Rencontre avec Maxime Cazajous
Après Bertrand Lellouche, ultra aventurier, puis Cyrille Quintard, ultra photographe, voilà une autre des plus belles rencontres de nos derniers numéros, avec cet interview paru dans Esprit Trail n°106, et en préambule d’un prochain rendez-vous prévu dans Esprit Trail n°113 qui sortira en kiosque le 20 mai !
D’un naturel plutôt discret, Maxime Cazajous est un agitateur, de ceux qui n’hésitent pas à tenir tête à des Jim Walmsley, des François D’Haene ou des Benoît Girondel, sur les terrains techniques de la Diagonale des Fous, où il est monté sur le podium en 2018. Dialogue serein avec un traileur à l’accent du Sud, tombé amoureux de l’île de la Réunion. Un moment haut en couleurs et fort en émotions !

Esprit Trail :
Avant toute chose, parle-nous de cette 3ème place sur la Diagonale 2018 !
Maxime Cazajous : Je ne pensais pas, quand j’ai commencé le trail, qu’un
jour je ferai un podium sur la Diagonale des Fous. C’est l’aboutissement d’une
passion, mais aussi de beaucoup de sacrifices. Ça me procure forcément une très
grande satisfaction et beaucoup de fierté.

Esprit Trail :
Tu as longtemps animé les débats avec François D’Haene, tu as même pris un peu
de distance à un moment. Croyais-tu pouvoir gagner ?
Maxime Cazajous : Absolument
pas ! Je n’y ai jamais pensé, ni au départ, ni quand je me suis retrouvé
un peu plus devant. C’est ma façon de courir, j’aime être devant. Peut-être que
c’est parce que je suis davantage un coureur de 80km. Mais à ce moment, je savais
qu’il restait plus de 60km, c’était encore beaucoup trop long, et je savais
qu’à un moment il faudrait lever le pied.
Esprit Trail :
Ce n’est pas la première fois que tu tiens tête aux meilleurs sur la Diagonale…
Pourquoi partir aussi vite, si tu sais que ça ne tiendra pas ?
Maxime Cazajous : (Rires) Parce que la Diag, c’est
mythique pour moi ! J’y pense toute l’année, c’est mon objectif de la
saison. J’ai tellement hâte d’y être, qu’au départ je me sens grisé. Je sais
que je ne dois pas partir vite, je me le dis et me le répète… Mais une fois que
le départ est donné, c’est fini. Peut-être qu’un jour j’arriverai à ne pas
partir vite, à rester sage, peut-être alors que je ferai mieux en temps !
Mais c’est ma façon de faire, je ne suis pas trop du genre à calculer.
Finalement, je n’ai aucun regret, car si je n’avais pas fait ça, peut-être que
j’aurais pu faire 3ème, mais je n’aurais jamais couru avec Walmsley
ou D’Haene. C’est super enrichissant de courir avec des gars comme ça !

Esprit Trail :
Cette édition 2018 avait-elle un goût de revanche pour toi ?
Maxime Cazajous : Carrément ! L’objectif numéro 1
était d’arriver au bout. C’est bizarre que je dise ça comme ça… C’était
vraiment ce que je me répétais dès le début, et pourtant je suis quand même
parti devant… Mais une fois que c’est devenu dur, je ne voulais absolument pas
abandonner. Chaque année,
je viens avec ma famille, ils sont là pour me soutenir, et l’abandon a un goût
amer.
Esprit Trail :
En parlant de ta famille, tu es marié et tu as deux fils… Tu leur avais fait
une promesse avant la course, n’est-ce pas ?
Maxime Cazajous : La famille a une place importante
dans ma vie. C’est important pour moi qu’ils soient là sur les courses et que
l’on puisse vivre des moments comme ça ensemble. J’avais fait effectivement une
promesse à mes deux fils. Ils voulaient que l’on franchisse la ligne d’arrivée
ensemble, alors il fallait absolument aller au bout pour le faire !

