,

En costauds ! Mathieu Blanchard et Manon Bohard s’offrent la plus longue Diagonale des Fous de l’histoire

Blanchard Diagonale Photo Grand Raid - ImazPress

Quelle histoire… de fou ! Alors qu’il avait été contraint à l’abandon au 69e kilomètre lors de l’UTMB, souffrant d’une douleur au talon due au syndrome de Haglund, Mathieu Blanchard a pris une revanche éclatante sur le sort en s’imposant sur le Stade de la Redoute, après une Diagonale des Fous qu’il aura quasiment menée de bout en bout. Une victoire et un chrono impressionnant sur la plus longue Diagonale de l’histoire ! Chez les femmes, Manon Bohard a fait un cavalier seul en tête et remporte une nette victoire.

Mathieu Blanchard, entre sincérité et grand bluff

Depuis son abandon à l’UTMB, il était difficile de se prononcer sur le cas Mathieu Blanchard. Après avoir annoncé tardivement sa venue à Chamonix en assurant sur les réseaux sociaux que « tous les voyants étaient au vert », Mathieu avait été contraint à l’abandon au 69ème kilomètre à cause de douleurs au tendon d’Achille. Et depuis, plus rien, si ce n’est quelques photos Instagram prises dans les montagnes alpines, puis au stage en Auvergne avec l’équipe de France de trail. Il courait, certes, mais quid de ce tendon ?

Il y a quelques jours, Mathieu Blanchard révélait même à notre confrère de Distance + qu’il souffrait depuis 3 ans du syndrome de Haglund et qu’il avait ressenti une douleur de 10 sur 10 lors de l’UTMB, l’obligeant à stopper. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer qu’avec un tel syndrome et une préparation tronquée il serait au summum de sa forme lors de cette édition du Grand Raid de La Réunion, qu’il avait pourtant cochée en début d’année comme son objectif N°1 de la saison.

Ce n’est d’ailleurs qu’au tout dernier moment que l’athlète du Team Salomon International, toujours via les réseaux sociaux, a annoncé qu’il serait bien présent sur la ligne de départ. Et de préciser qu’il prendrait le départ « sans pression ni objectif de performance ». Doutes réels sur ses capacités à avaler les 175 km et 10000m D+ de sentiers techniques de l’Île Intense ou coup de bluff ? Impossible de le savoir. Mais force est de constater que l’ambiance électrique du départ à Saint-Pierre lui a donné des ailes, car dès les premiers kilomètres, Mathieu Blanchard s’est porté aux avant-postes. Pour ne plus les quitter.

Départ Diagonale 2024
Le départ de la Diagonale, avec un Mathieu Blanchard prêt à appuyer 1° sur le chrono ; 2° sur le champignon. Photo Organisation

Diagonale 2024 : Mathieu Blanchard prend le large

Très vite, les principaux favoris de la course se sont portés en tête, à commencer par 2 ex-podiums de la Diagonale, l’Américain Ben Dhiman, 3ème en 2022, et le Suisse Jean-Philippe Tchumi, 2ème en 2022 et 3ème l’an dernier. Premier Français à prendre le pas, Mathieu Blanchard était suivi de près par Germain Grangier et Aurélien Dunand-Pallaz, mais aussi un peu plus loin par Jean-Marie Thévenard, Martin Kern et Cédric Chavet, pour ne citer qu’eux.

À mi-course, le trio de tête faisait le show, avec un quart d’heure d’avance sur leurs poursuivants. C’est alors que les choses sérieuses ont commencé, avec le retour de la chaleur dans Mafate. Aux environs du 100ème kilomètre, Jean-Philippe Tschumi a tenté de se détacher en faisant parler la puissance de ses cuisses dans les montées très techniques, mais Mathieu Blanchard n’a rien lâché. Repassant devant au 116ème kilomètre, il comptait plus loin, au Piton des Orangers (122ème kilomètre), 3 minutes d’avance sur le Suisse, qui arrivait furieux car son team n’avait pas pu le ravitailler.

