Pour courir mieux, utilisez votre tête

TransAmericana Gates Photo DR

L’exercice d’endurance a toujours été lié au mental, et plus particulièrement à la méditation et à la pleine conscience. Aujourd’hui, les coureurs prennent cela au pied de la lettre. Et ça marche ! Car oui, pour courir mieux, vous devez utiliser votre tête. Illustration avec les ultra-traileurs Rickey Gates et Timothy Olson. Et nos conseils pour vous y mettre.

Effort et émotions négatives : les liaisons dangereuses

Vous avez sans doute déjà entendu parler des bienfaits de la pleine conscience. Vous avez forcément lu des articles sur le fait qu’elle est vectrice de clarté, d’énergie et de créativité… Et peut-être même vous êtes-vous mis à la méditation. Peut-être avez-vous adopté une routine matinale ? Ou téléchargé une appli ? Ou même visité un centre de relaxation ? Cette tendance, qui a commencé sur les tapis de yoga, a évolué et s’est popularisée, au point d’arriver chez les coureurs.

Ce que vous ignorez peut-être, c’est que la méditation est aujourd’hui une aide précieuse pour certains d’entre eux. En effet, quand on fait un effort stressant sur le plan physique, que l’on est seul face à nos pensées, si on laisse notre esprit divaguer, on a toutes les chances d’abandonner. Les études sont sur ce point formelles : laissez votre esprit vagabonder, et vous serez envahi par les émotions négatives.

Ces idées noires peuvent être générées par la course en elle-même (« C’est dur », « Je souffre », « Je n’y arriverai jamais », « Je ne me sens pas top aujourd’hui »). Et venir la gâcher. En effet, la course est souvent un exutoire, et les problèmes de couple ou les soucis professionnels peuvent venir la perturber. Quand on se concentre sur ces choses-là, la fréquence cardiaque augmente, les muscles se raidissent, et l’effort devient plus difficile. A contrario, quand on court et que l’on contrôle ses émotions, on évite de ruminer et on se concentre davantage sur la course. On peut ainsi faire de la course un travail à la fois physique et psychologique.

Courir mieux : comment fonctionne la pleine conscience

La mise en pratique de la course en pleine conscience n’est pas bien différente de l’image que l’on a de la méditation classique. Tout d’abord, il faut se fixer un objectif à chaque course. À chaque fois que l’esprit commence à divaguer, il faut se concentrer de nouveau sur cet objectif. Il peut varier. Ce peut être un objectif physique (faire attention à son souffle) comme quelque chose de plus général (s’assurer que la foulée est lente et rythmée dans le cas d’un footing de récupération). En revenant à cet objectif, on se reconnecte avec le corps durant l’effort plutôt que de laisser les pensées négatives entraver l’expérience.

Quand ces idées noires finissent par pointer leur nez (et c’est toujours le cas), la pleine conscience s’avère plus forte que la méditation traditionnelle. En effet, ce n’est pas comme si on pouvait fermer les yeux pour se concentrer. D’autant qu’il est difficile de se vider l’esprit en pleine course. C’est pourquoi il faut se focaliser sur le corps. Demandez-vous si votre souffle est court, ou saccadé ? Êtes-vous en train de ralentir ? Vos épaules sont-elles en train de s’affaisser ? Avez-vous l’estomac dans les talons ?

Soyez conscient de ce qui vous entoure. Synchronisez les inspirations et expirations à vos foulées. Par exemple, inspirez sur trois foulées, puis expirez sur deux foulées. En focalisant son esprit sur ces points, cela finit même par souligner les bienfaits de l’effort présent, comme le fait de profiter du paysage, ou la satisfaction de faire plus que si vous étiez resté dans votre canapé. Et ces petites astuces paient au fil de la course : vous vous détendez, et l’effort devient plus facile. En apprenant à vous relaxer durant ces moments de stress ou de défi, cela vous aidera à courir plus vite, et plus efficacement.

Courir en PLEINE CONSCIENCE
Travaillez votre cerveau pour courir mieux. Illustration DR

Courir en pleine conscience : ce que dit la science

Les scientifiques ont prouvé que les personnes qui pratiquent la pleine conscience jouissent d’un cortex préfrontal plus épais, plus fort et plus actif. C’est ce que l’on appelle la matière grise, celle qui est liée aux émotions, à la régulation et à la perspective. Pour les coureurs, cela permet de se détacher de pensées du type : « Je me sens ralentir » ou « Je sens que je vais abandonner ».

