UTMB STORY : les 3 victoires de Xavier Thévenard
2011, 2015 et 2018 : en 3 éditions de l’UTMB, Xavier Thévenard a écrit sa légende et est devenu le « Petit Prince du trail ». Et par 3 fois, il a fait preuve d’une maîtrise et d’une régularité comme seuls des champions d’exception en sont capables. Retour sur 3 exploits majeurs.
UTMB 2011, la première de Xavier Thévenard
2011. Chamonix est devenue la capitale mondiale du trail. Et pas seulement la semaine où se déroulent les événements qui gravitent autour de l’UTMB. Ce territoire est devenu la Mecque des traileurs, ces mangeurs infatigables de kilomètres et de dénivelé. Les Japonais rêvent de Chamonix, les Américains se préparent pour Chamonix, et sur les dossards avec les drapeaux de nationalité, c’est une vraie Tour de Babel qui s’écrit sur les sentiers du Tour du Mont-Blanc. L’édition 2013 confirme le mythe et courir l’UTMB est devenu le graal du traileur mondial.
Ce vendredi de fin août, Xavier Thévenard est arrivé sans se presser sur la ligne de départ… Il avait déjà ravi les observateurs lors de sa victoire « surprise » sur la CCC en 2010, alors qu’il ne pratiquait le trail que pour se préparer aux saisons de ski de fond, lui le jeune « Made in Jura ». Ce qui marqua les observateurs lors de ce départ de l’UTMB, c’est la sérénité de Xavier, contrastant avec l’apparente envie d’en découdre immédiatement des autres leaders, qui prirent le départ comme pour un trail court.
Deux grosses dizaines d’heures plus tard, la victoire du « gamin » de 25 ans a fait l’unanimité dans le monde du trail, et bien au-delà. Un fait qui tient d’abord à la personnalité de ce jeune homme attachant et souriant, qui croque la vie à pleine dents, avec un mélange de détachement et de volonté de réussir qui dessine un homme vrai. Son arrivée sur la Place du Triangle de l’Amitié à Chamonix avait une belle authenticité : il était heureux, épanoui, savourant l’instant en se donnant le temps de franchir la ligne par un saut symbolique et de lever les bras vers le ciel. Mais revenons au départ.

Au col de la Voza, les leaders son déchaînés
Le départ de l’UTMB est le premier piège a déjouer pour celui qui vise une performance, voire la gagne. Du plat, des relances et, avant le 15ème kilomètre, la montée au Col de Voza à partir des Houches. Une côte sur piste forestière de plusieurs kilomètres qui permet de courir aux plus aguerris, suivie d’une descente rapide vers St Gervais… Ce n’est qu’après, au-dessus de Notre-Dame de La Gorge, que l’UTMB commence vraiment. Quand on rentre enfin sur les sentiers de montagne et que l’on s’enfonce dans la nuit, à l’assaut du terrible col du Bonhomme. L’énergie se perd ou se préserve dans ces deux à trois premières heures de course.
Juste au niveau du Col de Voza, un passage montre deux types de gestions de course. Les deux premiers, Julien Chorier et Manu Gault, courent sur un virage à 20% de pente et coupent au creux de la courbe, les mâchoires serrées, l’appui dynamique. Quelques minutes plus tard, Xavier Thévenard passe en marchant, s’aidant des bâtons, souriant au photographe, écartant sa trajectoire pour s’éviter le gros du pourcentage. Xavier raconte à l’arrivée : « J’avais pour consigne de rester tranquille jusqu’à Courmayeur, car c’est là qu’une deuxième course commence,. C’est ce que j’ai fait. »

10 hommes devant, Xavier Thévenard tranquille
Le plus impressionnant chez Xavier Thévenard, c’est sa régularité. En le voyant passer, on pense qu’il chemine tranquillement. Mais si on cherche à le suivre un moment, on constate que non seulement son rythme est élevé, mais surtout qu’il est hyper régulier et qu’il se joue des obstacles. Sans jamais accélérer, celui que l’on baptisera « le petit prince du trail » construit une chevauchée fantastique. Il revient sur tous les leaders, et passe en tête inexorablement. Très technique et rapide en descente, il creuse l’écart sans offrir à ses concurrents le temps de reprendre du terrain.
Xavier, toujours dans le texte : « Ça donne confiance d’être en tête. Je me sentais bien, même si c’est une course de barges et que ça fait mal ! » Marqué sur le final entre le Col des Montets et Chamonix, il se concentre sur son effort dans les pièges des sentiers altiers de la Tête aux Vents à la Flégère et devient, dans un Chamonix en liesse comme jamais, le 2ème Français à remporter l’UTMB® sur son tracé intégral, après Vincent Delebarre en 2004. Il lui aura fallu 20h 34mn 57s pour dompter le tour du Mont-Blanc.

