Laurie Phaï : la résilience par le trail

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Parfois, on en vient à courir pour oublier, pour laisser un monde d’avant de côté, ouvrir une parenthèse, chercher un ailleurs. C’est le cas pour l’athlète franco-cambodgienne et ex-championne de tennis de table Laurie Phaï-Pang. La course à pied et le trail comme un outil de résilience. Un magnifique documentaire retrace son histoire.

2,7 grammes pour se faire un nom

Tout a commencé avec une balle de 2,7 grammes qu’elle peut frapper à des vitesses approchant les 100km/h. Avant, il y avait eu la natation, puis le tennis. Et puis ce grand frère et ce père qui l’entraînent vers le ping-pong, qu’ils pratiquent en club. La jeune Laurie est douée, rapide, et intègre l’INSEP à 15 ans. Elle passera 7 années en équipe de France et décrochera des titres de championne de France en simple, en double junior et double senior. Elle ira même jusqu’à représenter la France aux Championnats du Monde en Croatie en 2007.

La déchirure…

Mais le haut niveau demande du temps, beaucoup de temps. Et Laurie aspire à autre chose. Des études, un boulot… Elle arrête donc la compétition internationale, même si elle continue de taper dans la balle jusqu’en 2010, comme un jeu. En 2011, elle connaît le bonheur de donner naissance à un petit garçon. Elle s’installe en famille dans l’Aveyron et travaille comme juriste. Peu après, son ventre s’arrondit de nouveau. Une petite fille est prévue pour 2013. Hélas, des difficultés à l’accouchement provoquent l’irréparable. Laurie plonge.

Courir pour se reconstruire

Après la sidération, la douleur et la colère, vient le temps de la résilience. Il ne s’agit pas d’oublier, mais d’apprendre à vivre avec. Alors Laurie se met à courir. Un peu d’abord, puis de plus en plus. Un premier 10km à l’arrache, sans préparation, puis d’autres courses, en communion avec la nature. Jusqu’à ce jour de 2016 où, alors qu’elle vient de terminer 3ème d’une épreuve au Trail du Pic-Saint-Loup, le speaker officiel, entraîneur d’athlètes, s’intéresse à elle. Il s’appelle Ludovic Collet. Une rencontre comme un tournant.

Sur les traces du père

Très vite, Ludovic Collet la prend sous son aile et l’entraîne dans le monde du trail de haut niveau. Mais sans la brusquer, en respectant son rythme. En juillet 2016, pour sa première grosse course, la Mad’Trail de Valmorel, en Savoie (64km pour 3600D+), Laurie monte sur la première marche du podium. Germe alors une idée folle : aller courir au Cambodge, ce pays de cœur et de désespoir. De cœur, car elle y puise ses racines. De désespoir, car son père y a vécu l’abominable, ayant fui en 1978 pendant la guerre des Khmers rouges, alors que toute sa famille a été assassinée. C’est aussi ce drame paternel que Laurie décide d’affronter en janvier 2017 en participant au Jungle Trail Angkor. L’épreuve, un parcours de 32km dans les mythiques temples d’Angkor, fait partie des courses de l’Ultra-Trail d’Angkor, l’un des trails les plus dépaysants au monde. Elle s’impose, comme un hommage rendu au père.

LAURIE PHAI
© DR

À 2 doigts des JO

Toujours sous la houlette de Ludovic Collet, Laurie enchaîne les courses et en vient à participer en octobre 2018 à la Mascareignes (64km, 3500 D+), l’une des courses du Grand Raid de La Réunion dont Ludovic est speaker. Elle finit 8e chez les féminines, avant de retourner à Angkor en janvier 2019 pour s’imposer de nouveau sur le 32km. Le contact noué en 2017 avec le comité olympique cambodgien, à la recherche d’athlètes pour représenter la nation aux JO de Tokyo, accélère les événements. Laurie participe aux championnats du monde de trail en 2019 au Portugal, et fait partie des 2 candidats retenus pour le marathon olympique. Mais le COVID passe par là, et le Cambodge n’envoie qu’un seul athlète à Tokyo. L’autre. Petite consolation, Laurie participe néanmoins aux Jeux d’Asie du Sud-Est, au Vietnam.

Au-delà du temps, un documentaire passionnant

Non seulement Ludovic Collet est un entraîneur de talent, mais il est aussi le frère d’Andy, réalisateur. Et c’est l’histoire de cette résilience qu’il va filmer durant 4 ans, de 2017 à 2021. Au-delà du temps, présenté au Winter Film Festival 2021 de Bourg-Saint-Maurice, obtient le 1er du meilleur documentaire, devant 46 autres films. En voici le synopsis officiel : « Laurie a atterri dans le monde du trail par nécessité. Pour tenter de surpasser la douleur causée par la perte de son enfant, persuadée que les douleurs du corps allaient lui faire oublier ses douleurs du cœur. Sur ce chemin tortueux qu’est celui de la reconstruction personnelle, une rencontre va tout changer. Une symbiose qui va lui permettre de se relever et d’atteindre une existence nouvelle. Une existence au service des autres. »

laurie phaï au-delà du temps

Au service des autres, la nouvelle mission de Laurie Phaï

Aujourd’hui, Laurie se consacre à l’association qu’elle a créée, « Trail sans frontières ». « Il s’agit d’aider au développement du trail dans le monde, explique-t-elle. Lors de mes déplacements, je distribue des vêtements de sport et des baskets que je collecte en France, car ils en ont besoin… On a tendance à cumuler du matériel dont on ne se sert plus, autant en faire profiter ! » Prônant les valeurs du sport et de l’effort, elle s’enthousiasme particulièrement sur les performances des traileuses, de plus en plus nombreuses à aller se challenger sur des longues distances, et dont les médias relayent les exploits. « Plus elles seront nombreuses et feront parler d’elles, plus les autres femmes se sentiront légitimes. » Une voie à suivre et une voix à écouter.

Le film est accessible en pay-per-view sur vimeo en cliquant ici :

Découvrez la bande-annonce.

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