Duncan Perrillat : « Je peux faire un Top 5 sur l’UTMB ! »

Duncan Perrillat UTMB

Sacré champion de France de marathon 2022 après avoir perdu le titre sur disqualification stupide un an plus tôt, Duncan Perrillat, à tout juste 30 ans, s’est s’imposé en juin 2023 sur les 125km de l’Ultra du Saint-Jacques by UTMB, avant de se présenter début septembre sur la mythique épreuve de l’UTMB, qu’il a menée pendant près de 30 kilomètres. Simon Chrétien a rencontré ce talentueux touche-à-tout de la course à pied, qui ne cache pas son ambition de faire un jour un Top 5 sur l’UTMB. Quitte à faire grincer des dents la communauté des traileurs.

Duncan, tu as bossé dans le marketing et la finance, notamment aux États-Unis. Quand as-tu décidé d’arrêter pour te consacrer à la course à pied ?

Duncan Perrillat : Début 2020. J’étais rentré en France en 2019, je devais prendre un poste à Londres mais je n’y suis pas allé. J’avais conscience que j’avais peu de chances de vivre de l’athlétisme, mais dans le même temps, je me disais que j’avais quoi qu’il arrive un CV. Et que des opportunités professionnelles, j’en aurais d’autres. Je n’ai donc pas vraiment hésité, je ne trouvais pas ça très risqué. Je me disais que si je mettais l’athlétisme de côté, je ne pourrais pas y revenir plus tard, alors qu’à l’inverse, si ça se passait mal pour ma carrière sportive, je pourrais facilement trouver du boulot.

Fin 2021, on te découvre sur le marathon de Rennes. C’est ton premier marathon, tu réalises un chrono de 2h14 et tu es sacré champion de France, avant d’être déchu car tu ne portais pas le maillot de ton club, le Neuilly Plaisance Athlétisme. Comment es-tu venu au marathon ?

Duncan Perrillat : J’ai toujours eu un profil axé sur le long et l’endurance. À l’entraînement, je craquais rarement sur les séances de seuil. Aux États-Unis, on faisait du cross l’hiver et du 3000m steeple l’été. Mais je n’ai jamais beaucoup aimé la piste. Et finalement, en analysant mon entraînement, j’ai constaté que je faisais déjà beaucoup de volume et peu d’intensité. En fait, je m’entraînais déjà plus pour du 10 000m, voire du semi-marathon, que pour du 1500m ou du 3000m.

Beaucoup de gens m’ont incité à me lancer sur marathon en me disant que je pourrais réaliser de belles performances. Donc mon chrono sur le marathon de Rennes n’a pas vraiment été une surprise. Je me présentais avec l’objectif de gagner, je n’étais pas du tout en mode « advienne que pourra », même si le chrono était un peu meilleur que ce que j’espérais. J’étais donc très satisfait.

Duncan-Photo Stadion
Duncan Perrillat s’impose en 2021, mais sera disqualifié pour absence de maillot de son club. Photo Stadion

Avec du recul, comment vis-tu cet épisode de ta disqualification ?

Duncan Perrillat : Cette histoire du maillot, ça résume qui je suis. J’ai tendance à être un peu à l’arrache. Malheureusement, une telle aventure pourrait encore m’arriver. J’en veux toujours un peu au club de mon adversaire qui a fait deuxième et qui a décidé de me faire disqualifier, dans le sens où moi, je n’aurais jamais fait ça. Ils ont saisi l’opportunité et je ne leur pardonnerai jamais. Mais je suis passé outre. Finalement, ce n’est pas bien grave. Au fond de moi, j’ai l’impression d’être champion de France cette année-là et l’important, c’est plus le résultat que le titre. Et puis j’ai pris ma revanche, en devenant champion d’Europe de cross par équipe dans la foulée, puis champion de France de Marathon en 2022.

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Duncan Perrillat sacré champion de France de marathon en 2022. Photo Arthur Dirou / Stadion / FFA

C’est depuis cet épisode que tout s’est accéléré pour toi, lorsque tu es devenu professionnel ?

