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Entraînement et objectif de course : apprenez à bien gérer les adaptations

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Concevoir un programme d’entraînement axé sur la course n’est pas aussi simple qu’une progression linéaire liée à une augmentation basique de fréquence, volume et intensité. Il faut en effet savoir incorporer le principe de spécificité et de temps d’adaptation, en faisant coïncider étroitement l’entraînement et les exigences de la course objectif. Explications.

Gestion des adaptations et temporalité

Si les adaptations spécifiques de l’entraînement sont à privilégier au cours des dernières semaines précédant un événement, cela ne signifie pas que le travail « de fond » (amélioration du seuil lactique ou du VO2 max) est sans importance. Il faut prendre en compte la notion de progressivité et de temporalité, essentielles pour parvenir à vos objectifs.

Considérons par exemple un programme d’entraînement pour un ultra avec un dénivelé moyen, type SaintéLyon (78km et 2200m D+). Pour performer sur une telle épreuve, il faut être capable de maintenir un effort prolongé à un pourcentage relativement faible de votre VO2 max. Si vous souhaitez mettre en place un cycle d’entraînement spécifique pour cette épreuve, une bonne approche consistera à donner la priorité aux adaptations d’endurance dans les dernières semaines avant la course. Sachant que ces adaptations peuvent prendre jusqu’à 8 semaines pour se manifester pleinement, il devient logique de consacrer les 2 derniers mois à mettre l’accent sur un volume plus élevé à des intensités plus faibles, afin d’imiter les exigences du jour de la course.

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Prendre le départ de la SaintéLyon ne s’improvise pas. Si 8 semaines de spécifique permettent d’adapter son entraînement, la base doit être solide. Photo DR

Une construction lente mais raisonnée

Pourtant, il ne faut pas s’imaginer qu’un entraînement spécifique privilégiant l’endurance pendant 8 semaines sera suffisant pour performer sur une telle épreuve. Votre horizon doit s’étendre au-delà de cette fenêtre de 8 semaines. L’entraînement doit être compris comme un processus à long terme, une lente construction où, au fil des mois, vous ajoutez des couches de compétences physiologiques. Ainsi, si vous décidez d’allouer une période de 6 mois à votre préparation, vous pourrez mettre l’accent sur différentes adaptations, en commençant par l’amélioration du seuil lactique et du VO2 max au début du cycle.

Même si ces adaptations n’ont pas la spécificité de l’endurance, leur intérêt reste capital, vous donnant un plafond plus élevé pour développer votre endurance. Gardez à l’esprit que votre VO2 max fixe la limite supérieure de vos performances. Or le seuil lactique et l’endurance nécessitent suffisamment d’espace sous ce plafond pour vous permettre de progresser efficacement. En résumé, votre entraînement pour une épreuve comme la SaintéLyon devra prendre en compte les subtilités et les délais de manifestation dans le temps des adaptations de début, de milieu et de fin de programme. Il consistera en un mélange complet de travail d’intensité à court terme et d’endurance à long terme.

Seule cette approche stratégique, fondée sur la prise en compte de la temporalité des délais d’adaptation et ancrée dans la physiologie de l’exercice, vous permettra d’établir un plan d’entraînement bien calibré, où chaque outil (fréquence, volume, intensité) contribue à un parcours cumulatif débouchant sur l’optimisation des performances.

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Photo UTMJ 2022 Ben Becker

Suivi des progrès et ajustement de l’entraînement

S’intéresser au suivi des progrès et redéfinir ses stratégies en fonction des délais d’adaptation nécessaires constitue la base fondamentale d’un entraînement efficace. De nos jours, les coureurs disposent de nombreux outils pour suivre leur progression, leur permettant de mieux comprendre leur entraînement et d’optimiser leurs efforts. Grâce aux montres et applications, chacun peut mesurer ses propres critères de performance : temps de course, rythme, facteurs d’intensité et dynamique de la fréquence cardiaque.

Par exemple, un coureur peut examiner précisément l’évolution de son temps de course au fil des cycles d’entraînement, et identifier les résultats qui indiquent des progrès en matière de condition physique. Bien sûr, une simple analyse des chronos sur des segments Strava fréquemment empruntés peut s’avérer utile. Si vous remarquez une tendance mois après mois à être plus rapide sur des itinéraires réguliers dans des conditions similaires, vous êtes dans la bonne voie. Mais pour une analyse plus complète et détaillée, l’utilisation d’une application devient essentielle pour étudier l’évolution des différents critères de la performance individuelle et suivre les tendances à long terme.

Fréquence cardiaque et ressenti

Ainsi, en parallèle des chronos, les données de fréquence cardiaque apparaissent comme un critère essentiel, reflet de la charge interne. En distinguant les différentes intensités de fréquence cardiaque au cours des entraînements et des courses, les coureurs obtiennent des informations précieuses sur leur efficacité cardiovasculaire et la progression globale de leur condition physique. Ces mesures, parfaitement quantifiables avec n’importe quel cardio-fréquencemètre, fournissent une indication tangible des adaptations physiologiques durant l’effort.

Attention cependant, cela ne signifie pas qu’il faille les utiliser aveuglément comme base pour une séance d’intensité ou lors d’une course. En effet, de multiples variables physiologiques entrent en jeu, comme le stress, qui peuvent faire varier les mesures. Mais ces données de fréquence cardiaque sont précieuses pour acquérir une certaine compréhension du fonctionnement de votre stress interne.

Le suivi des progrès va cependant au-delà des données numériques. Le biofeedback est tout aussi important. Par biofeedback, nous entendons les données de perception de l’effort et de la récupération. En notant minutieusement votre perception subjective de l’effort, définie par les mesures de RPE de l’échelle de Borg, vous pourrez distinguer des nuances dans les charges d’entraînement et les gains d’endurance. Quant aux indicateurs de récupération, allant de la qualité du sommeil aux douleurs musculaires, ils reflètent une représentation complexe de la réponse de votre corps aux stimuli d’entraînement. L’interprétation de ces différentes données de ressenti vous permet, en complément des données chiffrées, de vous faire une idée complète de votre progression.

Adaptation Course Lynx Photo UTMJ 2022 Ben Becker
Photo UTMJ 2022 Ben Becker

Stagnation, paliers et adaptations

L’intérêt du suivi précis (par données numériques et par ressenti) est qu’il permet de distinguer des « paliers », qui sont détectables par la stagnation ou la diminution des mesures de performance. Ils sont naturels, et doivent servir de jalons dans le processus de progression. Confrontés à un palier, les coureurs doivent s’engager dans un processus dynamique d’ajustement et d’innovation. C’est à ce moment précis que leur plan d’entraînement doit être adapté pour surmonter ces paliers et créer un nouvel élan.

Cela peut se faire par un changement d’environnement d’entraînement, des variations de volume, d’intensité ou de stratégies de récupération. Par exemple, si un coureur remarque une stagnation des temps de course ou des mesures de performance malgré un entraînement constant, des séances par intervalles ou de répétitions en côte (intensité) pourront être intégrés au plan d’entraînement pour relancer la dynamique de progression. Ou, à l’inverse, il s’agira peut-être d’inclure davantage de périodes de repos dans le programme.

Sachant que ces paliers de stagnation peuvent intervenir à des moments très variables, et que connaître les raisons pour lesquelles la réponse du corps à l’entraînement est infiniment complexe, il est donc essentiel de suivre vos progrès et d’être prêt à effectuer des ajustements d’entraînement à tout moment. C’est dans la bonne interprétation de cette interaction complexe entre données quantifiables et ressenti, et des besoins d’adaptation aux bons moments, que se situe toute la subtilité de l’entraînement. Un entraîneur maîtrise cet aspect des choses. Mais vous, l’athlète, pouvez aussi l’apprendre.

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Photo UTMJ 2022 Ben Becker

Adaptations physiques et résilience mentale

Comprendre les délais d’adaptation de l’organisme a un effet sur divers aspects de l’entraînement. Sur le contenu des séances bien sûr, mais aussi sur les stratégies de récupération et les choix nutritionnels. Les coureurs peuvent ainsi adapter leurs protocoles de récupération, garantissant suffisamment de temps au corps pour se réparer et se développer. Améliorer la qualité du sommeil, gérer adéquatement le stress et le repos, planifier stratégiquement les apports en nutriments et maintenir des niveaux optimaux d’hydratation et d’électrolytes sont des facteurs prépondérants pour promouvoir et accélérer des stratégies d’adaptation.

La préparation mentale constitue également un pilier dans le domaine de l’ultra-trail, au même titre que la préparation physique. Avec ses distances extrêmes et son terrain implacable, l’ultra-endurance nécessite un état d’esprit caractérisé par la patience, la résilience et la détermination. Si le corps physique subit des adaptations progressives pour être capable d’encaisser de telles distances, la résilience mentale requise pour relever ces défis est tout aussi impérative. Ainsi, le fait de reconnaître et d’accepter psychologiquement que les adaptations physiologiques sont progressives, permet aux coureurs de se doter d’un outil puissant pour gérer efficacement leurs attentes. Comprendre que des gains d’endurance substantiels, un développement musculaire et des améliorations cardiovasculaires nécessitent du temps et des efforts sur un temps long favorise un état d’esprit patient. « Vous ne pouvez pas changer ce dont vous n’êtes pas conscient. »

Accepter la nature progressive des adaptations

Avoir une base solide de compréhension des processus de développement physiologique, y compris de la façon dont un plan d’entraînement est conçu pour avoir un impact sur les adaptations physiques en fonction d’un objectif, est un point de départ essentiel. Cette vision raisonnée permet aux coureurs d’éviter les pièges de la surestimation ou de l’épuisement prématuré, et favorise une approche durable de l’entraînement et de la compétition.

De plus, cette reconnaissance d’une adaptation progressive s’intègre parfaitement dans le développement de la force mentale. Les épreuves d’ultra-running ne doivent pas être abordées comme des cas isolés, mais le résultat d’une séquence cumulative de défis qui testent la détermination d’un athlète. Tout comme le corps s’adapte et se renforce lentement avec le temps, l’esprit aussi. Adhérer à la nature progressive du processus engendre la force mentale – la capacité de persévérer malgré l’inconfort, de surmonter les barrières mentales et d’avancer même face à l’adversité.

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C’est en allant puiser au fond d’elle que Maryline Nakache, dans des conditions extrêmes, s’est imposée sur la TDS 2023. Photo UTMB Groupe 2023

Comprendre la relation entre adaptations physiologiques et résilience

La question n’est pas de savoir si un athlète ressent de la fatigue, de l’inconfort ou un désir croissant d’arrêter, mais plutôt quand. Et savoir quoi faire lorsque cela arrive. Nous avons cette incroyable opportunité de nous entraîner mentalement de la même manière que nous nous entraînons physiquement : en élaborant un programme d’entraînement et en étant discipliné pour travailler ces compétences de manière cohérente.

Votre esprit est avec vous, peu importe où vous allez. Les athlètes qui développent une conscience profonde du fonctionnement de leur esprit et qui développent des compétences en matière de force mentale, de détermination, de contrôle de l’attention et d’efficacité personnelle réussissent à vivre des expériences plus positives et à avoir de meilleurs résultats le jour de la course que celles qui laissent le jeu mental au hasard. Plus particulièrement dans l’ultrarunning, où la relation entre l’évolution progressive des adaptations physiologiques et la résilience mentale est étroite. Les coureurs qui sont capables de saisir cette synergie se donnent une marge de progression significative.

Lire à ce propos l’article sur Flavie Bruyneel sur les stratégies pour renforcer son mental en course

En étant pleinement conscient de la temporalité nécessaire aux adaptations physiologiques, et en adoptant l’art de l’entraînement stratégique, vous pourrez vous entraîner avec détermination et précision et effectuer des progrès importants, non seulement les sentiers mais aussi au niveau de votre propre potentiel.

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