Jim Walmsley : « Une nouvelle victoire à l’UTMB serait un bonus !
Un an après son bras de fer avec Zach Miller et Germain Grangier pour devenir le premier homme américain à remporter l’UTMB, Jim Walmsley revient sur les sentiers du mont Blanc. Apaisé, le traileur de l’Arizona affirme que le plaisir de courir est cette fois son seul moteur. Même si réussir à remporter la Western States et la boucle de Chamonix la même année lui trotte dans la tête… Alors que le grand départ de l’UTMB 2024 approche, Stéphane Cugnier l’a rencontré.
Jim Walmsley : le défi du doublé Western States Endurance Run / UTMB
Après un été marqué par son retour et sa 4ème victoire sur la Western States Endurance Run, Jim Walmsley est désormais prêt à défendre son titre à l’UTMB. L’Américain de 34 ans se présente toutefois au départ de Chamonix dans un état d’esprit différent de l’an passé : le coureur de Flagstaff n’a pas axé sa saison sur le rendez-vous alpin, ni passé de longs mois en France à tenter de maîtriser les codes d’une course qui semblait se dérober à lui. Pourtant, l’Ultra Trail du Mont-Blanc le fascine toujours autant… Et une victoire lui permettrait d’être le deuxième homme à faire le doublé Western States Endurance Run / UTMB la même année, après Kilian Jornet en 2011.
Revenons un an en arrière… Comment se sont déroulés les jours et semaines qui ont suivi ta victoire à l’UTMB ?
Jim Walmsley : C’est difficile à exprimer. Il y avait une telle joie, un tel soulagement, mais aussi une telle surprise en voyant l’émotion que cela avait provoqué chez mes proches. J’ai ressenti un peu d’euphorie aussi, je pense. C’est la raison pour laquelle je me suis aligné sur le « Nice Côte d’Azur by UTMB 100K », alors qu’il aurait été plus prudent de laisser mon corps récupérer. J’avais le sentiment d’avoir atteint le summum de ce sport, mais immédiatement les gens me demandaient : « Et maintenant ? Quel est ton objectif ? » Cela m’a ramené sur terre. Même si, pour moi, la réponse était évidente. Après une victoire, on veut recommencer ! Un joueur qui gagne la Coupe du Monde de football veut revivre cette émotion.
Voir le documentaire passionnant sur la victoire de Jim Walmsley à l’UTMB 2023 ICI
Pourquoi avoir décidé de repartir vivre en Arizona plutôt que de rester à Arêches ?
JW : Nous ne sommes pas repartis immédiatement. C’était impossible car nous avons maintenant tellement d’amis en France. Mais il y avait un peu de mal du pays et le besoin de revoir ma famille. Jess (Jessica Brazeau, son épouse, NDLR) et moi sommes donc retournés à Flagstaff (Arizona) où nous possédons une maison.
Comment s’est déroulée la transition entre Arêches et Flagstaff ?
JW : Je n’ai presque pas perçu le changement car l’hiver en Arizona a été marqué par des chutes de neige inhabituelles. Je souhaitais commencer à me préparer tôt dans l’année pour la WSER et j’ai donc été contraint de faire beaucoup de séances sur route. Dans le cadre de cette préparation, je pensais m’aligner sur la Transgrancanaria 126 KM fin février, mais quelques petites blessures m’ont fait perdre mon rythme et ma forme. En mars, je suis retourné à Arêches pour aller voir François (D’Haene) et Simon (Gosselin), pour me relaxer et pour faire du ski de randonnée en haute altitude, tout en allant courir sur les sentiers à plus faible altitude. J’ai aussi consacré du temps avec l’équipe de développement de produits Hoka, à Annecy. Cela m’a permis de recharger les batteries, avant un été plus intense. J’avoue que je me suis un peu laissé porter. Je n’étais pas trop stressé ni en mode « s’entraîner, s’entraîner, s’entraîner » puisque mon calendrier de courses était vide. C’était une super remise à zéro afin de rentrer à Flagstaff en bonne santé pour penser à la Western States.
Cette période t’a aussi permis de présenter le documentaire consacré à ta préparation de l’UTMB 2023…
JW : Le projet avait commencé en 2021 à la signature du partenariat avec Wahoo. Nous avons commencé à filmer l’entraînement et les préparatifs pour les courses, mais le projet a évolué au fur et à mesure. Au départ, l’objectif était de réaliser une série de vidéos pour la chaîne YouTube de Wahoo. Après le succès des premières vidéos, Hoka s’est associé au projet. Et avec mon déménagement en France et la focalisation sur l’UTMB, l’idée a germé d’un projet plus important sur mon séjour là-bas. Je suis très heureux du produit final. Il est bien réalisé, et je trouve qu’il est important qu’il soit disponible gratuitement et sans publicité, pour que tout le monde en profite. Les critiques ont été très positives. Nous sommes tous fiers du travail accompli.
Le documentaire est-il fidèle à ta personnalité ?
JW : Totalement. Je suis généralement très décontracté, d’humeur légère, tout en étant sérieux dans le cadre de l’entraînement. Le film capte bien cet esprit. Il montre aussi que le déménagement à Arêches n’a pas été simple pour Jess et moi : le processus d’immigration pour le visa n’a pas été facile, et il était dur de s’éloigner de nos amis et de notre famille. Mais au final nous sommes très heureux d’avoir pu être acceptés en France et de vivre près de gens bienveillants.