Mathieu Blanchard Photo Grand Raid : ImazPress
Mathieu Blanchard en conquérant. Photo Grand Raid / ImazPress
Jean-Philippe Tschumi Photo Grand Raid : ImazPress
Jean-Philippe Tschumi, en chasse. Photo Grand Raid / ImazPress

Derrière, Ben Dhiman pointait avec 8 minutes de retard. Et petit à petit, le Français allait grignoter seconde après seconde pour se détacher irrésistiblement. 5 minutes au 140ème, puis 6 au 150ème, l’affaire semblait tourner en sa faveur, surtout que derrière, Ben Dhiman perdait pied et accusait plus de 40 minutes de retard au 150ème kilomètre, toujours devant un Germain Grangier qui semblait marquer le pas physiquement. Il allait d’ailleurs subir une terrible défaillance au 135ème kilomètre, dans la descente vers l’îlet Savannah. Muscles tétanisés, titubant, incapable d’avancer, il s’est fait rattraper par Diego Pazos et Martin Kern, qui n’ont pu faire autrement que le laisser sur place… Il a abandonné une fois l’îlet Savannah atteint.

Quant à Aurélien Dunand-Pallaz, tenant du titre, longtemps 5ème du général, il a également abandonné un peu plus tôt, au 115ème km, au Maïdo, et confiait : « Je suis épuisé, je n’ai plus aucune force, je ne prends plus de plaisir sur les sentiers, je veux revoir mes proches et ma famille. Ma décision est définitive, j’ai rendu mon dossard. » Il fallait alors attendre plus d’une heure pour voir pointer les concurrents suivants, emmenés par le Suisse Diego Pazos, et les Françaos Martin Kern et Jean-Marie Thévenard. Romain Olivier, Cédric Chavet et le Réunionnais Judicael Sautron complétaient le top 10.

Aurélien Dunand Pallaz Photo Grand Raid : ImazPress
Aurélien Dunand-Pallaz à la peine, avant son abandon au 115e. Photo Grand Raid / ImazPress

La Diagonale de rêve de Mathieu Blanchard

La fin de course de Mathieu Blanchard fut rude, mais il n’a rien lâché. Arrivé à Possession, il a attaqué l’historique Chemin Crémont, appelé aussi Chemin des Anglais, construit en pavés de roches volcaniques, avec 12 minutes d’avance sur Jean-Philippe Tschumi, et 55 sur Ben Dhiman. Concentré comme jamais, attentif au moindre détail, enchaînant les ravitaillements avec une précision légendaire et faisant preuve d’une étonnante sérénité (répondant tranquillement aux interviews à chaque point de contrôle), il a su repousser la fatigue pour continuer de creuser l’écart.

Avec 23 minutes d’avance à Grande Chaloupe, Mathieu Blanchard avait course gagnée et pouvait sereinement entamer la dernière montée vers Colorado, avant de plonger vers le Stade de La Redoute à Saint-Denis et la ligne d’arrivée. Derrière, Jean-Philippe Tschumi, résigné, faisait quand même le spectacle et était aperçu faisant la roue en pleine traversée de village pour amuser les nombreux spectateurs présents.

Mathieu Blanchard s’impose finalement en 23h 25mn 02s et remporte son premier 100 Miles majeur, avec un chrono remarquable pour une distance totale de 174,7km et 10107m D+, la plus longue Diagonale de l’histoire du Grand Raid. Pour mémoire, le chrono d’Aurélien Dunand-Pallaz en 2023 était de 23h 21mn 23s pour 167,3km et 9710m D+, et 23h 14mn 47s pour Beñat Marmissolle sur 168,4 km et 10250m D+ en 2022. Quant au record absolu de la Diagonale, il reste la propriété de François D’Haene, qui a réalisé en 2013 un chrono de 22h 58mn 30s sur un parcours qui faisait alors 164,6km et 10100m D+, soit 10 kilomètres de moins que cette année.

Jean-Philippe Tschumi s’offre quant à lui son 3ème podium en 3 ans, mais rate une nouvelle fois la plus haute des marches. Il termine sa Diag’ en 24h 08mn 32s, soit plus de 40 minutes après le vainqueur. Et Ben Dhiman finit de nouveau 3ème, comme en 2022, en 24h 42mn 53s. Les costauds ont encore frappé !

