Infinity Trail Pavilly : 248,122 km pour Philippe Debadier, le « dernier homme debout »
C’est à Pavilly, en Seine-Maritime, qu’a eu lieu les 6, 7 et 8 mai derniers la finale nationale des Infinity Trails Backyard France. Le principe ? Répéter autant de fois que possible une boucle de 6,706 km en moins d’une heure. Le vainqueur ? La dernière personne qui réussira à effectuer une boucle complète. Avec 37 tours et 248,122 km parcourus, c’est l’ultra-traileur Philippe Debadier qui est resté « le dernier homme debout » de l’Infinity Trail Pavilly. Mais avant de saluer son exploit, petit retour sur les origines de cette épreuve, avec le “diabolique” Lazarus Lake…
Aux origines, Lazarus Lake et la mythique Barkley
C’est l’histoire d’un mec qui courait déjà sur des distances énormes avant même que l’ultrarunning n’existe. Ce type, c’est Gary Cantrell, plus connu sous le nom de Lazarus « Laz » Lake. Sa grosse barbe et son cerveau machiavélique en ont fait une véritable légende dans le monde de la course à pied. Et pour cause, on lui doit l’une des épreuves les plus folles du monde, la Barkley. En 35 éditions, on ne compte que 15 finishers !
Quelque chose en lui de Tennessee
C’est dans le parc d’Etat de Frozen Head, à Wartburg, dans le Tennessee, que Lazarus Lake a imaginé un concept unique en son genre : un ultra-trail doublé d’une course d’orientation avec un dénivelé positif total de près de 20 000 m et une barrière horaire de 60 heures pour… 39 candidats seulement, sélectionnés sur lettre de motivation. Un allez simple pour l’enfer, décrivent tant ceux qui abandonnent que les rares rescapés. Et pour cause : créée en 1986, cette course consiste à effectuer 5 boucles d’officiellement 32 km (donc précisément 100 miles au total) hors des sentiers, sans GPS, dans un univers hautement hostile, avec uniquement une boussole pour s’orienter. Et 12 heures par boucle maximum !
Ne pas perdre la page
Autant dire que les 32 km se transforment vite en 35, 42, voire 50 km selon les erreurs d’orientation. Car le parcours lui-même est une punition, avec des successions de montées et descentes, jamais de plat pour souffler, des obstacles, des troncs d’arbres à enjamber, des passages dans les ronces, et surtout, 12 livres à retrouver, comme autant de check-points, où chaque concurrent doit arracher la page correspondant à son numéro de dossard pour les rapporter à Lazarus à la fin de chaque tour. Pas simple de s’y retrouver de jour, infernal de nuit…
Pas de finisher sur la Barkley 2022
C’est le 8 mars dernier à 8h du matin que les coureurs ont été lâchés pour leur première boucle de course. Mais leur enthousiasme a vite été douché, tant par la pluie que le froid, le vent fort et le brouillard. Les 2 Français engagés, Alexandre Ricaud, qui y participait pour la première fois, et Rémy Jégard, qui en était à sa 6e participation, ont abandonné dès le premier jour. Même les 2 favoris, les expérimentés Courtney Dauwalter et Harvey Lewis, détenteurs des records féminin et masculin sur les Backyard, ont renoncé après seulement un tour et demi ! Seuls 3 coureurs ont réussi à boucler les 3 premiers tours en moins de 36h et ont pu prendre le départ du quatrième. Mais celui-là, personne ne l’a achevé dans les temps.
Pour revoir le formidable reportage de Stade 2 sur la Barclay 2016 avec Rémy Jégard, c’est ici
Les Backyard Ultra, petites sœurs de la Barkley
Les Backyard Ultra font partie de la famille des épreuves nées de l’imagination démoniaque de Lazarus Lake. Le concept est là aussi assez simple : il s’agit de courses d’endurance pendant lesquelles les concurrents doivent réaliser autant de boucles de 6,706 km que possible, avec des départs à chaque heure. Plus vous terminez rapidement le tour, plus vous avez de temps pour récupérer. En revanche, si vous mettez plus d’une heure, vous êtes éliminé. Même tarif si vous manquez le départ : éliminé ! Pourquoi 6,706 km ? Pour qu’au bout d’un jour de course, soit 24 boucles, la distance parcourue soit de 161 km, soit les fameux 100 miles qui font rêver les Américains. Quant au vainqueur, c’est la dernière personne réussissant à parcourir une boucle complète.
Un format idéal pour aller plus loin
Même si les totaux kilométriques des meilleurs peuvent faire peur, l’avantage des Backyards est qu’elles sont accessibles à tous, pour a minima un tour et beaucoup plus selon affinités. Ce format permet également, pour ceux qui désirent allonger la distance, se tester dans une ambiance festive, à coup de 6,706 kilomètres supplémentaires par heure de course, sans avoir à craindre de défaillance en plein milieu de nulle part. L’organisateur souligne d’ailleurs que la moyenne des participants est d’environ 10 tours, et que certains abandonnent même au bout de 2 ou 3 tours seulement.
Un circuit national
Les Infinity Trails Backyard font partie du calendrier des Backyards Ultra, dont l’Infinity Trail Normandie était la finale. Aujourd’hui, ce circuit comprend 3 épreuves officielles, toutes qualificatives pour la finale nationale : l’Infinity Trail de l’île d’Aix, l’Infinity Trail d’Hossegor et l’Infinity Trail de Dijon. La finale nationale est quant à elle qualificative pour la finale mondiale.
Philippe Debadier vainqueur à Pavilly
C’est à la force du mental que Philippe Debadier est allé chercher la victoire, et du même coup sa sélection pour le Championnat du Monde 2022 aux États-Unis. Ils étaient encore deux en course après 36 boucles, dont Martin Perrier, vainqueur de l’édition 2020 avec 30 tours. Mais ce dernier, épuisé, a renoncé durant le 37e tour. « Ma stratégie était claire », a déclaré Debadier : « courir 45 minutes et dormir 15, pour continuer et garder les idées claires. » 5e de l’Ultra-Trail des Seigneurs (UTDS) un mois plus tôt, Debadier précise, honnête, qu’il aurait pu « en courir une de plus, mais vraiment pas plus… ». Avec 37 boucles et 248,122 km parcourus, il établit un nouveau record sur l’Infinity Trail de Pavilly. Chez les femmes, il n’y a guère eu de suspense, puisqu’il n’y avait qu’une seule participante. Delphine Roux l’a donc emporté avec 12 boucles et 80,472 km au compteur.
Des records qui font mal aux jambes
Le record du monde sur les Backyard Ultra est détenu par l’Américain Harvey Lewis qui a effectué 85 boucles, soit 570 km, en 2021. Chez les femmes, c’est sa compatriote Courtney Dauwalter, double vainqueure de l’UTMB Mont-Blanc, qui détient la meilleure performance mondiale, avec 68 boucles, soit 456 km, en 2020. Côté Français, Guillaume Calmettes détient le record masculin, avec 59 boucles (soit 396 km) en 2017, et Fanny Jean le féminin, avec 42 boucles (soit 282 km) en 2020. Enfin, sur les Backyards françaises, les records appartiennent à Christian Mauduit avec 46 boucles (soit 308 km) en 2020, et Claire Bannwarth avec 41 boucles (soit 275 km) en 2020 également.
Les prochaines épreuves
– Infinity Trail Dijon Côte d’Or le 24 juin 2022
– Infinity Trail Île d’Aix – Charente Maritime le 7 octobre 2022
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