Golden Trail World Series : Joyce Njeru ouvre la voie pour l’Afrique [interview]
Avec 3 victoires à son compteur, Joyce Njeru a illuminé la compétition cette année et est largement en tête au classement général de la Golden Trail World Series. Sauf grosse surprise, la Kényane devrait devenir la première athlète africaine à remporter le titre mondial, succédant ainsi à l’Américaine Sophia Laukli. Nous l’avons rencontrée à quelques jours de la grande finale.
Joyce, tu arrives à la finale avec 3 victoires à ton actif. Est-ce que tu t’attendais à dominer la Series à ce point en début de saison ?
Joyce Njeru : Non, pas du tout ! J’avais déjà couru des courses de la Golden Trail Series, mais je n’avais jamais fait toute la saison. Je voulais donc prendre part à la Series cette année pour apprendre, engranger de l’expérience, et voir si je pouvais ensuite espérer quelque chose pour la saison suivante. Maintenant, je suis en tête du classement, et je me retrouve avec toute la pression sur les épaules dès la première saison complète…
C’est quelque chose de difficile à gérer pour toi ?
Joyce Njeru : Non, parce que je garde le même état d’esprit qu’au début de saison. Bien sûr que je suis fière de ces résultats, c’est déjà un bel accomplissement et j’espère maintenant que tout se passera bien lors de la finale. Mais ce que je veux réaliser, c’est être capable de donner la meilleure version de moi-même, de simplement avoir la chance de faire de mon mieux, quel que soit le résultat à la fin.

Quelle a été la course la plus compliquée à remporter pour toi cette saison ?
Joyce Njeru : Elles l’ont toutes été ! Mais la course que j’ai préférée est certainement Headlands (la 7ème étape du circuit, aux États-Unis, en septembre, NDLR) ! Je me suis beaucoup amusée sur l’ensemble de la course avec Madalina (Madalina Florea, la Roumaine, 2ème au classement général, NDLR). Plus qu’une bataille, on s’est aidées l’une et l’autre, quand une n’allait pas super bien, l’autre prenait le relais. Je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de l’affronter et j’ai adoré. Et puis, le terrain me convenait particulièrement puisqu’il était très roulant.
Qui peut désormais t’empêcher de remporter la Series ?
Joyce Njeru : Madalina est juste derrière moi au classement général et elle peut très bien performer à la finale. Mais je ne compte pas rendre ça facile, je me suis bien préparée et j’espère faire un bon résultat.
(Mathématiquement, avec 36 points d’avance sur Madalina Florea, tout est encore possible puisque la grande finale comporte un prologue et une course et que les points attribués sont doublés. Si Madalina Florea remporte les 2 épreuves à Locarno, elle passera devant Joyce Njeru. NDLR)

Est-ce que le terrain, à Locarno, en Suisse, te convient ?
Joyce Njeru : Je ne sais pas vraiment, je n’ai pas été reconnaître le parcours. Mais je n’ai pas besoin de savoir si ça me convient : on aura finalement toutes les mêmes chances au départ et on verra comment ça se passe.
Certains disent que les parcours de cette année étaient davantage roulants, plus faits pour toi du coup…
Joyce Njeru : Je ne suis pas d’accord. Les terrains sont très différents et c’est ce qui fait que tout le monde a ses chances. Il suffit de bien faire ses choix, mais il y a des filles qui sont bonnes en montées, d’autres en descente, d’autres sur le plat, certaines s’en sortent mieux sur le technique, d’autres sur le roulant, en altitude ou pas, et cette saison a été très variée.
Si tu remportes la finale, tu seras la première Africaine à remporter la Golden Trail World Series. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?
Joyce Njeru : Ça me rend vraiment très fière, je n’aurais jamais pensé pouvoir être la première Africaine. Il y a quelques années déjà que l’on me demande si je pense un jour pouvoir remporter un circuit comme la Golden Trail Series, mais je n’avais jamais pensé en être capable. En tout cas pas cette année. Ça me donne des ondes positives, j’ai envie de faire encore mieux, de viser encore plus haut et de profiter de mon niveau sans pression. J’espère aussi que ça aidera la fédération au Kenya à ouvrir les yeux et à s’intéresser un peu plus au trail. Si mes résultats peuvent inspirer les Kényans et leur donner envie de se mettre à la montagne, alors je suis heureuse !

Et qu’aimerais-tu envoyer comme message au public occidental concernant les coureurs africains en trail ?
Joyce Njeru : Notre différence réside principalement dans notre couleur de peau, et si on se coupe les veines, on a la même couleur de sang… Mais au-delà de ces considérations, je pense que c’est vrai qu’on a peut-être plus de mal à communiquer, certains n’osent pas ou n’essaient même pas… Mais nous aussi nous avons de belles histoires à raconter, on peut être très fun. On adore ce sport qu’est le trail running et j’espère pouvoir durer dans le temps. On nous reproche aussi parfois de courir juste pour l’argent, mais il me semble que les coureurs occidentaux aussi sont professionnels et donc, c’est aussi leur travail in fine. Ils courent pour avoir une vie plus confortable, tout comme nous. Finalement, on est tous pareils, et que ce soit en Afrique ou ailleurs, il y aura toujours de belles personnes et d’autres un peu moins intéressantes…
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