L’Ultra Terrestre à La Réunion, c’est lui ! Rencontre avec Hassen Patel, créateur de la Diagonale la plus folle de l’île [INTERVIEW]
En novembre 2024, la petite communauté des ultra-traileurs s’est découvert un nouveau bijou au nom évocateur : l’Ultra Terrestre, une diagonale XXL à La Réunion, sur 224 km et 14500m de D+. Immédiatement, le basque Beñat Marmissole et son copain Antoine Guillon, alias Monsieur Diagonale des Fous, ont annoncé qu’ils seraient au départ du défi le 8 mai 2025. Mais d”où vient cette épreuve ? Hassen Patel, président de l’UTOI, l’Ultra-Trail de l’Océan Indien et concepteur de la course, nous a tout raconté.
Hassen, il y a un an tu as créé l’Ultra Trail des Géants, un format équivalent à la Diagonale des Fous, et cette année, tu fais encore plus fort avec un Ultra Terrestre de 224 km. D’où t’es venue cette idée folle ?
Hassen Patel : Tout à fait. Je suis président de l’association UTOI, l’Ultra-Trail de l’Océan Indien. L’ Ultra Terrestre, c’était déjà une volonté il y a un an, lorsqu’avec l’association que je préside, l’UTOI, on a créé l’Ultra Trail des Géants. Mais on a eu un cyclone important qui s’appelait Bélal au mois de janvier 2024, cyclone qui nous a fermé beaucoup de sentiers. Du coup, on n’a pas pu faire le format qu’on voulait. Mais cette année, quoi qu’il arrive, cela devrait se faire puisque tous les sentiers qui ont été choisis restent des sentiers généralement ouverts. On aura donc pour cet UTOI 2025 à la fois l’Ultra Terrestre et quatre autres formats de course, l’Ultra Trail des Géants, la Speed’Goat, le Mega Trail de l’Ouest et le Trail des Pétrels.

L’Ultra Terrestre attire tous les regards. C’est un format inconnu dans l’île…
Hassen Patel : C’est vrai que la course phare cette année sera ce 224 kilomètres, avec un parcours je pense magnifique, mais qui ne nous est pas étranger, car en fait il rassemble les tracés de 2 de nos courses. Cela crée une vraie diagonale, qui part du point le plus au sud de l’île, jusqu’au point le plus au nord.
Comment cette « vraie » diagonale se positionne par rapport au Grand Raid de la Réunion et à sa Diagonale des Fous ?
Hassen Patel : C’est la question qui revient systématiquement… Mais le Grand Raid a 30 ans d’existence, c’est un bloc, une institution, pour laquelle beaucoup de personnes travaillent. Nous, nous arrivons là comme le Petit Poucet. Notre association n’a qu’une année d’existence, donc c’est difficilement comparable. Après, on s’est positionnés au mois de mai, pour ne pas aller sur les plate-bandes du Grand Raid qui fait ses courses au mois d’octobre.
Une association toute récente, 5 mois d’écart, OK, mais cette diagonale XXL fait énormément parler !
Hassen Patel : C’est vrai, et beaucoup ici disent qu’on est en train de monter en puissance. C’est tant mieux parce que cela représente un travail très minutieux. Mais par contre, à la différence du Grand Raid, je me vois mal demain, quelles que soient les qualités de l’association, aller jusqu’à prendre 7000 et quelques personnes pour courir. Je ne souhaite pas cela… Je veux garder nos valeurs, qui sont souvent ce que j’appelle l’authenticité. Des courses de masse, le Grand Raid les fait très bien, donc on laisse ça au Grand Raid.
On est quand même d’accord pour dire que globalement, cette traversée de La Réunion, c’est un peu les mêmes sentiers que la Diagonale des Fous, non ?
Hassen Patel : Oui, oui, tout à fait. Ceci étant dit, La Réunion, même si c’est une terre de trail, est très petite et guère extensible, donc il est logique qu’on se retrouve un peu sur les mêmes sentiers. Les grands sites tels que le volcan, le cirque de Mafate, le Maïdo, etc. sont des incontournables. On ne va pas passer à côté juste histoire de dire, eux, ils passent, donc nous, on ne va pas passer. Il faut que le circuit reste cohérent avec l’essence même de l’île. Ici, on a la chance d’avoir un paysage époustouflant, avec la possibilité de monter et de descendre, d’évoluer sur la roche volcanique, et une demi-heure après dans les sentiers de jungle avec les racines, les cailloux, etc. Il faut respecter ces spécificités.

As-tu une idée du pourcentage de sentiers en commun avec la Diag’ ?
Hassen Patel : Je pense qu’au final, aujourd’hui, on est à 50-60% sur les mêmes sentiers. Par contre, chez nous, il y a beaucoup de sentiers qui sont encore, j’ai envie de dire, inexplorés. On a par exemple un sentier très technique qui s’appelle le sentier Duvernay, qui est magnifique mais quasiment inconnu. Et qui sera au programme de l’Ultra Terrestre. Pareil avec un site comme Grand Bassin, qui se trouve à la Plaine des Cafres : pourquoi est-ce que la plupart des organisateurs ne pensent à y passer ? C’est très très beau !
De l’avis des traileurs qui ont participé à la première édition de l’UTOI, ce qu’ils apprécient le plus, c’est le choix des sentiers, leur qualité. Et je les ai tous parcourus, kilomètre après kilomètre. Il n’y a pas une section des différents parcours que je n’ai pas personnellement reconnue ! Ça permet ainsi de savoir où j’envoie les concurrents, et d’être OK avec la sécurité.
La première édition a rassemblé environ 700 coureurs. Quels ont été les retours ?
Hassen Patel : Nous étions très satisfaits de la première édition, tout comme de la fréquentation du Salon du Trail que j’ai également créé. On était en famille, et du côté des traileurs ça s’était très bien passé, que ce soit les ravitos, le balisage… J’ai beaucoup écouté les remarques, j’ai eu un certain nombre de points à améliorer pour la deuxième édition, et aujourd’hui, c’est totalement sous contrôle. On est prêts pour avoir une course magnifique.
Combien penses-tu rassembler de coureurs cette année ?
Hassen Patel : Tous formats confondus, on va être aux alentours de 1700 – 1800 coureurs. Sur l’Ultra Terrestre, au départ, j’avais dit à mon association que même si on avait que 50 partants, on ferait cette course. Ce n’était pas évident, parce que ça ne s’est jamais fait à La Réunion, mais il y a eu un engouement extraordinaire. Aujourd’hui, on doit frôler les 350, 400 personnes au départ, et c’est pas fini. Mais on a des restrictions également par rapport au Parc National de La Réunion et à l’ONF, ce que je comprends, donc on va rester à peu près dans cette fourchette-là.
224 km et 14500m de D+, l’Ultra Terrestre est un format qui ne s’adresse pas à tout le monde. Quelle solution aurais-tu pour sélectionner les coureurs capables d’en venir à bout ?
Hassen Patel : Oui, c’est une course délicate. On m’a souvent demandé pourquoi ne pas faire ce qu’on appelle des courses qualificatives pour éviter que des gens non préparés s’y aventurent. Personnellement, je n’y suis pas très favorable, je préfère mettre des barrières horaires assez courtes, afin de pouvoir quand même dissuader n’importe qui de se lancer sur ce genre de format. (La barrière horaire de l’Ultra Terrestre est fixée à 80 heures, soit une moyenne horaire minimum de 2,80 km/h. En comparaison, celle de la Diagonale des Fous est de 66 heures, soit une moyenne horaire minimum de 2,57 km/h, NDLR.)
Avec Beñat Marmissolle, vainqueur de la Diag’ en 2022 et Antoine Guillon, qui a pris 16 fois le départ de la Diag’ et qui est surnommé « Monsieur Diagonale », tu t’es assuré 2 ambassadeurs de choix !
Hassen Patel : Ce n’était pas prévu ! Ce sont eux qui en ont entendu parler et ont appelé pour s’inscrire. Ce sont des amis de l’île. Et il y a aussi Claire Bannwarth. Mais ce ne sont pas des invitations, ce sont des gens qui ont souhaité venir ! Pour tout vous dire, je n’ai jamais rencontré ni physiquement ni visuellement aussi bien Beñat qu’Antoine ou Claire ! En fait, pour être tout à fait honnête, je ne connaissais rien du tout au trail, la seule personne dont j’avais entendu parler, c’était Kilian Jornet. Même l’UTMB je ne connaissais pas avant d’y aller en 2023 pour découvrir un peu ce monde…

Comment se fait-il alors que tu aies débarqué dans le trail ?
Hassen Patel : Ah ah, question amusante. En effet, si on me cherche dans l’univers du trail, on ne me trouve pas. J’ai été pendant 20 ans directeur de course automobile au niveau international, avec la FIA. Mais je m’intéresse depuis toujours à tous les sports, qui sont pour moi des vecteurs de lien social importants. Et il y a environ deux ans, mon entourage m’a parlé d’aller faire une course qui s’appelle le Zembrocal. C’est le format relais à 4 du Grand Raid, environ 40 kilomètres par relayeur. J’ai dit oui mais quand j’ai su ce que c’était, je n’étais plus très partant. Courir à 35 à 40 km en montagne, ça m’effrayait un peu. Mais comme j’avais déjà dit oui, j’ai commencé à m’entraîner.
Alors j’ai pu me rendre compte en arpentant les sentiers de cette ferveur pour le trail à La Réunion. Vous avez des médecins, vous avez des chômeurs, vous avez des enseignants, vous avez de tout… Quand j’ai découvert cet engouement incroyable pour le trail, je me suis demandé comment on pouvait faire pour rassembler toutes ces personnes-là. C’est là que m’est tout de suite venue l’idée du salon du trail. J’ai fait une première édition en juin 2023, alors que je n’avais jamais fait quoi que ce soit dans le trail avant… Puis je suis allé à Chamonix, puis à Lyon pour la SaintéLyon, pour rencontrer des gens, apprendre… et créer mes propres épreuves.
Et ce Zembrocal, alors, ça a donné quoi ?
Hassen Patel : Il est arrivé en octobre 2023. Je m’étais bien préparé, mais je n’ai finalement pas couru car j’étais le 4ème relayeur, et le 3ème a abandonné. Du coup, j’ai toujours mon dossard, il est tout neuf… C’est très frustrant d’avoir un dossard et de ne pas pouvoir courir. Du coup, ça m’a donné des idées pour les courses en relais de l’UTOI. Chez nous, quand on fait l’Ultra Trail des Géants en relais, si par exemple le premier relayeur abandonne, le second peut quand même prendre le départ à partir de l’heure limite de la barrière horaire prévue, donc le relais n’est pas pénalisé. Ce n’est que si le dernier relayeur abandonne que l’équipe sera considérée comme ayant abandonné.
J’ai eu la même réflexion pour les courses en solo, en mettant en place un système de paliers. Par exemple, si tu prends le départ de l’Ultra Trail des Géants, qui fait 174 km, et qu’au bout de 130 km tu te blesses et que tu ne peux pas continuer, tu seras quand même considéré comme finisher sur le palier de 120 km. Ça permet de ne pas être trop déçu, et de se dire « je reviendrai l’année prochaine ! »
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