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Alpine Connections : ça se complique pour Kilian Jornet

Kilian Jornet Alpine Connections fatigue Photo Nick Danielson

Après 10 jours et 51 sommets de plus de 4000 m gravis sur les 82 que comptent les Alpes, Kilian Jornet semble parti pour pulvériser le record de 60 jours détenu par deux alpinistes italiens depuis 2008. Mes attention, le Patron arrive maintenant dans le massif du Mont-Blanc, où l’attendent les ascensions les plus compliquées de son aventure. Et, la fatigue aidant, il va devoir redoubler de vigilance ! 

Alpine Connections : le massif du Mont-Blanc, massif de tous les dangers

Après avoir débuté par le Piz Bernina, seul 4000 du massif de la Bernina (4049m), Kilian Jornet a écumé les 4000 des Alpes Bernoises et des Alpes Valaisannes, pour porter son total à 51 sommets en 10 jours, dont 18 d’un coup avec le fameux Spaghetti Tour, une célèbre randonnée pour alpinistes aguerris que le Catalan a gravis en moins de 18 heures lors de sa 7ème étape.

Mais les 31 sommets restants promettent un autre niveau de difficulté. Il faudra aller chercher le Grand Paradis, isolé en Italie, les 2 sommets du Massif des Écrins (la Barre des Écrins, à 4101m, et le Dôme de Neige des Écrins, à 4015m), et surtout les 28 sommets du Massif du Mont Blanc, dont quelques-uns sont parmi les plus redoutables.

En effet, il faut tenir compte des difficultés d’ascension. Parmi les plus difficiles, Kilian Jornet a déjà gravi le Cervin (cotation AD), le Schreckhorn (AD+). Mais la partie la plus redoutable de son aventure sera certainement la traversée des Grandes Jorasses (D), l’Aiguille Blanche de Peuterey (D), le Grand Pïlier d’Angle (D). Sans oublier les terribles Aiguilles du Diable, cotées D+. Et sans oublier non plus que ces cotations sous-entendent des conditions météo parfaites, ce qui ne sera sans doute pas le cas…

Cervin
Le Cervin, gravi la semaine dernière. Photo Nick Danielson / NNormal

Alpine Connections : le mont Blanc, une connaissance

Contrairement à ce que le néophyte pourrait imaginer, le plus redoutable ne sera pas le mont Blanc et ses 4809m, car le toit de l’Europe ne nécessite pas de pratiquer l’alpinisme à haut niveau. C’est d’ailleurs un sommet que Kilian Jornet connaît très bien, pour être le détenteur du record de vitesse d’ascension aller-retour au départ de l’église de Chamonix, environ 3800m plus bas… Il a établi ce record le 11 juillet 2013, avec un chrono de 4h 57mn 40s (pour 28 km).

Pour la petite histoire, Kilian Jornet a effectué l’ascension avec son ami Mathéo Jacquemoud (qui l’a accompagné sur quelques étapes de cet Alpine Connections). Les 2 hommes sont arrivés ensemble au sommet du mont Blanc en 3h30 en passant par la Jonction et les Grands Mulets, mais seul Kilian est redescendu sur les chapeaux de roue pour établir le chrono record, Mathéo Jacquemoud ayant été victime d’une chute sans gravité qui l’a retardé dans sa descente.

Kilian Jornet Alpine Connections
Photo Nick Danielson / NNormal

Alpine Connections : les 5 pointes des Grandes Jorasses

L’arête des Grandes Jorasses, longue d’environ un kilomètre, est une arête faîtière marquant la frontière entre la France et l’Italie. Elle domine du côté français le glacier de Leschaux, affluent de la Mer de Glace, et du côté italien le Val ferret et la vallée de Courmayeur, bien connue des coureurs de l’UTMB et de la CCC.

Sur cette arête se détachent successivement six pointes, dont 5 dépassent les 4000m : la pointe Walker (4208m, point culminant des Grandes Jorasses), la pointe Whymper (4184m), la pointe Croz (4110m), la pointe Hélène (4045m), la pointe Marguerite (4065m) et la pointe Young (3996m). La face Nord des Grandes Jorasses (versant français) est l’une des plus grandes faces granitiques des Alpes, avec 1200m de haut sur près d’un kilomètre de long. L’ascension de cette face fut considérée comme l’un des plus grands défis des Alpes, jusqu’à la première les 28 et 29 juin 1935 par les alpinistes allemands Martin Meier et Rudolf Peters.

Photo Nick Danielson
Photo Nick Danielson / NNormal

Alpine Connections : l’épouvantail des Aiguilles du Diable

La traversée des Aiguilles du Diable est aujourd’hui l’une des grandes classiques du massif du Mont Blanc, qui permet de passer par 6 sommets de plus de 4000m d’un coup si l’on respecte l’itinéraire original à partir du col du Diable. Cette course d’alpinisme pur se déroule sur un rocher magnifique, dans un cadre grandiose, et consiste en un enchaînement d’escalade de 5 aiguilles rocheuses : la Corne du Diable (4064m), la Pointe Chaubert (4074m), la Pointe Médiane (4097m), la Pointe Carmen (4109m) et la Pointe Blanchet, ou de l’Isolée (4114m), avant d’atteindre le sommet du mont Blanc du Tacul, à 4247m.

Cette section cotée D+ sera certainement la plus technique que devra affronter Kilian Jornet, avec de longs passages de niveau 5 (inclinaison à 85/90°) en rocher, avec une approche sérieuse en neige et glace. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les Aiguilles du Diable sont les derniers sommets de plus de 4000m des Alpes à avoir été gravis, de 1923 à 1926, essentiellement sous l’impulsion d’un grand guide chamoniard de l’époque, Armand Charlet. L’enchaînement des 5 aiguilles, appelée traversée des Aiguilles du Diable, a quant à elle été réalisée pour la première fois le 4 août 1928.

Aiguilles_du_Diable. Source Wikipedia
Les Aiguilles du Diable. Source Wikipedia / DR

Alpine Connections : fatigue et privation de sommeil

Au moins aussi importantes que les difficultés techniques qui vont se présenter dans les prochaines étapes du projet Alpine Connections, la fatigue accumulée sera un paramètre qui va jouer un grand rôle.

En effet, depuis son départ, Kilian Jornet enchaîne des journées d’efforts de 16 à 18 heures sans relâche, avec quelques courtes nuits de récupération de 3 à 4h et, tous les 3 jours, une vraie pause de 7 heures. S’il est attentivement suivi par tout un staff médical (explorer les limites de la résistance physique étant un des thèmes de son aventure hors normes), il est évident, et les photos le montrent, que l’accumulation d’efforts impacte sur l’état de forme physique et mentale de Kilian Jornet. Or, avec l’arrivée d’ascensions très techniques, ou aucune place ne devra être laissée au hasard, le patron va devoir redoubler de vigilance.

Personne n’a oublié la disparition du très expérimenté guide Patrick Berhault, mort accidentellement lors de l’effondrement d’une corniche entre le Dom et le Täschhorn, en Haut-Valais, en 2004, alors qu’il s’était lancé dans ce même défi de gravir les 82 sommets de plus de 4000m des Alpes.

Et Kilian Jornet n’a certainement pas oublié non plus ce jour de juin 2012 où, lors d’une tentative de traversée à skis du massif du Mont-Blanc d’Ouest en Est, avec 8 sommets au programme, l’un de ses compagnons de cordée, Stéphane Brosse, a fait une chute mortelle suite à la rupture d’une corniche de neige au sommet de l’Aiguille d’Argentière.

La montagne a toujours raison…

Kilian Jornet Alpine Connections Photo Nick Danielson 2
Photo Nick Danielson / NNormal
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