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Courir et s’amuser, les secrets de longévité de Maud Combarieu

Maud Combarieu

Entre la Provence où elle a grandi, La Réunion où elle a vécu pendant 8 ans et découvert le trail et le Pays Basque où elle réside maintenant et enseigne – en basque ! – les mathématiques, Maud Combarieu a toujours eu la bougeotte. Et cette véritable pile électrique a une batterie qui semble ne jamais s’épuiser. Sa source d’énergie ? L’envie. Et ça marche ! Depuis sa première grande victoire sur le Trail de Bourbon dans le cadre du Grand Raid de La Réunion en 2010 à sa toute dernière victoire sur le grand format de la terrible Travesera Picos de Europa mi-juin 2025, elle n’a jamais arrêté d’enchaîner les performances. Confessions.

Esprit Trail : Tu vas avoir 47 ans le 15 août prochain, ta première victoire sur la scène internationale remonte au Trail du Bourbon, le format 100 km du Grand Raid de La Réunion, en 2010. 15 ans plus tard, tu continues de briller et gagner, comme début avril sur le format 60 km de l’Ultra Sierra Nevada ou encore mi-juin sur le format 74 km et 6560mD+ de la Travesera Picos de Europa, que tu avais également gagnée l’an dernier. Quel est ton secret de longévité ?

Maud Combarieu : Varier et prendre du plaisir. J’ai toujours fait ça. Et quand je dis varier, c’est autant les sports que les distances et les formats sur le trail. Je crois que c’est Thibaut Baronian qui avait dit « Pour pour garder le plaisir, il faut garder l’envie ». Il est impressionnant, car depuis des années et des années il fait toujours pareil, sur les mêmes formats, et je ne sais pas comment il fait pour garder cette envie ! Moi je ne pourrais pas faire la même chose pendant des années…

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Photo Urrullu Visual
Maud lors de la Travesera Picos de Europa, qu’elle a gagnée pour la seconde fois le 14 juin 2025. Photo Urrullu Visual

C’est pourtant la théorie de la progressivité très répandue chez les coachs : prendre le temps, maîtriser une distance avant d’aller sur du plus long, etc… Et Thibaut a attendu longtemps avant de faire enfin l’UTMB l’an dernier, alors que ça le faisait rêver depuis des années.

Maud Combarieu : Je sais, et moi aussi, quand j’habitais à La Réunion, on me disait que j’étais trop jeune pour faire le Grand Raid, alors que j’en avais envie. La progressivité est importante, parce qu’il y a une mémoire du corps. Quand tu fais une pause par exemple, tu ne reprends pas à zéro, les années se mettent les unes sur les autres, c’est comme ça que tu construis quelque chose. Mais sans faire de folie, en acceptant le fait qu’on a besoin d’un peu de temps pour que le corps s’habitue, il faut aussi savoir varier. Entre le moment où tu t’y mets et 4 ans plus tard, ton corps, il a déjà accumulé pas mal de trucs, tu peux passer à autre chose…

Comment as-tu dosé ta progression au fil du temps ? Avec un coach ?

Maud Combarieu : Oh non ! Tu sais, au siècle dernier, on ne parlait pas de coach ! (Rires.) C’est quand j’étais chez Hoka que ça a commencé, les coachs, vers 2010-2012. J’avais un niveau assez bon, j’avais fait 2ème de la CCC et les gens me demandaient si j’avais un coach et tout… Mais pour moi, c’était plus une charge mentale qu’autre chose. Mon équilibre, je le trouvais ailleurs, dans la montagne. Avant même de commencer à courir en montagne, je faisais de l’escalade et du ski de rando.

J’ai toujours aimé bouger, j’ai toujours eu beaucoup d’énergie à dépenser… Et je suis sûre que c’est cette multiplicité de pratiques qui m’a permis de progresser et de garder mon envie et ma passion intactes. Et je vais toucher du bois – mais alors du très bon bois -, je n’ai jamais été arrêtée par une blessure. En 21 ans !

Maud Combarieu Photo Jean-Benoît Roubinet
Quand Maud Combarieu ne court pas, elle prépare ses affaires. Inarrêtable… Photo Jean-Benoît Roubinet

Et ce n’est pas faute de prendre des risques, car il faut rappeler que tu as à ton palmarès un nombre incalculable de titres de meilleure descendeuse à la SkyRhune, qui était un piège à chevilles redoutable !

Maud Combarieu : C’est vrai, je pense que je les ai quasiment tous eus ! (Rires.) Mais il y en a un qui n’a pas été pris en compte, contre Blandine L’Hirondel, parce que je n’ai pas été bipée. Donc il m’en manque un ! Mais tu vois, ça me permet de revenir à la première question sur les secrets de longévité : je te disais qu’il y avait la variété et le plaisir. Eh bien les descentes, pour moi, c’est un jeu en fait. La course, c’est du plaisir.

J’ai toujours ce souvenir du pote avec lequel je courais beaucoup quand j’étais à La Réunion, je me cachais derrière les arbres, je courais d’un côté, j’allais l’emmerder de l’autre, j’étais une vraie gamine. Et ici, au Pays Basque, c’est un peu pareil avec les copains : on fait la course pour arriver au sommet, on s’amuse… Le fait que ce ne soit pas mon gagne- pain y fait aussi beaucoup, parce que j’ai d’autres choses, j’ai ma famille, j’ai mon boulot que j’aime

Quel regard portes-tu du coup sur la professionnalisation du trail aujourd’hui ?

Maud Combarieu : Ça met du stress pour la performance. Je n’ai pas ce stress-là et je n’en veux pas. Pour moi, la course est un plaisir personnel que je partage. C’est vivre. Et la vie, c’est le partage, la montagne. Et je n’ai pas l’impression que ce soit l’état d’esprit qui domine aujourd’hui dans ce milieu qui est axé sur la performance et rien que la performance.

Ça ne t’es jamais arrivé d’en avoir marre de courir et d’avoir envie de faire une pause ?

Maud Combarieu : Je n’arrive même pas à m’arrêter 3 jours, donc non, jamais ! (Rires.) Par contre j’ai plein de gens dans mon entourage qui ne sont pas des athlètes de haut niveau, des gens disons « lambda », qui quand ils se blessent ne savent plus quoi faire. Mais allez marcher en montagne ! Moi si j’ai un tendon qui me gêne, je vais marcher en montagne, je ne vais certainement pas essayer de recourir dessus ! Le cardio, je vais le bosser pareil et je vais laisser le tendon tranquille ! Ou alors je vais aller faire de l’escalade.

Mais ça, pour beaucoup, c’est pas clair ; ils vont se mettre la pression alors que si tu as autre chose que la course, tu n’auras pas la frustration de ne rien faire, tu n’auras pas le risque de reprendre trop tôt, ni l’impatience, et tu vas cultiver l’envie d’y retourner. Pour moi, ces notions de varier et de plaisir sont fondamentales !

Photo Jean-Benoît Roubinet
Maud Combarieu avec quelques membres du Team GlobeTrailers, parmi lesquels Christophe Le Saux, Antoine Guillon et Cédric Chavet. Photo Jean-Benoît Roubinet
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