UTMB 2015, deuxième victoire pour Xavier Thévenard
Sur cet UTMB 2015, la liste des prétendants à la victoire est impressionnante, tant chez les hommes que chez les femmes. Sage et sûr de lui, Xavier Thévenard va cheminer tel un métronome tout au long des 170 km et 10 000m de dénivelé de cette édition. En 21h 09mn 15s, il dominera largement ses adversaires du jour. Luis Alberto Hernando (Espagne) terminera 2ème à 49 minutes, et Dave Laney (USA) 3ème 1mn30 plus tard. L’athlète jurassien rejoint l’Italien Marco Olmo et le Français François D’Haene au rang des doubles vainqueurs de l’épreuve. Il ne reste plus alors qu’une longueur d’avance à l’Espagnol Kilian Jornet, triple vainqueur (2008, 2009 et 2011).
Tout au long des 170km du parcours, Xavier a épuisé ses adversaires. En tête à La Fouly (km 110), il s’échappe pour ne plus jamais être inquiété. « Quand je revis ma course de cette année, je me dis que c’est quasiment une copie conforme de celle de 2013, dans son scénario et dans ses conditions. Sauf que cette année, je ne me suis pas trop préoccupé de l’adversité, mais de mon seul chrono. Je m’étais fixé des temps de passage au fil du parcours, et me suis attaché à tenter de les respecter, pour bien rester dans ma course. » Retour sur son exploit.
La tête dans le guidon
Le passage à St Gervais est toujours l’occasion de faire un premier point sur la forme du jour. On retrouve 6 coureurs en tête : le Français Clavery, les Espagnols Castaner, Hernando, Héras et Garcia, ainsi que l’Américain Canaday. Xavier Thévenard pointe alors à la 8ème place, à 1mn50 des leaders. Rien d’alarmant. Il réussit d’ailleurs à boucher cet écart sur le faux-plat qui mène aux Contamines. C’est un premier signe qui ne trompe pas : le Français est en forme ! Ils sont alors 7 à l’approche du col du Bonhomme, les choses sérieuses peuvent commencer.
Clavery perd 8 minutes dans l’ascension, Garcia en perd 6. La course est lancée, les hommes forts sont devant. Au passage en Italie par le col de la Seigne, la nuit est parfaite, pleine lune, étoiles. Au km 65, l’Américain Canaday tombe violemment sur une pierre. Sa course s’arrête alors subitement. Ils ne sont plus que 4 en tête, qui arrivent à la base de vie de Courmayeur. Thévenard est le plus rapide à se changer, il repart décidé et annonce en sortant de la base de vie : « J’accélère dans la prochaine ascension ! »
Il est 3h du matin quand il attaque effectivement dans la courte mais sèche ascension vers le refuge de Bertone. La mi-course n’est pas encore franchie, le Français attaque-t-il trop tôt ? Il paraissait si facile en arrivant sur la base de vie, que cette première banderille permet finalement de tester ses adversaires. Castaner est le seul à s’accrocher, Hernando perd 3 minutes, Heras 6. Les Espagnols doutent, Héras abandonne. Hernando passe au sommet du Col Ferret à 9 minutes de Thévenard et Castaner qui prennent le large en montant le col à un impressionnant 845m D+/h.
Xavier Thévenard magique en solitaire
Certains disent que la course commence à la Fouly. Encore faut-il y arriver en bonne position et avec le bon niveau de fraîcheur. Thévenard passe avec 2mn d’avance sur Castaner qui grimace. L’Espagnol est tombé, il est strappé, il souffre. Thévenard semble toujours facile, il sourit, il relance. Il a 110 km dans les jambes, 13h de course dont une nuit blanche, et le Français semble réellement s’amuser ! Il compte 2 minutes d’avance à la Fouly, puis 11 à Champex. Le Français s’envole. Castaner doit même se résoudre à abandonner tellement la douleur est insupportable.
Thévenard possède alors 56 minutes d’avance à Trient. La route est libre. À moins d’une énorme défaillance sur les 30 derniers kilomètres, il a mis tout le monde KO. L’ambiance à son entrée dans Chamonix est incroyable, il arrive avec un drapeau du Jura dans chaque main, les larmes aux yeux… C’est fait ! C’est un grand moment, Xavier Thévenard remporte pour la deuxième fois l’UTMB. Hernando prend la 2ème place, l’Américain Laney monte sur la 3ème marche du podium.

UTMB 2018, le triplé pour Xavier Thévenard
Chaque édition est inédite, et tous les scénarios écrits à l’avance volent en éclats, pulvérisés façon puzzle par le fracas de la lutte des hommes et des femmes venus cette année de 101 nations. Cette discipline si particulière qu’est l’ultra-trail n’a rien d’une science exacte, et elle s’avère rétive au moindre pronostic. C’est sûrement la leçon à retenir de cette édition 2018. Mimmi Kotka (Suède) l’avait annoncé : « Un traileur ne peut pas avoir d’ego, car la montagne a vite fait de le remettre à sa place. » Xavier Thévenard rappelait lui aussi l’humilité à afficher avant une telle épopée. « L’ultra, c’est une épreuve à part. On ne peut pas écrire ce qu’il va se passer en avance. »
Ainsi, alors que tout le monde annonçait un duel entre Jim Walmsley et Kilian Jornet, celui-ci a tourné court, pour laisser place au triomphe émouvant du « Petit Prince de l’UTMB ». La montagne et ses conditions difficiles (ressenti -10°C aux cols et humidité) ont été implacables pour la majorité des grands favoris de cette édition, tout comme pour une grande partie du peloton. La nuit a vu une hécatombe au sein des favoris annoncés. Jim Walmsley est parti comme d’habitude tambour battant : 1h44mn pour les 21 premiers kilomètres, 2h40mn pour atteindre le km 30. Aux Contamines (km 31), les premiers comptaient déjà 10 minutes d’avance sur les horaires les plus rapides imaginés, et ce alors que la pluie accompagnait les coureurs depuis le départ. Cette avance est même montée jusqu’à 15 minutes, avant de descendre sensiblement.
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Jim Walmsley et Kilian Jornet baissent pavillon
Après avoir longtemps mené, Jim Walmsley a connu une énorme défaillance, le rétrogradant en 19ème position au km 80, à Courmayeur. Dans des conditions favorables aux montagnards purs et durs (froid, vent, pluie, limite pluie neige à 2500m), la coqueluche américaine a ensuite poursuivi sa descente aux enfers au fil des kilomètres. Mais la première des séquences fortes en émotions fut le moment où Kilian Jornet dut s’arrêter. Car cet UTMB 2018 a aussi prouvé que « l’ultra-terrestre » reste un humain, ce que ses performances stratosphériques de ces derniers temps sur toutes les courses où il s’était aligné avaient eu tendance à faire oublier.
Ce jour-là, le Catalan n’a pas pu concrétiser sa domination sur le trail mondial. Piqué par une guêpe trois heures avant le départ, Kilian Jornet a fait une forte réaction allergique le contraignant à rebrousser chemin au sommet du grand Col Ferret. Dans cette course à élimination, Xavier Thévenard a été le seul ténor à s’en sortir indemne, fidèle à son plan de course et après un duel épique avec Zach Miller. Un Zach Miller qui fit montre ensuite d’un courage immense, silhouette à la dérive, titubant jusqu’au bout de la douleur pour enfin stopper son calvaire.
Xavier Thévenard et le chrono
C’est finalement un étonnant Roumain, Robert Hajnal, pantalon noir et veste de pluie jaune trop grande, qui terminera 2ème, à plus d’une demi-heure du Français, devant le fougueux Espagnol Jordi Gamito. Xavier Thévenard a bouclé les 170km et 9800m de dénivelé du parcours en 20h 44mn 16s. « Mon objectif est clair : faire le tour du Mont-Blanc le plus rapidement possible, sans me préoccuper de la concurrence. Mon objectif est d’abord chronométrique, car je sais que si je l’atteins, je ne serai pas très loin de la victoire », avait-il expliqué avant le départ…

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