Mathieu Blanchard au défi de la Yukon Arctic Ultra 2025

Photo Benjifre

C’est une sorte de grand écart pour Mathieu Blanchard, qui après sa victoire dans la moiteur de la Diagonale des Fous pour son dernier défi de 2024, change radicalement d’ambiance pour son premier défi 2025 : les 640 km de la Yukon Arctic Ultra, dans des conditions glaciales extrêmes, avec des températures pouvant atteindre les -40 à -50° qui en font l’une des courses les plus dures au monde. Départ le 2 février 2025 de Teslin, dans le territoire du Yukon, au Canada.

Mathieu Blanchard, ou le goût de l’exploration du potentiel humain

Mathieu Blanchard n’est pas un coureur d’ultra-distance comme les autres. D’ailleurs, la notion de coureur d’ultra-distance ne suffit pas à le définir. Préférons le terme d’aventurier, comme le rappelle le titre de son ouvrage, Vivre d’aventures. Un aventurier passionné par le potentiel humain, et qu’il aime tester sur sa propre personne, depuis plusieurs années déjà.

« J’ai pris conscience que notre potentiel physique et mental est bien plus élevé que ce que l’on nous apprend ou que nous raconte la société actuelle. On n’utilise même pas 10% de la capacité de notre cerveau, et au niveau physique, c’est la même chose. Comprendre que l’on est capable de courir 500 à 600 kilomètres d’affilée, cela casse complètement le paradigme des capacités du corps humain. »

Les défis d’ultra-distance, Mathieu Blanchard connaît déjà

Les défis très longue distance, Mathieu Blanchard y a en effet déjà goûté. C’était en août 2020, en plein COVID. Il s’était alors lancé dans une aventure en solitaire en Gaspésie, où il avait établi un record de la traversée du GR A1, le premier sentier de grande randonnée d’Amérique du Nord, avec ses 650km et 30000m D+ en forêt, en milieu hostile. Il avait alors parcouru la distance en 7 jours et 12h, là où les randonneurs mettent en moyenne près d’un mois et demi.

De cette aventure, il avait tiré de précieux enseignements : « Il y a d’autres critères que la capacité à courir longtemps que j’ai pu explorer, comme la résistance au sommeil, ou la perturbation du système nutritionnel basé sur trois repas par jour, avec un certain nombre de calories à ingérer, ou encore la gestion de l’énergie. Et au milieu de tout ça, il y avait aussi une histoire de performance, aller d’un point A a un point B le plus vite possible. Toucher du doigt tous ces paramètres et tenter de les maîtriser et les optimiser est quelque chose qui me passionne. »

Voir le teaser du film Confiné retraçant cette aventure ICI

Film Confiné Mathieu Blanchard
L’affiche du film tiré de l’aventure de Mathieu Blanchard en Gaspésie.

Le grand froid, Mathieu Blanchard connaît aussi déjà

Si d’aucuns pourraient redouter les conditions glaciales qui attendent les concurrents de la Yukon Arctic Ultra, Mathieu Blanchard, lui, sait à quoi s’attendre. En effet, en février/mars 2022, il a réalisé une expédition polaire à skis avec son ami Loury Lag qui lui a permis d’expérimenter sa résistance au froid. Et il sait qu’il n’y a aucune adaptation physiologique possible, qu’il faut endurer.

« Contrairement à la chaleur, à laquelle le corps peut physiologiquement s’adapter, par exemple en augmentant la capacité de sudation, ou du volume sanguin, il n’y a pas d’adaptation physiologique au froid. L’adaptation ne peut donc être que mentale. C’est l’accoutumance à la douleur. Et il y a également des techniques ancestrales, que l’on a pu découvrir avec les populations autochtones lors de notre expédition. Eux sont habitués à sortir tous les jours par -40° en hiver et ça ne leur pose pas de problème. Aujourd’hui, notre société a tendance à nous maintenir dans notre canapé, avec une température de 25°, en nous expliquant que le milieu désertique est hostile, que le milieu polaire est hostile, qu’il vaut mieux rester enfermés à l’intérieur. Moi je veux montrer que pas du tout… »

Voir le teaser du film Uapapunan retraçant cette aventure ICI

Uapapunan
Extrait du film Uapapunan.

Aventurier professionnel, la quête ultime de Mathieu Blanchard

Depuis qu’il est passé sous contrat avec Salomon et devenu coureur professionnel, Mathieu Blanchard a dû se plier à une certaine discipline et respecter des contraintes liées au statut. Participer à des rassemblements de groupe, choisir des courses plutôt que d’autres, ne pas se disperser… Mais au fond de lui, il ne s’en est jamais caché, c’est une trajectoire à la Mike Horn qui le titille, avec cette possibilité de pouvoir vivre des expériences nouvelles, hors des sentiers battus. La Yukon Arctic Ultra fait assurément partie de ces « sorties de piste » où l’aventurier reprend la main, et oublie quelque temps le coureur professionnel.

« Venant d’un monde cartésien, ingénieur de bureau avec des objectifs assez cadrés, j’ai mis du temps à accepter la casquette de coureur professionnel. Le monde du sport professionnel était assez irrationnel à mes yeux. Aujourd’hui, j’accepte de dire que je suis coureur professionnel et que c’est mon métier. Maintenant, je suis dans un travail pour pouvoir me dire qu’un jour, je pourrai aussi être reconnu comme un aventurier professionnel. Je me dis ça parce que j’ai réussi à construire des aventures qui peuvent être concrètes en terme de rémunération, car il ne faut pas se mentir, pour être professionnel, il faut pouvoir en vivre.

J’ai vu comment l’aventure peut devenir aussi une activité professionnelle, de par les conférences qu’on va donner, les livres qu’on va écrire, les films qu’on va tourner… Dans quelques années, je serai peut-être capable de faire des aventures qui dureront plusieurs mois, qui auront des impacts beaucoup plus gros. Et c’est quelque chose qui me permettra de continuer de faire ce que j’aime et d’exploiter mon potentiel physique, à une période de ma vie où je ne serai peut-être plus capable de courir assez vite pour me dire que je suis un coureur professionnel. »

Yukon Arctic Ultra 2025 : ce qui attend Mathieu Blanchard

C’est sur 640 km entre Teslin et Faro que se disputera la Yukon Arctic Ultra 2025, sur les traces de la Yukon Quest, la course de chiens de traîneau de 1648 km à travers le grand nord canadien et l’Alaska, réputée pour être la plus difficile au monde. La distance entre le village de départ et celui d’arrivée étant de 340 km, les organisateurs ont prévu de rajouter un segment de 150 km (300 aller-retour) sur la North Canol Road, sauf si ils ont la possibilité de transformer cet aller-retour en une grande boucle autour du lac Teslin. Quant à la difficulté du terrain, ils se réjouissent également de pouvoir proposer un tracé inédit dans une partie du Yukon qu’ils ne connaissent pas bien, où le manteau neigeux est plus important que sur l’ancien parcours et où le relief est plus alpin.

yukon-arctic-ultra-competitor
Photo Yukon Artic Ultra

Une promesse d’aventure extrême, un véritable défi de survie où il faudra faire sa trace en autonomie totale entre les 6 seuls checkpoints du tracé, ce qui implique de très longues sections où les concurrents seront seuls et livrés à eux-mêmes dans la nature sauvage. Et le règlement de la course de préciser : « Des situations qui, dans des circonstances normales, ne causent aucun problème peuvent devenir absolument mortelles en plein hiver au Yukon. Veuillez garder cela à l’esprit à tout moment. »

« Cette prochaine aventure me dépasse, elle m’effraie, et elle sera sans aucun doute la plus éprouvante de ma vie. Tout se jouera sur le moindre détail, et c’est dans cette quête minutieuse que je puise ma force. L’inconnu m’appelle », confiait le 31 décembre Mathieu Blanchard sur les réseaux sociaux, alors qu’il poursuivait son entraînement dans les montagnes sur les hauteurs de l’Alpe d’Huez. « Dormir dehors, sur la neige, ou m’entraîner sous un vent mordant à haute altitude, c’est devenu un bout de mon quotidien. La nuit, seuls les reflets des yeux d’animaux dans l’obscurité me rappellent que je ne suis pas totalement seul. »

Mathieu Blanchard
Mathieu Blanchard à l’entraînement dans les montagnes au-dessus de l’Alpe d’Huez, où il réside.
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