Esprit Trail :
La Réunion semble avoir une place importante à tes yeux, pourquoi ?
Maxime Cazajous : J’ai participé 4 fois à la Diag (en
2015, 2016, 2017 et 2018, ndlr). Pour moi, c’est la plus belle course du monde.
C’est une terre de trail, l’ambiance des gens autour est incroyable, les
parcours sont magnifiques. Les cirques, le départ de nuit, ce moment sur le
front de mer de Saint-Pierre, tout est beau. En 2012, on y est allés en
vacances. On a fait de la rando, ça m’avait beaucoup plu. Je m’étais dit alors,
que le jour où je serai prêt à faire un ultra, ce serait celui-là !
Esprit Trail :
Penses-tu désormais être en mesure de la remporter un jour ?
Maxime Cazajous : Peut-être… Il faudrait pour cela que
je parte plus prudemment. Il va falloir que je m’y fasse, que j’apprenne à
rester en retrait, à m’économiser. 15mn de plus à Cilaos ça peut faire 30mn de
moins à la fin ! Je pense être capable, en gérant bien ma course, de
m’approcher des 24h, et sur une année où il n’y a pas une concurrence très
forte, ça peut passer. Je ne peux de toute façon pas changer fondamentalement
ma préparation, car j’y ai trouvé, je pense, un équilibre. Là où je peux
intervenir, c’est donc sur ma gestion de course, c’est primordial !
Esprit Trail : À
part la Diagonale des Fous, il y a d’autres courses qui te motivent ou tu
préfères rester discret le reste de la saison ?
Maxime Cazajous: J’ai quand même fait
2ème du 90km du Mont-Blanc l’année dernière. J’ai déjà remporté deux fois le 80km
du GRP, fini 3ème des Championnats de France de Trail Long, 4ème de la
Transgrancanaria, ce n’est pas si mal. Mais c’est vrai que je me considère
comme un coureur amateur. La famille est importante pour moi, mon boulot aussi.
J’ai des parents agriculteurs et je leur donne un coup de main sur
l’exploitation. Ça ne laisse pas trop de temps pour aller jouer dans les Alpes.
Je peux faire 2 ou 3 grandes courses par saison au maximum. Je choisis en
général des destinations un peu « vacances », pour que la famille
puisse en profiter aussi. Mais je fais pas mal de courses ici, dans les
Pyrénées, j’aime courir près de mon territoire. Ce sont des courses qui ne sont
pas très médiatisées et au final ça me va très bien !

Esprit Trail : Tu
n’as pas toujours fait du trail. Comment passe-t-on du rugby à 3ème sur le
Grand Raid ?
Maxime Cazajous : J’ai toujours aimé courir, même quand
je jouais au rugby (il était demi de mêlée, ndlr). Mon grand-père m’amenait beaucoup en montagne plus
jeune, il m’a transmis sa passion et je crapahutais beaucoup. À sa mort,
je me suis promis de remporter une course près de chez moi, la Corruda. C’était
en 2007. À l’époque je ne faisais pas de trail, je faisais du rugby et je
m’entraînais pour cette course ! Je voulais absolument la gagner. Du coup
en septembre, j’arrivais plus tôt sur le terrain pour courir pendant une heure
avant l’entraînement et me préparer.
Esprit Trail :
Et alors, tu l’as remporté cette course ?
Maxime Cazajous : Il y avait des noms assez prestigieux
qui venaient sur cette course, des anciens vainqueurs des Templiers, des
sportifs de renom. J’aurais tué pour la remporter. Ça n’a pas été facile, mais
je l’ai remportée 3 fois de suite ! En fait, quand tu le fais 3 fois de
suite, tu obtiens un trophée spécial. Je l’ai dédicacé à mon grand-père !
Esprit Trail :
Il y a d’autres courses qui te font rêver ?
Maxime Cazajous : Non ! Mon rêve
à moi c’est la Diag ! Il y a de belles courses dans le monde, c’est
certain. L’UTMB par exemple, je ne connais pas le parcours, alors je ne peux
pas dire si je serai compétitif ou pas dessus… Peut-être qu’un jour je m’y
essaierai. Mais je ne peux pas faire à la fois l’UTMB et la Diagonale. Et la
Diag c’est particulier. La seule chose qui me fait vraiment plaisir, c’est que
même si j’arrêtais de courir l’année prochaine, je serais déjà satisfait de
l’avoir courue à ce niveau-là !
Esprit Trail :
Justement, jusqu’à quand penses-tu courir ?
Maxime Cazajous: La course à pied,
j’en ferai toute ma vie, ça c’est certain. Après, à ce
niveau-là, tout dépend de mon équilibre, de la famille et du travail. Pour le
moment, ma femme et mes parents assument beaucoup pour les enfants. Demain si
ma femme me dit « stop », je comprendrai. Et puis si l’un de mes
parents tombe malade, ce sera compliqué aussi. Je compte reprendre
l’exploitation, et les deux activités ne seront plus compatibles. Le trail
reste la plus importante de mes activités secondaires. Tant que je peux en
profiter je le fais, et quand ça ne sera plus possible, je reviendrai à des
petits footings, juste pour moi.
Par Mickaël Mussard. Photos Hoka One One – P.Verticale-T.Nalet
Maxime Cazajous, en quelques lignes
-2007, 2008, 2009 : vainqueur de la Corruda, une course dans les Pyrénées qui lui tient à cœur.
-2011 : 12e au Grand Trail des Templiers
-2012 : remporte la Via Romana en Corse devant Dawa Sherpa
-2013 : 6e des Templiers
-2015 : participe à sa première Diagonale des Fous et remporte le GRP 80.
-2016 : 3e des Championnats de France de trail long et 4e de la Diagonale des Fous.
-2017 : 1er du GRP 80, 4e de la Transgrancanaria, abandonne sur la Diagonale des Fous.
-2018 : 2e du 90-km du Mont-Blanc, 3e à la Diagonale des Fous.
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