,

Trail et alimentation chez les femmes : osez manger plus !

MANGER PLUS TRAIL OPEN

Le trail a-t-il changé quelque chose dans votre alimentation ? Posez la question autour de vous… et écoutez les réponses. Vous verrez, on vous parlera surtout de qualité : peu d’aliments transformés, artificiels, industriels, une alimentation dite « naturelle », riche en fruits et légumes. Éventuellement pauvre en viande, en produits laitiers et en produits sucrés. Ou encore exempte de gluten. Mais combien de femmes répondront spontanément : « Depuis que je pratique, j’ai augmenté les quantités » ? Presque aucune. Et c’est sans doute une erreur. Valérie Pfister et Clothilde Mora, diététicienne au sein du service Sports et pathologies du CHU de Grenoble, vous expliquent pourquoi il faut oser manger plus.

Manger plus : pas simple à accepter

Manger plus ! L’option n’est pas simple à envisager, quand on sait que la minceur et le faible poids sont des idéaux socioculturels spécifiques aux femmes. Il suffit d’observer les publicités pour s’en rendre compte. Pas simple à envisager non plus, quand on pratique un sport d’endurance où la légèreté et la minceur sont des facteurs – apparents – de performance. Pas simple encore, lorsqu’on vit dans une société où la performance est une exigence de tous les instants : au travail, à la maison, au lit. La performance touche même la parentalité. Et particulièrement la maternité. Pas simple, enfin, lorsque nombre de personnes (famille, partenaire de vie, partenaire de course, ami(e)s, collègues…) se permettent des réflexions sur notre poids ou notre apparence et/ou notre manière de manger.

MANGER PLUS TRAIL 2
Attention aux diktats de “beauté” : la ligne silhouette fine, c’est peut-être bien pour instagram, mais le déficit énergétique peut avoir des conséquences sévère sur la santé. Photo DR

Les risques de déficit énergétique

De nombreux facteurs invitent les femmes à se restreindre au niveau alimentaire. Dans le cadre plus spécifique d’une pratique sportive, l’invitation quasi constante à transformer la masse grasse en masse maigre complète ce tableau. Manger peu et « transformer la graisse en muscle »… Avec cette injonction, la porte est grande ouverte au déficit énergétique.

On ne s’étonnera donc pas que les femmes soient surreprésentées dans les troubles du comportement alimentaire (9 cas sur 10). Et ceci bien que ces troubles aient des causes multifactorielles et qu’il existe des liens étroits entre ces derniers et les sports d’endurance. Sauf que pour être forte, pour être endurante justement, il faut… des calories. Et on peut aller plus loin encore dans la provocation. Pour préserver sa santé osseuse et sa santé cardiovasculaire, une femme a besoin de sa masse grasse !

Attention, danger !

Une masse grasse insuffisante et un nombre de kcal (par jours et par kilo de masse maigre) trop faible vont ralentir voire arrêter le fonctionnement des ovaires. De prime abord, ce ne sont pas les organes dont on pense avoir besoin quand on court. Mais des ovaires – et par conséquence des règles – qui ralentissent, qui s’arrêtent, c’est une ménopause artificielle qui s’installe. Et avec elle son cortège de problèmes :
– altération de la santé osseuse à moyen terme (fracture de fatigue) et long terme (ostéopénie, voire ostéoporose).
– altération de la santé cardiovasculaire (augmentation du « mauvais cholestérol », moindre utilisation des graisses sur les efforts longs alors que c’est un avantage propre aux femmes…)
– risque d’infertilité, invalidant si on nourrit un projet de maternité.

Au niveau sportif, un déficit énergétique a également des conséquences. Il augmente le risque de blessure, fait baisser la capacité d’endurance, la force musculaire, la réponse à l’entraînement… La liste est longue.

MANGER PLUS TRAIL 3
Plus vous faites d’efforts en trail, plus la ration d’effort est nécessaire. Photo DR

Comment avoir une ration suffisante en énergie ?

Il faut prévoir une ration qui suffit à encaisser le quotidien. Et il est souvent « sportif » pour les femmes en raison de leur triple ou quadruple journée, à laquelle se rajoute la ration d’effort, très souvent négligée. Oui, la ration d’effort, c’est en plus ! Au quotidien, prévoir trois repas par jour peut être un bon début. Nous n’avons aucun recul sur les conséquences à long terme du jeûne intermittent ou des stratégies de type « low carb », « train low » ou « sleep-low ». Mais on sait ce qu’induit le déficit énergétique.

