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Trail du Ventoux : Thomas Cardin dompte la tempête

TRail du Ventoux

Un 75km amputé de plus de 20 kilomètres, des crêtes impraticables, un sommet enseveli sous 80 centimètres de neige, le mythique Trail du Ventoux, épreuve phare de début d’année, a donné du fil à retordre aux organisateurs. Mais si aucun des 2780 concurrents ayant pris le départ des différents formats n’a pu apercevoir le dôme chauve du Géant de Provence et ses 1916 mètres d’altitude noyés dans les nuages noirs et balayé par des vents à plus de 100 km/h, tous ont pu vivre un week-end de pur trail riche en émotions. Avec, en point d’orgue, une bataille épique entre Thomas Cardin et Thibaut Garrivier.

Trail du Ventoux : une organisation réactive dans la tempête

Il fallait y croire, mais Serge Jaulin n’est pas du genre à lâcher l’affaire. Une météo calamiteuse, un véritable déluge de 70 millimètres d’eau annoncés dans la nuit de samedi à dimanche, de la neige à partir de 1000 mètres d’altitude, des vents violents, il était essentiel d’avoir toute l’expérience de l’organisateur et de son équipe de bénévoles pour trouver des solutions et maintenir le 46 km Origine, l’épreuve phare du Trail du Ventoux, tant attendue par plus de 1265 traileurs motivés comme jamais.

Mais depuis 2003, ils en ont essuyé, des tempêtes, et n’allaient pas se laisser démonter par un caprice supplémentaire de la météo ! La veille déjà, le 75 km avait dû être réduit à 52 pour des raisons de sécurité, et le ravitaillement du Chalet Manin, nouveau point culminant de la course à proximité du Chalet Reynard bien connu des cyclistes, avait pris des airs de refuge de haute montagne perdu dans la tempête.

« On était sur les sentiers à 4 heures du matin, confie l’un des bénévoles chargé d’aller “nettoyer” le parcours du Trail Origine, dimanche matin. Il y avait des arbres tombés en travers du chemin, des balisages arrachés. Ici, on a l’habitude des aléas climatiques et des parcours de repli, ça fait plusieurs années que je viens et l’organisation est incroyable, rien n’est laissé au hasard. Là, on a dû faire un “parcours de repli du parcours de repli” quand la décision a été prise de ne pas monter au Chalet Manin, trop compliqué en terme de sécurité, donc il a fallu poser rapidement quelques rubalises supplémentaires, mais tout était déjà bien anticipé. »

Ici, on ne joue pas avec la vie des traileur, et le 46 km a lui aussi perdu quelques kilomètres pour se transformer en un 40 km et 2200m D+ bien exigeant, avec en son milieu… un trail blanc !

Trail du Ventoux 3 Photo Bertrand Delhomme : Trail du Ventoux
Photo Bertrand Delhomme / Trail du Ventoux

Trail du Ventoux : un trail blanc, puis un trail boueux

Il était difficile de croire, alors que le peloton quittait Bédoin par les sentiers pour rejoindre les ocres, que les conditions étaient si terribles que ça. Un rayon de soleil transperçait les nuages, au loin, la température était encore clémente, et si quelques bourrasques rappelaient que l’air était frais, la Provence était encore au rendez-vous, qui exhalait ses parfums de thym. Mais au ravitaillement du 12ème kilomètre, accolé à la route reliant Malaucène au Mont Ventoux par le Mont Serein, le changement de décor fut radical. « Couvrez-vous, vous allez perdre plusieurs degrés », pouvait-on entendre de la bouche des quelques accompagnateurs ayant réussi à rallier le point de passage, tous emmitouflés dans des doudounes, gants et bonnets, et sautillant sur place pour se réchauffer.

En moins de 2 kilomètres, le single en sous-bois allait effectivement se transformer en sentier de trail blanc, avec une belle tranchée creusée par les premiers coureurs, qui en avaient certainement eu jusqu’aux genoux. La progression devenait compliquée, avec des appuis fuyants, tandis que sur les côtés, quelques concurrents sortaient les chaînes pour les ajuster sous leurs chaussures, cherchant parfois dans quel sens les mettre. Mais le paysage, avec un blanc immaculé contrastant avec le ciel noir, était exceptionnel. Ainsi, durant une dizaine de kilomètres, tout ne fut que blanc, feutré, ouaté, bruits étouffés et glissades impromptues, avant de redescendre aux altitudes de repli, où la neige fit place à… la boue. Et de glissades il fut encore question, mais beaucoup plus douloureuses, sur les fesses, les épaules, le dos, les semelles gorgées de glaise. À regretter le grand blanc…

Trail du Ventoux Photo Bertrand Delhomme : Trail du Ventoux
Après la neige, la boue, collante, glissante… Photo Bertrand Delhomme / Trail du Ventoux

Trail du Ventoux : Thomas Cardin / Thibaut Garrivier, la bataille des titans

C’est donc dans les jupes du Ventoux, sur les sentiers tantôt enneigés, tantôt boueux que s’est jouée la partition tant attendue entre Thomas Cardin, double vainqueur de l’épreuve (2021-2022) et Thibaut Garrivier, quatrième en 2022, second en 2023 et vainqueur quinze jours plus tôt du grand format du Trail de la Sainte-Baume (voir page 68). Un combat haletant du début à la fin, les deux hommes ne se quittant pas d’une semelle pendant toute la course et la décision ne se faisant que dans les derniers hectomètres, sur la dernière difficulté où Thomas Cardin donna tout ce qui lui restait.

Trail du Ventoux 2 Photo Bertrand Delhomme : Trail du Ventoux
Des premiers kilomètres aux derniers, neige ou pas neige, Thomas Cardin et Thibaut Garrivier ne se sont pas quittés. Photo Bertrand Delhomme / Trail du Ventoux

Au final, le leader du tout nouveau team Kiprun Trail s’impose en 3h 30mn 28s, devançant Thibaut Garrivier de 29 secondes seulement, tandis que Loic Rolland termine 7 minutes plus tard. Chez les féminines, c’est encore le team Kiprun qui rafle la mise, avec la victoire d’Adeline Martin en 3h57, 18e au scratch, devant Marine Quintard (4h11) et Sabine Ehrström (4h17).

CARDIN : Photo DR
Thomas Cardin à l’arrivée, épuisé. Photo DR

Trail du Ventoux : Sylvain Court sur le long

Plus de 1500 coureurs étaient engagés sur les 3 formats du samedi. Sur une Intégrale des Crêtes devenue 52km, c’est l’expérimenté champion du monde de trail 2015 Sylvain Court qui a surnagé dans la tempête pour s’imposer en 5h 05mn 48s, devançant le jeune Elias Kadi de moins de 4 minutes. Plus loin, Valentin Lacroix prenait la troisième place en 5h18. Chez les femmes, c’est Marie-Laure Thieux qui l’emporte, prenant la 30ème place au scratch en 6h14, moins de 3 minutes devant Pauline Grardel. Beaucoup plus loin, Stéphanie Gibert monte sur la 3ème marche du podium, en 6h48.

Le Balcon des Jas proposait une belle boucle de 29 km et 1550m D+ dans les pentes du Ventoux dominant Bédoin, avec un tracé en montagnes russes entre les différents jas, ces grandes bergeries provençales en pierres sèches en partie abandonnées, en cours de restauration pour d’autres. Sur ce tracé tout en relances, la victoire est revenue à Paul Mathou qui a survolé la course en 2h20, tandis qu’Amandine Ferrato s’est imposée chez les féminines en 2h57, prenant une belle 12e place au scratch.

Enfin, 405 partants ont pu découvrir le tout nouveau tracé de l’AOC Ventoux et ses 15 km et 430m D+ tout en relances entre singles forestiers dans les ocres, vergers et vignobles. Sur ce format roulant et joueur, ce sont Pierre Castets en 57mn41 et Justine Ughetto en 1h13 qui se sont imposés.

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