Kilian Jornet / Rémi Bonnet : l’interview choc à la veille de Sierre-Zinal
Alors que leur duel est sans aucun doute le plus attendu de l’année, Kilian Jornet, 9 fois vainqueur de Sierre-Zinal, et Rémi Bonnet, qui rêve d’une première victoire sur ses terres, nous ont accordé une interview. Rencontre avec 2 grands champions à la veille de la 5ème étape de la Golden Trail World Series.
Quelle est la séance d’entraînement la plus folle que vous ayez faite avant Sierre-Zinal ?
Kilian Jornet : Je pense qu’il ne s’agit pas de faire des séances folles, mais l’essentiel, c’est d’être constant, semaine après semaine. Pour préparer Sierre-Zinal, je fais souvent une montée puis quelques sections plates. Ce n’est pas vraiment fou, c’est une séance d’entraînement normale, mais que je fais pendant de nombreuses semaines, l’une après l’autre. Je pense que ceux qui font des séances folles peuvent faire une session, et c’est tout. C’est bien pour Strava ou les réseaux sociaux, mais ce n’est pas un vrai entraînement.
Rémi Bonnet : Oui, je peux dire ça parce que j’ai essayé une fois de faire une telle séance. J’ai fait quelque chose comme un KV et un 10-km plat. C’était à La Fouly, sous la chaleur, et ensuite j’étais complètement cuit pendant deux semaines. Donc, c’était une erreur. Mais je pense que la clé, c’est la constance : rester au même niveau pendant de nombreuses semaines, puis se détendre un peu sans faire de choses folles.
Pourquoi Sierre-Zinal est-elle si importante pour vous ?
Rémi Bonnet : Parce que je suis Suisse, je pense que c’est une raison. Je veux la gagner au moins une fois, peut-être ce samedi. Mais il y a un coureur que je dois battre si je veux gagner. C’est bien qu’il soit là, parce que si tu gagnes et qu’il n’est pas là, ça ne ressemble pas à une vraie victoire.
Kilian Jornet : Surtout parce que c’est l’une de ces courses avec beaucoup d’histoire. C’est la 51ème édition. Si tu regardes de génération en génération, tous les meilleurs coureurs de chaque génération sont venus ici, courir sur le même parcours. Donc, tu peux te comparer à travers les années, ce qui est quelque chose d’unique. En plus, c’est une belle course. Même si on ne voit pas le paysage en courant, quand tu es ici, cette vallée est l’une des plus belles des Alpes.
Qu’apporte la Golden Trail Series au trail running ?
Rémi Bonnet : Peut-être un peu plus de visibilité pour le sport. Et je pense que si tu regardes la course ici, il y a toujours eu un niveau élevé, même avant la Golden Trail Series. Mais je pense que pour les autres courses du circuit, cela apporte beaucoup plus de densité dans le peloton. On voit que chaque année les temps de course sont de plus en plus rapides. Donc, c’est un bon moyen de rassembler tous les meilleurs coureurs au même endroit.
Kilian Jornet : Oui. Je pense que c’est la profondeur du peloton que nous voyons grandir. Surtout dans le trail running, il y avait beaucoup de focus médiatique sur les longues distances, les ultras et les longues courses. Ce que la Golden Trail Series a fait, c’est de mettre l’accent sur des courses plus courtes, mais plus compétitives et intéressantes en termes de compétition. Elle a mis en lumière un trail running rapide, technique et divertissant, pas seulement des ultras.
Selon vous, quel est l’avenir du sport ?
Kilian Jornet : Je pense que cela peut évoluer de nombreuses façons différentes, et je crois que c’est positif. Avec plus de personnes qui viennent dans le sport, il y en aura plus qui aimeront les courses off ou les courses de niche, et d’autres qui préféreront de grands événements avec des milliers de participants, couvrant à la fois de longues et de courtes distances. On parle aussi de l’intégration du trail running aux Jeux Olympiques ou de sa standardisation. J’espère qu’il y aura encore de la place pour tout le monde, et que nous garderons des courses qui embrassent le côté sauvage du trail running, où l’exploration et la découverte sont importantes, aux côtés de courses qui se concentrent plus sur la performance tout en maintenant une relation étroite avec la nature.
Rémi Bonnet : Oui, j’espère que ça ne changera pas beaucoup. On a vu avec le ski-alpinisme qui est allé aux Jeux Olympiques. Pour moi, c’est n’importe quoi ! J’espère que cela n’arrivera pas avec le trail running. Nous aimons ce que nous faisons, aller dans la nature, grimper des montagnes, atteindre le sommet, pas juste rester en bas. J’espère que cela restera ainsi.
Mais si cela reste pareil, voudriez-vous aller aux Jeux Olympiques ?
Rémi Bonnet : Je préférerais ne pas aller aux Jeux Olympiques et protéger mon sport.
Kilian Jornet : Si le trail va aux Jeux Olympiques en gardant les mêmes règles et en gardant le même format, le même esprit, cela peut aller. Mais il y a tellement d’exemples dans le passé, comme le ski-alpinisme ou le VTT. Il faudrait beaucoup de changements au sein du Comité Olympique pour que cela puisse être du véritable trail running.
Question bonus : Qui va gagner Sierre-Zinal samedi ?
Kilian Jornet : Pour tous les participants, je pense que tout le monde est gagnant, qu’ils courent vite ou lentement. Comme l’année dernière, je regardais la course et je sentais que je gagnais parce que j’étais là, à profiter de l’ambiance et de la fête qu’est Sierre-Zinal. Donc, au final, c’est juste pour s’amuser.
Rémi Bonnet : Oui, je ne dirai rien parce que je sais que si je me mets trop de pression, je vais tout gâcher.
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