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Alpine Connections : Kilian Jornet dans la dernière ligne droite

C’est le 13 août, 3 jours après avoir remporté pour la 11ème fois la course Sierre-Zinal, que Kilian Jornet s’est élancé de Pontresina, en Suisse, pour son projet Alpine Connections. Bien sûr, il n’a jamais officiellement déclaré qu’il essayait de relier les 82 sommets de plus de 4000 mètres répertoriés dans les Alpes. Il essayait simplement, a-t-il annoncé, « d’explorer ses limites physiques, techniques et mentales en reliant les sommets de 4 000 mètres des Alpes ». Mais il est clair aujourd’hui que le Patron est parti à la conquête d’un nouveau record. Et, après 15 jours et 59 sommets gravis, il est évident qu’il va le pulvériser. Une performance inouïe, qui laisse la communauté de l’alpinisme sans voix. 

Kilian Jornet en approche du mont Blanc

Après une journée de repos du côté de Courmayeur, Kilian Jornet a repris son aventure alpine à mardi 27 août à minuit. Il avait alors gravi 51 sommets de plus de 4000 mètres et attaquait le massif du Mont-Blanc et ses 28 sommets, avant d’aller faire les 2 du massif des Écrins et de se diriger vers le Grand Paradis, en Italie, terme de sa quête. Ce départ de Courmayeur était un jour particulier, puisque le Catalan était entouré d’un groupe d’amis qui l’ont rejoint pour affronter les terrains redoutables de la route emblématique des Grandes Jorasses, point d’entrée imposé avant de filer vers le mont Blanc.

Une 12e étape de tous les dangers

Cette étape a été difficile et très technique, mais Kilian Jornet a tout de même réussi à gravir 8 nouveaux sommets de plus de 4000 mètres en un peu plus de 18 heures, couvrant plus de 28 kilomètres d’escalade et 4199m D+. Parmi les sommets qu’ils a gravis lors de cette étape figurent notamment la Pointe Walker (4208m), la Pointe Whymper (4184 m) et la Pointe Croz (4110 m). Les Grandes Jorasses posaient des défis techniques en raison de leur nature rocheuse et de leurs crêtes exposées. C’est la raison pour laquelle Kilian Jornet s’était entourés d’amis expérimentés connaissant bien la région, et destinés à l’accompagner pour les ascensions techniques du jour. Cette équipe, formée par Michel Lanne, entre autres vainqueur de la CCC en 2016 et de la TDS en 2017, Mathéo Jacquemoud et Bastien Lardat, a accompagné Kilian Jornet jusqu’au Refuge Torino, en Italie, proche de la pointe Helbronner, où tous les alpinistes ont décidé de s’arrêter et de laisser Kilian continuer en solo jusqu’au Refuge Couvercle, sur la commune de Chamonix. Unanimement, ils ont été étonnés de voir à quel point il était difficile de suivre Kilian Jornet, même après les 12 étapes d’efforts qu’il avait dans les jambes.

Comment Kilian Jornet s’est préparé ? 

En début d’année, Kilian Jornet avait annoncé son objectif : disputer 2 courses majeures, Zegama et Sierre-Zinal, et effectuer un « projet », sans donner plus de détails ; L’an dernier, il avait déjà effectué un « projet », en décidant au dernier moment, fin septembre, d’enchaîner 177 sommets des Pyrénées sur 485 km et 43000m D+ en 8 jours. Cet hiver, Kilian Jornet a donc mis sur pied un entraînement cohérent, ayant bénéficié d’un temps magnifique sur la côte ouest de la Norvège, avec de très bonnes conditions d’escalade sur glace et d’alpinisme qui lui ont permis de beaucoup grimper pendant 2 mois, avant de reprendre la course à pied au printemps, exceptionnellement chaud, sur des sentiers secs. Le choix de ne faire que 2 courses, fussent-elles mythiques, a également permis à Kilian Jornet d’en faire « moins ». « Quand je vais sur des courses, explique-t-il, il y a beaucoup de choses à faire. Et comme je suis introverti, être avec les gens me demande beaucoup d’énergie. En faisant moins de courses, je peux mieux m’entraîner, plus longtemps. Et cela me permet d’être plus concentré quand je viens sur une épreuve. » On a vu le résultat, avec 2 victoires sur les 2 courses disputées, dont un record tombé pour moins d’une seconde à Sierre-Zinal.

Kilian Jornet, la polyvalence pour mieux performer

Être capable de performer à la fois sur des courses très relevées et sur des projets comme les Pyrénées 2023, les ascensions himalayennes ou Alpine Connections cette année, demande une extrême polyvalence. Mais c’est justement cette polyvalence qui le rend plus fort. « La polyvalence, cela se travaille sur le long terme, explique le Patron. C’est le résultat d’années d’entraînement. Ensuite, quand je veux me préparer pour un projet, j’ai besoin d’avoir de la spécificité. Mais la spécificité, c’est à court terme. Pour être en très bonne forme pour une course ou un projet spécifique, des adaptations spécifiques ne prennent pas plus de 6 à 8 semaines. Avec ces 6 à 8 semaines d’entraînement spécifique, je sais que je peux donner le meilleur de moi-même. Je peux donc faire des entraînements spécifiques plusieurs fois par an et réaliser différents types de projets. Et au final, je pense que c’est ce qui me motive autant. Parce que si je faisais seulement de la course, je n’aimerais pas ça. Et si je faisais uniquement des choses en montagne, je serais probablement plus lent et mes capacités en montagne diminueraient également. »

Connaître les limites du corps humain

Au-delà de l’exploit sportif, et des records qu’il accumule, sur les courses comme lors d’ascensions, Kilian Jornet est également passionné par l’exploration scientifique, et ce depuis sa jeunesse. «J’ai étudié les sciences du sport à l’école, raconte-t-il. Quand j’avais 16 ou 17 ans, je faisais déjà des tests. Du genre “Je veux essayer ça et voir ce que cela implique. Comment puis-je analyser cela d’un point de vue scientifique ?” Cela a toujours été en moi, d’une manière plus exploratoire que prescriptive. Bien sûr, quand je vais à une course, comme par exemple Zegama, où j’ai couru 12 fois, il n’y a pas beaucoup d’exploration. Mais aller en montagne et y faire des projets, c’est bien pour explorer les choses et ensuite voir ce qui s’y passe. »

Alors qu’au soir du 28 août, 15 jours après le début de son aventure Alpine Connections, il ne reste à Kilian Jornet « que » 23 sommets de plus de 4000 mètres à gravir pour pulvériser le record de 60 jours détenu par 2 alpinistes italiens, une chose est sûre : il aura prouvé qu’il est capable de pousser les limites de la résistance physique et de l’endurance humaine en haute altitude au-delà de tout ce que l’on pouvait imaginer. Un extra-terrestre, définitivement.

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