Féculents et matières grasses à chaque repas, c’est la deuxième étape. Même chose pour les protéines : à prévoir à chaque repas. Le corps n’est pas conçu pour jeûner plus de 4-5 heures en période d’éveil. Ainsi les collations (par exemple à 11h et/ou 17h) ne sont pas réservées aux plus jeunes. Elles peuvent être adaptées selon qu’elles précèdent l’effort (raisins secs – pain d’épices) ou s’inscrivent dans la récupération (amandes / produit laitier – chocolat noir – banane – thé vert).

À l’entraînement, la « ration d’effort » ainsi que la boisson d’effort sont à envisager à partir d’une heure. Les aliments protéinés (jambon, fromage, oléagineux…) peuvent être intégrés dès la première heure. En termes d’hydratation, une pincée de sel ainsi que le rajout de glucides dans votre flasque (avec du miel, du sirop de fruit, du jus de raisin ou tout simplement du sucre) vont favoriser l’absorption de l’eau au niveau digestif.

Lire aussi notre article : Glucides et course à pied ICI

Comment savoir si on est en déficit énergétique ?

Oubliez l’IMC, ce n’est pas un bon indicateur de la composition corporelle, surtout chez les personnes sportives. Les troubles du transit sont un premier indicateur : ballonnements et constipation chroniques sont les signes d’un organisme qui tire tout ce qu’il peut du (trop) peu qu’on lui apporte.

Se référer au cycle menstruel peut être intéressant, bien que chez certaines femmes il ne soit pas régulier. Un allongement supérieur à 35 jours (spanioménorrhée) ou un arrêt des cycles (aménorrhée) ne doivent vraiment pas être négligés ni sous-estimés, même si c’est une situation vécue comme confortable.

Les blessures à répétition, quelles qu’elles soient, les rhumes chroniques, les difficultés d’endormissement et/ou des réveils nocturnes peuvent être causés par un déficit énergétique. Un dîner trop pauvre en féculents et en protéines va perturber votre nuit, votre organisme restant en hyper vigilance, en mode « survie ».

Réhabiliter le plaisir de manger

La nutrition se concentre trop souvent sur les nutriments, les calories, sur le « sans » : sans sucre, sans graisse, sans sel, sans gluten, sans viande, sans produits laitiers… Quand on n’a plus rien à mettre dans son assiette, pas étonnant que le jeune intermittent ait le vent en poupe.

Sauf que le cerveau déteste les régimes, qu’ils aient ou non une coloration « sportive ». Il va se défendre en modifiant l’expression de certains gènes. L’appétit va augmenter, le métabolisme va diminuer. C’est bien pour cela que 95% des personnes qui font un régime reprennent ensuite du poids, les 5% de « réussite » relevant des troubles alimentaires.

C’est également pour cela qu’il est fondamental de redonner sa place au plaisir dans l’alimentation : plaisir de manger ou goûter ceci ou cela, d’écouter ses envies et leurs intensités, et d’y céder aussi. Que ce plaisir soit salé, sucré, protéiné, végan, carné ou gras.

Conclusion : ne mangez pas moins, surtout si vous pratiquez un sport exigeant comme le trail… mais mangez mieux !

Lire aussi notre article Alimentation : les 9 fondamentaux à connaître en course à pied ICI

Propositions concrètes pour manger plus

Respecter son appétit et ses envies est la règle n°1. Mais évitez de faire n’importe quoi. On vous guide.

En termes de matières grasses
Huile – 1 à 2 cuillères à soupe par repas : huile d’olive en cuisson, aliments riches en oméga 3 (huile de colza/noix) en assaisonnement… et à conserver au réfrigérateur !
Poissons gras type sardines, maquereau, hareng, anchois – 2 à 3 fois par semaine.
Noix de Grenoble – 4 à 5 par jour.
Une tablette individuelle de beurre par jour (10gr)

En termes de féculents
Riz, pain au levain, pain d’épices… Lors du repas, on peut tendre vers une proportion de 2/3 de féculents et 1/3 de légumes

En termes de protéines
Œuf à la coque, poisson blanc et poisson gras, viande blanche, viande rouge, abats…

En termes de légumes
1 à 2 petits « poings » légumes par repas. La “main comme mesure”, avec le recours au poing, au pouce, à la paume et à la poignée, est une méthode qui permet de quantifier ses apports facilement, du moins plus facilement que le comptage de calories ou l’autorégulation par la pleine conscience…

Les derniers articles
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *