UTMB STORY : François D’Haene puissance 4

OPEN UTMB 2017 Photo Jocelyn Chavy

2012, 2014, 2017 et 2021 : par 4 fois, François D’Haene s’est imposé sur l’UTMB. Si sa première victoire se dessina sur un parcours tronqué, les 3 suivantes ne souffrent d’aucune contestation. Surtout la 3ème, en 2017, face à Kilian Jornet. Un choc des titans qui reste dans les annales…

UTMB 2011 : François D’Haene comme un débutant

Il est venu un première fois en 2010, pour apprendre, mais la course a été arrêtée aux Contamines, pour des raisons météo. Un deuxième départ est donné le lendemain de Courmayeur, pour un UTMB transformé en CCC bis, mais François D’Haene n’en est pas. Il revient en 2011, remonté comme jamais, dans une forme époustouflante après avoir passé son été à se préparer. Manque de chance, il se retrouve de nouveau avec des conditions météo épouvantables.

Le départ, repoussé de 5 heures, est tout de même donné. Dans le froid et la pluie, il suit les meilleurs, dont l’OVNI Kilian Jornet, et se prend à rêver de podium. Hélas, il commet une erreur de débutant : en changeant plusieurs fois de chaussures, il modifie ses appuis et finit par se blesser à l’insertion du tendon d’Achille. François D’Haene n’a alors d’autre solution que d’abandonner, à 40 kilomètres de l’arrivée, alors qu’il est encore 6ème et rêve de boucler son premier Tour du Mont-Blanc. Ce sera pour 2012, et il ne fera pas les choses à moitié !

UTMB 2012 : François D’Haene dans la tourmente

Pour la 3ème année consécutive, les conditions sont dantesques ce jour de fin août à Chamonix. Sur la ligne de départ, 2000 coureurs patientent, dans le froid et sous la pluie. Ils attendent l’arrivée de Tofol Castaner, qui remporte la CCC juste au moment où eux-mêmes sont censés s’élancer. Mais les organisateurs ne peuvent se résoudre à envoyer les concurrents dans la montagne dans des conditions pareilles. Le froid, la neige et la grêle prévus, sans espoir d’amélioration, les incitent à proposer un itinéraire alternatif en France. 110km et 5 600m D+. Et il fait encore nuit quand François D’Haene franchit la ligne d’arrivée à Chamonix en vainqueur. Ce n’est certes pas un UTMB complet, mais c’est tout de même une victoire. Sa première. Qui en appelle d’autres.

UTMB 2012 D'Haene 2
Photo Organisation / DR

UTMB 2014 : François D’Haene s’invente en maestro de l’ultra

Après son premier succès en 2012 et son triomphe sur le Grand Raid de la Réunion en 2013, le viticulteur du Beaujolais fait désormais figure de maître incontesté de la distance de l’ultra-trail au niveau mondial, très loin devant les autres Français. Cerise sur le gâteau, malgré un terrain glissant suite aux fortes pluies de la fin de journée et de la nuit du vendredi, il réalise le meilleur temps sur le parcours de l’UTMB, avec un chrono de 20h 11mn 44 s. Un sol plus sec et un temps plus clément l’auraient sans nul doute conduit en moins de 20h à Chamonix. Mais revenons sur la course…

Le départ est donné sous des trombes d’eau, tandis que des milliers de litres se déversent sur les sentiers, les rendant terriblement piégeux sous la semelle des traileurs. « On aurait pu aller encore plus vite, mais à certains endroits, c’était impossible de courir, expliquera le vainqueur. On s’enfonçait dans la boue, les appuis étaient très instables, on était trempés.. »

François D’Haene mène le ba mais doit affronter les à-coups des deux seuls athlètes capables de l’accompagner au fil des kilomètres, ses propres coéquipiers, les Espagnols Tofol Castaner, vainqueur de la CCC en 2012, et Iker Karrera, dauphin de Jornet en 2011 et vainqueur du Tor des Géants 2013. Chacun à leur tour, les Ibériques tentent de surprendre le flegmatique champion français de 28 ans. « À Courmayeur (km 77), Iker Karrera a mis une forte accélération. Je me suis efforcé d’amortir, de temporiser. Je n’étais pas mal, mais je me disais qu’on n’était qu’au 80èmekm, et qu’il restait un bon bout de chemin », racontera François.

UTMB 2014 : une nuit à 3, un matin en solo

Au petit matin, avec le retour d’un temps sec et rasséréné par « une belle nuit passée ensemble », François D’Haene produit son effort. « J’ai senti que notre rythme commençait à baisser et j’ai voulu éviter un retour éventuel d’autres coureurs. J’ai profité de mes bonnes jambes pour accélérer. Je voulais faire la différence. C’était à La Fouly ou à Champex qu’il fallait tenter quelque chose, car la suite du tracé est compliquée pour faire des écarts. » Une stratégie payante, mise en place finalement à La Fouly (km 108). Une foulée qui s’allonge, des traits qui se creusent, le mental qui se durcit, et des adversaires qui cèdent…

Au passage à Trient (km 139), François est renseigné sur son avance. Environ 35 minutes. « J’ai alors pensé que je pouvais gagner et j’ai essayé de bien gérer ma fin de parcours. Globalement ma course a été régulière, mais difficile après un départ rapide et un parcours technique rendu boueux et glissant. » À Vallorcine (km 149), l’écart est toujours de 35 minutes entre le Français et le duo espagnol qui a fait course commune. Il le sera jusqu’à la Place du Triangle de l’Amitié de Chamonix où François D’Haene remporte son deuxième UTMB, le premier sur parcours complet, dans l’émotion et la liesse générale.

Derrière lui, Iker Karrera, visiblement plus en jambes que Tofol Castaner, n’a pas voulu rompre l’union sacrée avec son compatriote, et l’a attendu en haut de La Flégère. Les deux hommes finiront main dans la main ex-æquo à la 2ème place.

UTMB 2014 François-DHaene Photo Damien-Rosso www.droz-photo.com
Photo Damien Rosso / www.droz-photo.com

UTMB 2017 : le choc des titans

Lédition 2017, c’est la promesse d’un grand combat. Sur la ligne de départ, trois anciens vainqueurs aux styles très différents, et tous si attachants. Kilian Jornet tout d’abord, déjà 3 fois vainqueur de l’UTMB. François D’Haene ensuite, 2 victoires dans sa besace. Et le petit Mozart du trail, Xavier Thévenard, lui aussi 2 fois triomphant ici, et qui a fait de cette semaine de l’UTMB son jardin d’excellence avec des victoires sur toutes les distances compétitives proposées. L’affiche était déjà très belle avec ces trois gaillards. Elle l’est encore plus avec celui dont on a fait l’épouvantail, la fusée américaine Jim Walmsley. L’homme qui, en peu d’années, a explosé la plupart des records des principaux standards US de l’ultra.

UTMB 2017 : et c’est parti pour le show !

Le premier tiers de la course a vite placé les débats au plus haut niveau. Si Kilian Jornet prend son temps sur les premiers kilomètres de course en toute décontraction, usant surtout de son Smartphone pour partager cet instant si intense avec pas moins de 38 000 « followers », il va vite se résoudre à suivre le rythme imposé par François D’Haene, Xavier Thévenard et Jim Walmsley. Et il a fallu attendre le col du Bonhomme (km43) pour voir un premier favori, Xavier Thévenard, décrocher légèrement. Les trois autres leaders continuent leur périple nocturne dans le froid et l’humidité.

À Courmayeur, vers 2h30 du matin, Jim Walmsley possède 5 minutes d’avance sur le duo Jornet-D’Haene. Habitué à des départs tonitruants, l’Américain, dont c’est la première expérience sur l’épreuve, a cette fois-ci adopté une stratégie plus sage. « Contrairement à ses habitudes, il s’est arrêté sur les premiers ravitaillements pour attendre les autres, être moins seul dans la nuit et se faire plaisir. La course commencera vraiment au lever du jour… », assure son team.

UTMB 2017 : le couperet du Grand Col Ferret

Après l’ascension du Grand Col Ferret (km102) soumis à un vent tempétueux et à des chutes de neige qui ont rendu la progression dantesque, Walmsley et D’Haene passent en tête. Derrière, Jornet digère « un coup de moins bien » ressenti depuis Courmayeur. La longue descente vers la Fouly scelle le sort de l’Américain, transi de froid et victime de grosses ampoules. Ses arrêts prolongés à la Fouly, puis à Champex-Lac, le décrochent définitivement de la tête de course. Devant, les visages marqués de D’Haene et Jornet n’indiquent pas forcément une forme vraiment meilleure, mais leur plus grande expérience de la montagne et de la course va les avantager…

À Trient, l’avance de D’Haene sur Jornet laisse entrevoir une issue favorable au coureur français. Il l’emportera « C’était fabuleux. On était vraiment fatigués quand le jour s’est levé, mais il fallait en finir, raconte François D’Haene, désormais triple lauréat. Et là, ça s’est compliqué. Heureusement, il y avait du monde partout sur le parcours, malgré la pluie, pour t’encourager, c’était juste incroyable… Ce n’était pas forcément une bataille contre les autres, mais plutôt contre soi. Quand j’ai attaqué la descente du Grand Col Ferret, on ne voyait rien, on était gelés, on avait les jambes toutes dures. »

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Photo Damien Rosso / www.droz-photo.com

UTMB 2017 : l’hommage de Kilian Jornet

Beau joueur, Kilian Jornet, qu’on n’a pas l’habitude de retrouver sur la 2ème marche d’un podium, salue la prestation de son équipier de team. « C’était une compétition très dure, qui est partie vite tout de suite. Après Courmayeur, j’ai essayé de conserver un écart raisonnable avec François. À Champex, j’ai un peu récupéré, mais pas assez pour le rattraper François. C’était un super moment, une grande compétition entre nous. Je savais que François serait mon principal adversaire, il a toujours montré beaucoup de classe et de talent sur les longues distances, et il mérite largement cette victoire. »

Les États-Unis placent l’un de leurs représentants sur la 3ème marche du podium, en la personne de Tim Tollefson, toujours aussi à l’aise sur la fin de course. Il devance Xavier Thévenard, auteur lui aussi d’une belle fin de parcours, qui a repris Jim Walmsley dans le col des Montets et termine cette édition au pied du podium.

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Photo Damien Rosso / www.droz-photo.com

UTMB 2021 : le retour du rêve (et de François D’Haene)

L’édition 2020 a été annulé, mais l’UTMB 2021 a offert un spectacle de toute beauté. Tout était là pour que l’alchimie réussisse : la ferveur sans entrave du public, l’émotion des milliers de traileurs sur chacune des épreuves, l’entrain inoxydable des speakers, la musique envoûtante, la course en direct sur grand écran… Et un niveau de compétition inégalé dans la galaxie mondiale du trail.

Malgré les contraintes sanitaires, intégrées par toutes et tous, la fréquentation n’a pas été impactée à la baisse, et la liesse fut au rendez-vous. L’effet de la crise sanitaire se nicha plutôt dans le niveau plus faible de préparation des coureurs de milieu de peloton, ce que soulignent les observateurs aguerris. « On n’a pas eu plus d’abandons, mais la vitesse de progression des coureurs était plus lente cette année pour la masse du peloton. Et du côté de l’activité médicale, on a réalisé plus d’interventions qu’à l’accoutumée », expliquait alors Isabelle Viseux-Poletti, directrice de l’UTMB.

UTMB 2021 : la passe de 4 pour François D’Haene

6 semaines seulement après avoir remporté et établi un nouveau record sur la course américaine de la Hardrock 100, disputée à plus de 3 000m d’altitude, François D’Haene décroche son 4ème UTMB, après 20h 45mn de course. Lors des premières heures, il regarde les autres coureurs lancer d’incessantes banderilles. Lui reste dans son rythme, contrôlant ses adversaires tout au long du parcours. Tour à tour, les abandons se succèdent. Au cœur de la nuit, François D’Haene passe en tête avec l’autre grand favori désigné, son ami américain Jim Walmsley. Jim et François franchissent l’un dans la foulée de l’autre les cols du Bonhomme, de la Seigne et l’Arête du Mont-Favre.

Mais Jim a subi le rythme de François, maître de l’allure, et il décroche dans la dernière partie avant la base de vie de Courmayeur. À la sortie de cette base de vie, de l’autre côté du Mont-Blanc, en Italie, peu avant la mi-course, D’Haene compte 3 minutes d’avance. Plus personne ne le reverra. Jim Walmsley perd toute illusion dans la longue ascension du Grand Col Ferret et jette l’éponge. En arrivant en Suisse, le combat devenait franco-français, avec l’expérimenté François face à la jeune génération des ultra-traileurs, représentée par Aurélien Dunand-Pallaz et Germain Grangier.

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Photo Franck Oddoux

UTMB 2021 : 12 minutes d’avance à Champex, 15 à Chamonix

De l’extérieur, en regardant les images, personne ne se doutait que le grand François avait les jambes dures. Avec 20 minutes de retard à Courmayeur, et un peu plus encore à Champex, le tempo initial construit sur un chrono final de 19h50 devait être recalculé. Il allait falloir gérer cette fatigue. François s’avançait au bord du lac de la douce cité helvète avec une avance qu’il n’augmentera que de très peu jusqu’à l’arrivée.

Dans la montée des Tseppes, Mathieu Blanchard reprenait Germain Grangier pour compléter le podium. Venu à l’ultra en 2017, il aura effectué un apprentissage express de la distance. « Je n’arrive pas à réaliser, dira-t-il sur la ligne d’arrivée. Ce podium sur l’UTMB, c’était un rêve ; je ne pensais pas qu’il arriverait aussi tôt. Je suis sur une autre planète ! Tout s’est aligné aujourd’hui. J’ai eu l’impression de voler sur tout le parcours. Mon niveau d’énergie est resté constant et m’a permis de pousser tout au long de la course ! »

Quant à François D’Haene, il devient recordman de victoires, avec 4 unités : « Après un début de saison difficile, j’ai su me remotiver pour ce challenge. Cette victoire, je l’ai vraiment savourée, elle a été très dure à aller chercher. J’ai eu les jambes dures assez vite. Avant Courmayeur, on a bien joué avec Jim Walmsley, et il l’a payé. De Courmayeur à Champex, j’ai souffert. Ce fut une course vraiment intense. »

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Photo DR

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