Duncan Perrillat : Je suis professionnel dans le sens où j’ai pu me focaliser exclusivement sur mon sport. Mais il n’y a pas eu tant d’emballement que ça ! HOKA a cru en moi et la marque m’a proposé de me sponsoriser, j’en suis très satisfait. Ça demande un peu de travail sur les réseaux sociaux et auprès des médias pour toujours gagner en visibilité.

En février 2022, tu as réalisé ton record personnel sur le marathon de Séville en 2h12mn12s. Ce chrono te permet de faire partie des meilleurs marathoniens français. Tu vises toujours une qualification pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?

Duncan Perrillat : Je suis bien placé au niveau français, mais je reste en deçà de la performance des autres marathoniens. En octobre 2022, je réussis à refaire 2h12 sur le marathon de Rennes, sans lièvre, donc seul et en partant sur de belles bases. Donc c’était de bon augure pour s’approcher des 2h09. Finalement, j’ai essayé de concrétiser mon chrono de Séville en début d’année 2023, mais ça ne l’a pas fait, j’ai eu du mal à tenir l’allure et j’ai arrêté au 30ème kilomètre.

L’objectif est d’aller chercher un chrono sous les 2h10, que je vais tenter à Valence en décembre ou à Séville en février prochain. Je ne connais pas encore tout à fait mon programme pour l’instant. Je vise plus un temps qu’une qualification, car pour la qualif, ça dépend vraiment du résultat des autres.

Tu as créé la surprise cet été en te présentant sur les épreuves de trail et d’ultra-trail. Pourquoi un tel choix ?

Duncan Perrillat : Déjà, la règle en école d’athlétisme, c’est de consacrer ton hiver à ta discipline, donc le marathon pour moi, et de passer sur la piste l’été. Mais moi, je ne suis vraiment pas fan de la piste. Mais je suis d’accord sur le fait que faire une discipline différente et notamment une autre distance, ça pouvait être intéressant. Et j’avais envie de vivre cette expérience.

Duncan Perrillat Saint-Jacques 2 Photo UTMB 2023 -OK
Duncan Perrillat sur l’Ultra du Saint-Jacques. Photo UTMB 2023

Quels aspects du trail te plaisent en particulier ?

Duncan Perrillat : Je pense que ça m’a permis certains déblocages psychologiques. Quand tu es capable de courir plus de 10h sur un trail, ça te fait prendre conscience que ton corps est capable de tenir. Quand je m’entraîne pour le marathon, je fais souvent deux séances par jour et parfois, je n’ai pas de bonnes sensations sur la deuxième séance. Là, ça permet de constater que je suis capable de tenir sur la distance. C’est pareil pour la gestion de course et la gestion de l’alimentation. Ce que j’apprends sur le trail m’aide pour le marathon. Plus c’est long, plus c’est important de savoir se contrôler et prendre conscience de l’état dans lequel tu es.

Tu t’es imposé sur l’épreuve de 125km/5400mD+ de l’Ultra du Saint-Jacques by UTMB. Cette victoire t’a surpris ?

Duncan Perrillat : Pas tant que ça, car j’y allais vraiment pour gagner. J’y croyais et je pensais bien qu’une victoire était possible. Bien sûr, j’ai douté car je partais dans l’inconnu. Il y avait un peu d’appréhension, mais j’avais déjà fait quelques expériences sur du long. J’avais notamment participé au Speed Project qui consiste à courir pendant 35h en équipe de six en se relayant. Au final, j’avais couru 130 bornes sans dormir une seule seconde donc je savais que j’étais capable de tenir longtemps. L’Ultra du Saint-Jacques, c’est 13h d’effort, mais pour moi, ce n’est pas plus effrayant qu’un 1500m de haut niveau où l’intensité et le stress sont très forts.

Duncan Perrillat Saint-Jacques Photo UTMB 2023
Duncan Perrillat s’impose sur l’Ultra du Saint-Jacques, son premier ultra-trail. Photo UTMB 2023

On t’a également vu sur les 170km de l’UTMB cette année, la plus grande course de trail au monde. Ça ne t’a pas effrayé, là non plus ?