Belle arrivée 3 heures après le vainqueur de Martin Kern et Diego Pazos ensemble. Vincent Esmiol termine 6e et Judicael Sautron, 1er Réunionnais, 7e ! Quant à Antoine Guillon, qui participait à sa 16ème Diagonale, il n’a hélas pas pu la terminer, abandon au 122ème kilomètre après s’être fait une petite entorse durant la première nuit. Ne souhaitant pas prendre de risques, “le Métronome” a pour la première fois préféré abandonner…

Blanchard
Photo Grand Raid / ImazPress

Une Diagonale féminine très ouverte

En l’absence des deux dernières gagnantes de la Diagonale, Courtney Dauwalter en 2022 et Katie Schide en 2023, et alors qu’aucune ancienne gagnante n’était sur la ligne de départ, la course féminine promettait d’être passionnante. Parmi les favorites, 2 noms se détachaient : Manon Bohard, 3ème des championnats du Monde de trail long 2023 et 2ème du 111km du Swiss Canyon Trail en juin dernier, et l’expérimentée Maryline Nakache, boulimique de trail, gagnante en 2023 du Marathon des Sables et de la TDS, entre autres. Mais ni l’une ni l’autre ne connaissait les sentiers de l’île.

Parmi les autres noms que l’on pouvait imaginer devant, citons Céline Finas, 3ème de la TDS 2024, Flavie Bruyneel, 3ème de la TDS 2022 ou encore Aline Coquard, 2ème du 110km du Restonica Trail 2023, elles aussi « nouvelles » sur la Diag’. Sans oublier la Réunionnaise d’adoption Sylvaine Cussot, déjà 3 fois finisheuse de la Diagonale (9ème en 2023, 5ème en 2022, 4ème en 2021), et la Réunionnaise tout court Amélie Huchet. gagnante de la Mascareignes (75km) en 2022, 3ème du Trail de Bourbon (109km) en 2023, qui s’alignait sur sa 1ère Diagonale.

« Je suis terriblement excitée à l’idée de goûter à la ferveur et à l’ambiance chaude de la Diag’, confiait Manon Bohard la veille du départ. Un privilège d’être arrivée sur cette ligne retapée et loin d’être rassasiée. Demain, il faudra avoir faim pour arriver au bout de cette épopée, j’en consens. Mais comme toujours, prête à relever le défi et vivre une nouvelle aventure ! »

Manon Bohard
Manon Bohard. Photo Organisation

L’impressionnant cavalier seul de Manon Bohard

Et Manon Bohard a eu faim ! Le suspense n’a d’ailleurs pas duré longtemps, puisque dès le départ, elle a pris un rythme qu’aucune concurrente n’a suivi. De 5 minutes au premier point de contrôle à 35 minutes à mi-course, la Française n’a cessé de creuser l’écart sur ses poursuivantes, Maryline Nakache, Ingrid Terrier et Amélie Huchet.

Au 115ème kilomètre, l’écart entre la tête de course et la seconde montait même à 55 minutes, et rien ne semblait pouvoir arrêter la fille de Patrick Bohard dans sa marche vers la victoire. Quant à Maryline Nakache, elle était solidement accrochée à sa place de dauphine, avec 38 minutes d’avance sur Ingrid Terrier, 4ème féminine de la MaXiRace du lac d’Annecy en juin, qui découvrait les sentiers réunionnais. Hélas pour elle, Ingrid Terrier allait rendre les armes à l’îlet Savannah, tout comme la Réunionnaise Amélie Huchet, vaincue par cette terrible Diag’.

Manon Bohard s’impose finalement en 31h 49mn 55s, 25ème au classement général. Elle devance Maryline Nakache d’un peu plus d’1h10 (33h 01mn 19s). Pauline Grardel, qui compte à son palmarès quelques podiums sur des ultras mais n’avait jamais fait de 100 Miles, va chercher une belle troisième place. Pour la suite du classement, à l’heure où nous écrivons ces lignes, Aline Coquard filait vers la 4ème place, la Chinoise Wenfei Xie la 5ème et Sylvaine Cussot la 6ème.

Manon Bohard
Manon Bohard, gagnante de la Diagonale 2024. Photo Organisation
Maryline Nakache
Maryline Nakache, 2ème de la Diagonale 2024. Photo Organisation

Voir le classement complet ICI

Les derniers articles
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *