Johann Baujard, la carte jeune
Transféré du team Elite Matryx chez Salomon en début d’année, Johann Baujard fait partie, à 24 ans, de cette jeune génération de traileurs qui a avant tout le goût de vivre « à fond » et d’apprécier chaque instant. 2e de la SkyRace des Matheysins 2022 derrière l’intouchable Sylvain Cachard, 5e Français et 22e au général au marathon de Zegama-Aizkorri, il fera partie des 4 meilleures chances tricolores au Marathon du Mont-Blanc fin juin. Découverte d’un pur talent !
ESPRIT TRAIL : Avant le trail, as- tu pratiqué un autre sport ?
Johann Baujard : Je viens du ski de fond, pratiqué de mes 14 à 20 ans sur le circuit national. Et avant, je faisais du ski alpin. Je suis venu tout naturellement au trail car j’ai vu que j’avais de bonnes capacités de coureur à pied et d’endurance pendant mes années de ski. Je me démarquais plus sur les cross et les trails en été, que sur les skis l’hiver. Au fil du temps, j’ai pris goût à la course et je me suis mis à courir de plus en plus, jusqu’à mes premières “vraies” compétitions en 2016. Mais chaque hiver, je fais quasi-exclusivement du ski alpinisme, aussi bien à l’entraînement qu’en compétition, avec seulement quelques footings de temps en temps.
ET : Qu’est-ce qui te plaît dans cette discipline ?
JB : J’aime parcourir la montagne, partir à l’aventure, sans être limité par des pistes damées. Je prends plaisir à concilier endurance, intensité et technique sur des courses de 2 à 4h. J’aime cette polyvalence, et la simplicité de me mouvoir en montagne sans matériel. Au collège et lycée en sport-études ski de fond, on faisait souvent des courses typées trail en été et à l’automne pour préparer l’hiver à haute intensité. Je me souviens du cross du collège en 2011, c’était un vrai trail court avec de bonnes montées et descentes, et peu de plat. J’avais gagné et je me souviens que c’était le graal de gagner ce cross du collège pour tout le monde !
ET : Quelles disciplines du trail-running préfères-tu ? Et pourquoi ?
JB : Je me passionne vraiment pour les formats de 2 à 4h. Ils regroupent pour moi toutes les composantes du trail : endurance, technique et intensité. Aucune autre discipline ne demande d’être aussi complet, et j’aime particulièrement cette polyvalence. J’aime aussi concilier le fight, l’adversité, avec la gestion de course (pacing, ravito…)
ET : Comment t’entraînes-tu ?
JB : Je m’entraîne tous les jours en privilégiant l’endurance, sur des entraînements entre 2 et 4h à intensité faible, en montagne, de préférence sur des parcours vallonnés, en single, avec des montées et des descentes pas trop longues. Cela représente environ 700h et 350 000m D+/D- par an. Je m’entraîne souvent seul, pour être à l’écoute de mes sensations et de l’environnement dans lequel j’évolue. En parcourant chaque jour la montagne dans différentes conditions, et en me fixant des objectifs, je reste motivé tout au long de l’année. Je trouve du plaisir dans toutes les conditions. Je n’aime pas la monotonie, j’aime que ça change ! J’ai un conseiller sportif, mais je suis très autonome dans mon entraînement, donc je lui suggère ce que je pense faire et il m’oriente si besoin.
ET : Dans quel état d’esprit abordes-tu une course ?
JB : Selon l’enjeu, c’est un mélange d’impatience et de stress. J’aime me répéter mon plan avant la course et avoir confiance en ce que je vais faire et en mes capacités. Ce que je redoute le plus au départ d’une course, c’est de passer complètement à côté, les sensations des mauvais jours où toute la course n’est que souffrance. Ça arrive rarement, mais quand ça arrive, tu t’en souviens longtemps ! Côté points forts, je me démarque en descente technique et je maîtrise particulièrement bien le format 2h. Je reste assez polyvalent malgré tout. Mes points faibles, c’est que je suis un vrai diesel, j’ai horreur des départs rapides ! Sans que ce soit de vraies lacunes, j’ai aussi envie de progresser à plat et en montée raide, et me perfectionner sur les gestions de courses de 4h.
ET : Quel est ton meilleur souvenir ?
JB : Mon meilleur souvenir sportif est la Skyrhune 2021. Je décroche une inattendue 2e place sur l’une des plus belles courses pour moi, en plus au calendrier des Golden Trail World Series cette année. Après tant d’envie et de travail pour décrocher cette première grosse performance internationale, c’était un moment ultra fort ! Réussir à concrétiser au plus haut niveau tout ce dont je me croyais capable lors de cette Skyrhune m’a donné le sentiment du devoir accompli, d’avoir enfin réussi à toucher mon rêve.
ET : Quelle a été ta plus grande déception ou plus grande souffrance ?
JB : J’ai connu une année de blessures compliquée à gérer en 2019, où je n’ai pas pu courir de la saison. Devoir ronger mon frein sur le vélo pendant que les copains faisaient des courses, ça a été difficile émotionnellement. Gérer un échec n’est pas une mince affaire ! Je prends le temps d’une remise en question: je réfléchis en profondeur pour trouver les raisons, ce qui explique l’échec, pour ne pas le reproduire. Ce sont souvent des moments incroyablement constructifs ! Je repense aussi à celui qui a été ma plus grande rencontre sur le plan humain, mon entraîneur de ski alpin quand j’avais 11 ans. C’est lui qui m’a donné envie de m’impliquer dans le sport, il m’a donné le goût de la compétition, de l’envie de progresser et de travailler.
ET : Quelles courses te vois-tu gagner à l’avenir ?
JB : D’abord le Marathon du Mont-Blanc d’ici un an. En me projetant plus avant, dans 3 ans, j’aimerais remporter le classement général des Golden Trail World Series. Pour plus tard, on verra… Je n’en sais encore trop rien, je laisserai peut-être évoluer mes envies vers d’autres formats de course.
ET : Quels sont tes loisirs ou autres passions ?
JB : Je lis, je joue du piano, je passe du temps avec des potes, je suis sur Netflix ! Mes goûts musicaux sont ultra larges, avec un penchant particulier pour le piano jazz. Mais je ne cours pas en musique, je préfère écouter la nature. Je m’intéresse aux autres sports et aux sciences de l’entraînement. Je suis aussi fils d’apiculteurs et je suis passionné par ces petites bêtes.
ET : Aurais-tu aimé être champion dans un autre sport ?
JB : Je pense que le biathlon m’aurait plu, l’association entre endurance et tir de précision. Ça en fait un sport fascinant. J’ai longtemps rêvé d’associer mes skis de fond à une carabine pendant mon adolescence, mais ça ne s’est jamais fait !
ET : Quels types de courses aimerais-tu voir se développer en France les prochaines années ?
JB : J’aimerais que les formats marathon se développent encore et attirent plus de coureurs et de public. Ce sont pour moi les plus belles courses, car elles restent très spectaculaires.
Interview réalisée par JMK parue dans Esprit Trail n°125
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