Duncan Perrillat : Non, je pense qu’il y avait plus de différences entre la distance du marathon et mon chrono de 13h sur l’Ultra du Saint-Jacques qu’entre le Saint-Jacques et l’UTMB. Et puis contrairement au Saint- Jacques où je n’avais pas pu m’entraîner spécifiquement, là, j’ai pu mieux me préparer pour l’UTMB. J’avais fait de vraies sorties longues, notamment à Val Thorens avec l’équipe HOKA. Et ces longs efforts de 5h à 7h s’étaient très bien passés.

Comment as-tu vécu cette expérience ?

Duncan Perrillat : J’ai vraiment kiffé l’ambiance tout au long de la semaine à Chamonix. C’est quelque chose que tu ne vis pas sur le marathon, même sur celui de Paris. Je n’avais jamais vécu une telle ambiance, j’ai trouvé ça dingue et j’ai adoré. J’aime aussi le côté où tu cours de nuit, tu dois allumer ta frontale, tu te retrouves seul dans la nature. J’aime ces changements de rythme, ces montées, ces descentes, ces chemins techniques. C’est très ludique. Après, pour moi, la course a été un échec, surtout que pas mal de monde avait fait le déplacement pour m’encourager.

Tu as pourtant mené pendant 30 kilomètres avant d’abandonner au 50ème. Que s’est-il passé ?

Duncan Perrillat : Les 30 premiers kilomètres sont les plus plats de la course. C’était donc logique pour moi de partir vite, même si ce n’était pas si rapide pour moi. J’étais sur une allure intermédiaire entre le footing et le premier seuil. Puis à partir du 30ème kilomètre, j’ai rencontré des problèmes gastriques, ce que je n’avais pas connu sur le Saint-Jacques. Après, c’est toujours dur de savoir quelles sont les raisons exactes de mon abandon. Peut-être que si j’étais parti en marchant, je n’aurais pas eu ces difficultés gastriques…

Dire qu’il n’y a aucun rapport avec mon début de course, c’est faux. Mais dire que c’est la raison principale, ce n’est pas vrai non plus. C’est un ensemble de choses, liées au stress peut-être. En tout cas, c’est un sentiment mitigé, car quand je vois la course d’un Ludovic Pommeret qui termine 5e, je pense que j’avais quelque chose à jouer autour de cette place. En tout cas, je reviendrai sur cette épreuve et peut-être même dès l’année prochaine. Je pense vraiment être capable de faire un Top 5 sur l’UTMB.

Tu sais qu’avec ces propos, tu risques de faire réagir !

Duncan Perrillat : Ah, mais c’est sûr que beaucoup de traileurs vont me détester. Je me suis déjà fait pas mal lyncher sur les réseaux par certains. Il y a une sorte de rivalité entre la piste/route et le trail. Entre l’athlétisme traditionnel et cette discipline nature. Moi, je trouve que c’est dommage. Après, c’est à moi de prouver que j’en suis vraiment capable.

Mais si tu demandes à Jim Walsmsley (1er), Ludo Pommeret (5ème) ou Thibaut Garrivier (6ème), avec qui je me suis entraîné cette année, je pense que tous les trois te diront que j’en suis capable. Et eux se rendent mieux compte de mon niveau que les quelques traileurs qui pensent que je suis arrogant. Je ne pense pas être arrogant. Je pense être à peu près objectif. Quand je pars devant cette année, c’est pour la gagne. Le problème, c’est que quand tu annonces quelque chose, tu prends le risque de te faire critiquer. C’est le jeu. C’est pour ces raisons que certains préfèrent ne pas parler aux médias. Mais c’est à double tranchant. C’est plus facile de ne jamais rien annoncer, mais moins grisant. Annoncer un tel objectif en amont, ça donne du piment.

Tu marches un peu à la provoc’ finalement ?