Comment envisages-tu l’UTMB cette année ? Tu dis que la victoire n’est pas une priorité…
JW : Ma stratégie sera complètement différente. Elle sera plus proche de celle des années où je n’ai pas réussi à gagner l’UTMB. J’ai participé à la Western States avant d’aller à Silverton (Colorado) pour courir et aider François (D’Haene) et Ludo (Pommeret) sur la Hardrock 100. Et depuis le retour à Arêches, j’essaie d’intensifier mon entraînement, mais je ressens moins de pression. Après, la victoire est toujours une priorité ! (Rires.) Mais je veux profiter de l’entraînement et de la course sans ressentir le besoin de gagner l’UTMB à tout prix. Tout succès supplémentaire sera vraiment un bonus. La victoire l’an passé était vraiment significative. J’étais comblé. Je veux cette fois me concentrer sur le fait de réussir deux courses solides : la Western States et l’UTMB. Pour la première fois de ma carrière, j’espère réussir ce que je n’avais pas pu faire auparavant, à savoir terminer les deux. (Les deux fois où Jim Walmsley s’est aligné sur les deux courses, en 2018 et en 2021, il a remporté la WSER mais a abandonné sur l’UTMB, NDLR.)
Tu as souvent évoqué le fait de vouloir réaliser une course parfaite, sans trous d’air, à l’UTMB. Penses-tu pouvoir atteindre cet objectif ?
JW : J’ai une nature à vouloir tout contrôler, tout maîtriser, lors des courses. J’ai l’obsession de la préparation de mes affaires et de mon ravitaillement. Tout doit être calé à la perfection. Dès que quelque chose va de travers, je suis souvent déstabilisé. Cela m’est arrivé par le passé à l’UTMB car cette course vous sort de votre zone de confort et ne vous permet pas d’être en maîtrise. J’ai mis du temps à le comprendre et c’est pour cela que j’ai parfois abandonné. Mais j’ai compris – grâce à mes discussions avec François – que tout le monde avait des passages à vide dans des courses aussi longues, même Kilian, et que le talent d’un coureur était sa capacité à les gérer. (Jim Walmsley fait ici allusion au coup de mou qu’a connu Kilian Jornet en 2022 quand Mathieu Blanchard est revenu sur lui, NDLR.) L’an dernier, j’étais vraiment au plus bas dans la portion entre La Fouly et Champex, quand Germain m’a rattrapé, mais je pense qu’être parvenu à laisser passer l’orage montre ma maturité sportive. Je sais maintenant que j’en suis capable. Je pourrais le refaire. La course parfaite est une chimère. Je me concentre donc davantage sur le fait d’apprécier l’expérience de course, mais aussi l’inconfort.
Qu’as-tu retenu de ta préparation et de ta victoire l’an passé ?
JW : J’ai acquis énormément d’expérience lors de mon séjour dans les Alpes. J’ai progressé dans des domaines intangibles, en cherchant à comprendre la vie, la nature et les gens. C’était une leçon de simplicité et d’humilité. J’ai aussi revu tout mon système de préparation d’équipement avec le sac à dos et les bâtons. Cela sera à nouveau mon point fort cette année. Quant à mon rythme en montagne, il devrait rester le même. Je pense que d’une manière générale, mon séjour en France a permis d’améliorer ma « boîte à outils » de coureur d’ultra.
Quelle a été l’importance de tes amis français, et de François D’Haene en particulier ?
JW : Énorme ! Ils m’ont tous pris sous leurs ailes. Ils ont facilité mon adaptation. Toute la communauté trail running a été très accueillante et chaleureuse, de même que les coureurs de la Team Hoka. Simon (Gosselin) a été une présence bienveillante en permanence et son amitié m’a été précieuse chaque jour que j’ai passé en France, car je le savais toujours prêt à me donner un coup de main. En ce qui concerne François, son apport a été immense. Lorsqu’un gars qui a gagné quatre fois l’UTMB te donne des conseils, tu l’écoutes ! Mais au-delà des petits détails qu’il a su corriger intelligemment, il m’a donné du temps. Sa présence dégage quelque chose de rassurant, d’apaisant. Je lui serai toujours reconnaissant. Et le fait qu’il assure mon dernier ravitaillement m’a donné un coup de fouet pour terminer la course.
Après ton séjour en France, tu as à ton tour accueilli Simon Gosselin sur tes terres…
JW : Nous sommes devenus très proches ces derniers mois. Il est arrivé fin avril aux États-Unis, afin de se préparer pour la Western States. Nous avons pu nous entraîner en altitude dans le Colorado avant de revenir en Arizona. Il s’est préparé sur tous les terrains, que ce soit en Californie près du lac Tahoe ou dans l’Utah. Je lui ai fait découvrir les sentiers dans les hauteurs de Flagstaff. Nous avons aussi fait un entraînement thermique dans un sauna, une sortie longue par temps très chaud à Phoenix et plusieurs sorties de montées et descentes au Grand Canyon. Par le passé, je me suis souvent entraîné seul, uniquement concentré sur moi-même. Partager ces moments avec un ami proche comme Simon est très sympa. Être en phase avec quelqu’un, fixés tous les deux vers le même objectif, est une expérience que j’ai pu apprécier. Cela m’a aussi enlevé beaucoup de stress.
Pour finir, qu’as-tu pensé de la polémique lancée par Zach Miller et Kilian Jornet vis-à-vis de l’UTMB ?
JW : Je pense que cette histoire n’est pas très importante au final. Zach et Kilian ont tous les deux une grande admiration pour l’UTMB et ils doivent beaucoup à cette course. Ils ont essayé de susciter une réflexion collective sur l’état actuel de notre sport et sur ses perspectives d’avenir. Leurs intentions étaient bonnes, mais les moyens utilisés n’étaient pas les meilleurs. L’important est qu’un dialogue a pu naître de tout cela.
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Cette interview est parue dans le magazine Esprit Trail n°138 paru en juillet 2024.
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