De plus, les personnes dont le cortex préfrontal est plus épais ont tendance à maîtriser la douleur et la difficulté plutôt que de les laisser prendre le dessus. Cela permet de remettre en perspective ce qui ne va pas sur votre course et de réduire les risques de blessure. Mieux encore, selon les chercheurs, la pratique de la pleine conscience aide les athlètes à discerner la douleur éphémère de celles qu’il ne faut pas ignorer.

Courir en pleine conscience : l’exploit de Rickey Gates

Rickey Gates est un coureur d’ultra-trail natif d’Aspen, dans le Colorado. Pour la petite histoire, c’est lui qui, en août 2012, a terminé deuxième de la Speedgoat 50K derrière un certain… Kilian Jornet. Mais l’Espagnol ayant pris des raccourcis, il perdit la prime de victoire qui revint alors à Gates. Kílian ne fut cependant pas disqualifié, car le règlement ne spécifiait rien à ce sujet.

En 2017, Rickey Gates, devenu ultra-traileur aguerri, décida de parcourir les États-Unis en courant afin de traverser des endroits qu’il n’avait jamais visités. Il courut ainsi près de 5 800 km et traversea 11 États en 152 jours, depuis la Caroline du Sud jusqu’à San Francisco. Parlant de son voyage, qu’il nomma « TransAmericana », Rickey est formel : c’est la pleine conscience qui lui a permis de ne pas se blesser. « En courant un marathon par jour, pendant près de cinq mois, je me suis rendu compte que le corps peut développer de mauvaises habitudes, dont la plupart peuvent être surmontées grâce à la pleine conscience. Tandis que je courais, je me demandais : “Est-ce que j’utilise tous mes orteils ?” ou “Mon buste est-il engagé ? Ai-je les épaules relâchées ? Ai-je la mâchoire serrée ?” »

Courir mieux GATES Photo DR
Rickey Gates lors de sa traversée des Etats-Unis. Photo TransAmericana / DR

Comment la pleine conscience a permis à Timothy Olson de gagner la Western States 100

Timothy Olson, autre coureur d’ultra-trail américain, va dans le même sens. Il affirme s’appuyer sur sa pratique quotidienne de la méditation pour faire taire les pensées négatives qui viennent lui embrumer l’esprit à mesure que ses cuisses s’endolorissent. C’est ce qui lui est arrivé au kilomètre 112 de la Western States 100, en 2012, une course qu’il a remportée. Plutôt que de se concentrer sur la douleur, Olson raconte s’être concentré sur son souffle et ses foulées.

« La pleine conscience, c’est avant tout un changement d’attitude quand on court. Il faut se forcer à s’éloigner de ses mauvaises habitudes. » Pour Olson, si l’on ne peut pas changer la distance que l’on doit parcourir, la pente des cols auxquels on doit faire face, ou la difficulté de l’effort à fournir pour arriver au bout, il y a une chose que l’on peut contrôler : la réponse émotionnelle. Et cela facilite les autres aspects de la course. Et n’est-ce pas là ce que tous les coureurs recherchent ?

Timothy Olsen photo Chad Johnson
Timothy Olsen lors de la Western States 100. Photo Chad Johnson

Courir mieux: 4 étapes pour adopter la pleine conscience ?

1/ FIXEZ-VOUS UN BUT

Il s’agit d’un objectif sur lequel vous concentrer quand votre esprit commence à divaguer. Cela peut être une émotion (comme la gratitude), un but spécifique (« Aujourd’hui, tu cours pour récupérer ») ou une partie du corps sur laquelle vous voulez axer votre esprit (les hanches, par exemple).

2/ FAITES DES CHECK-UP RÉGULIERS

Où ressentez-vous des crampes ? Avez-vous mal quelque part ? Les check-up vous aident à adapter votre course, à ralentir si besoin, ou à souffler davantage pour soulager les muscles. À terme, vous éviterez ainsi les blessures.

3/ AGISSEZ VITE SUR CE QUI VOUS STRESSE

Si vous vous rendez compte que vous stressez à propos d’un travail important à rendre, d’une échéance que vous ne pouvez pas payer ou que vous vous sentez frustré parce que vous avez une ampoule au pied, réorientez votre esprit sur le but que vous vous étiez fixé. Pensez à votre cou, vos épaules ou vos mains, et essayez de voir si vous les crispez. Si c’est le cas, détendez-vous.

4/ NE LAISSEZ PAS LES MAUVAISES ONDES ENTRAVER VOTRE FORME

Quand vous vous approchez d’une ascension abrupte, vous vous dites que cela va être dur. Soyez-en conscient, mais choisissez d’attaquer pleinement cette côte. Plutôt que de lutter pour arriver au sommet, concentrez-vous sur votre posture et prenez de profondes et régulières inspirations. Si c’est dans cet état que le corps travaille à haute intensité, il ne doit pas s’agir d’un état de panique.

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