Duncan Perrillat : Non, je ne pense pas. Je pense être objectif sur les choses. Si demain je pars sur un 1500m de niveau international, je ne t’annoncerai pas que je compte être finaliste. Je partirai sur des objectifs qui correspondent à mon entraînement. Quand j’annonce mon intention de faire Top 5 de l’UTMB, ce n’est pas du rêve, car je sais que j’en suis capable. J’ai conscience que le sport n’est pas une loterie. Surtout la course à pied, où il y a encore moins de hasard.

Tu ne penses pas que cette parenthèse trail t’a fait perdre des qualités de vitesse pour le marathon ?

Duncan Perrillat : Non, en terme de vitesse, ça ne change rien du tout. Mais le fait d’être parti sur une expérience nouvelle m’a en revanche donné très envie de revenir sur du plus court. Ça m’a redonné ce goût que tu perds au fur et à mesure que la saison avance. J’ai l’impression de repartir avec des balles neuves. C’était important pour progresser, j’en tire beaucoup de positif. C’est un schéma qui me plaît et je pense que je le referai.

En tout cas, pour réussir de telles performances, c’est la passion qui prime ?

Duncan Perrillat : C’est dans les moments où je perds un peu la motivation que je suis le moins bon. C’est impossible de se retrouver aux avant-postes s’il n’y a pas cette passion. Car le problème, c’est que le but n’est pas simplement de participer, c’est d’avoir des résultats, de faire partie des premiers. C’est un sport très difficile et il faut être très motivé pour accepter tous ces entraînements et la pression le jour de la course.

Zoom sur la façon dont Duncan Perrillat a construit sa victoire sur l’Ultra de Saint-Jacques by UTMB

Au cours des mois qui ont précédé la course, Duncan Perrillat n’a pas modifié sa stratégie d’entraînement et s’est concentré sur sa routine habituelle, qui comprenait déjà un kilométrage élevé, plus de 150km par semaine sur des sentiers vallonnés. Il n’a réalisé qu’un seul bloc spécifique de 3 jours, accumulant environ 120km seulement 4 jours avant l’événement.

Pendant l’épreuve, avec un départ tardif en soirée et une première moitié de course de nuit, Duncan Perrillat a rapidement établi son allure de base, beaucoup plus lente que celle de ses courses habituelles sur route. Il s’est donc vite senti à l’aise, et a pu tenir son objectif initial, qui était de ne pas perdre de vue le groupe de tête. « J’ai remarqué à quel point il fallait être concentré et énergique pour courir dans l’obscurité pendant plusieurs heures alors que le corps me dit qu’il devrait dormir ! », a-t-il confié ensuite.

Au km 80, Duncan Perrillat s’est retrouvé en tête de la course. Après s’être arrêté au dernier ravitaillement pour faire le plein d’énergie, il a parcouru les 30 derniers kilomètres à une allure rapide, presque aussi rapide que ses premiers kilomètres, pour s’assurer la victoire.

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La vitesse de Duncan Perrillat enregistrée par sa Coros Apex 2 lors de l’Ultra du Saint-Jacques by UTMB 2023. Source Coros

Ce que Duncan Parrillat a publié sur les réseaux sociaux après l’UTMB

« Ce que je retiendrai de ce premier UTMB : l’ambiance digne d’un Tour de France avec des spectateurs survoltés ! C’était unique à vivre. Un record de décibels, à en perdre une oreille. Tout est possible sur ultra. Une pensée pour Ludovic Pommeret me disant « je suis pas top » vers le 48ème km, qui n’occupait pas la 48ème place mais qui terminera 5ème, à 48 ans ! Finir c’est beau. C’est émouvant de voir quiconque exténué arriver après 40 heures de course et 2 nuits dehors. Ce soutien ! « J’vous aime putain ! » Ceux qui sont venus m’encourager. Qui croyaient en moi. Les incalculables messages bienveillants. Ou même les athlètes me poussant à avancer vers le col du Bonhomme. Et pour les critiques, « Oui, chaque échec est une leçon d’humilité ». Et alors ? Le poster sur les réseaux ne vous rendra pas plus grands. »

Source Instagram Duncan Perrillat
Source Instagram Duncan Perrillat
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