien le sentir. La transition entre le terrain plat et roulant du début de parcours et la partie caillouteuse plus technique se fait sans problème, la chaussure est précise, souple, avec un amorti satisfaisant. J’aime beaucoup la languette enveloppant le cou-de-pied, qui offre un bon maintien à l’ensemble du pied et ne bouge pas une fois qu’elle est bien positionnée.

Test NNormal Kjerag : avantages et limites

Soyons clair : la Kjerag est une chaussure axée compétition, qui s’adresse donc à des coureurs expérimentés, capables de courir à allure soutenue et qui n’attendent pas de leurs chaussures qu’elles compensent la fatigue musculaire qui apparaît au fil des kilomètres. Si vous êtes un coureur amateur, peu expérimenté sur le long, vous risquez de toucher les limites niveau amorti et confort après quelques dizaines de kilomètres, lorsque vous serez un peu plus sur les talons. En revanche, sur du court ou de la moyenne distance, vous apprécierez la légèreté de la chaussure, sa souplesse, son retour d’énergie et cette impression de foulée aérienne.

Côté confort, la Kjerag propose un chaussant agréable, avec un fit agréable, un avant-pied suffisamment large et un bon maintien au niveau du cou-de-pied. La protection du pied est plutôt réduite, mais pas inexistante non plus. On emploiera peut-être pas le terme de pare-pierres, mais il y a quand même quelque chose… Le renfort de talon, une coque semi-rigide bien rembourrée, offre un bon maintien également, sans venir gêner le tendon d’Achille. Quant au collier de pied, il descend bien sous la malléole, ce qui évite les frottements désagréables de début de vie d’une chaussure.

Test NNormal Kjerag : amorti ferme et bonne accroche

L’épaisseur de la semelle est assez réduit, et la mousse EExpure utilisée n’offre pas un rebond de folie, ce qui donne un amorti plutôt ferme. Certainement l’un des facteurs les plus limitants pour l’ultra. En revanche, ce stack peu épais ( 23,5mm au talon, 17,5 à l’avant) permet de gagner et stabilité et précision et de bien sentir le chemin, ce qui est positif pour performer sur courte ou moyenne distance. Et au moins, la mousse ne risque pas de se tasser considérablement avec le temps, ce qui permet d’en déduire une certaine durabilité de la chaussure, un des critères souhaités par la marque.

Côté semelle extérieure, la Kjerag est dotée d’une semelle Vibram avec des petits crampons, 3,5mm seulement. La gomme Litebase Megagrip est une semelle en version fine mais bien adhérente, qui permet d’avoir à la fois de la souplesse et de l’accroche. Personnellement, j’ai trouvé que les petits crampons rendaient l’accroche un peu limite sur des sentiers pentus type éboulis ou sur terrain gras et humide. L’adhérence est en revanche très satisfaisante sur terrain sec.

Test NNormal Kjerag : le verdict

Peut-on raisonnablement attendre quelque chose de révolutionnaire dans la conception d’une nouvelle chaussure ? Oui, si l’on considère que Kilian Jornet est un extraterrestre, et que l’on attend de lui qu’il imagine une chaussure d’extraterrestre. Non, si l’on considère que ce qui animait notre extraterrestre, dans son alliance avec la marque espagnole Camper, était de proposer des chaussures capables de servir sur tous types de sentiers et de distances, et conçues avec des matériaux fiables et durables.

À ce titre, on peut dire que l’objectif de NNormal est atteint : la Kjerag n’a rien de révolutionnaire, ni dans son design, ni dans son empeigne, plutôt classique et sans chichis, ni dans son amorti ou sa semelle, mais l’ensemble est très cohérent et le produit final plutôt performant. Reste le prix, 190 euros, plutôt élevé par rapport au marché. Mais Kilian Jornet reste un cran au-dessus…

NNormal Kjerag : les caractéristiques techniques

Poids en 44,5 : 239g (hors semelle intérieure)
Stack : 23,5mm / 17,5mm
Drop : 6mm
Crampons : 3,5mm
Prix : 190 €