Claire Bannwarth, l’ultra-performance sans langue de bois

CLAIRE BANNWARTH

Plus c’est long, plus c’est bon pour Claire Bannwarth. Cette Alsacienne de 34 ans enchaîne les ultras et le D+ comme d’autres enfilent des perles. Résultat : un été 2023 colossal parsemé de performances étourdissantes. Jugez plutôt : 5ème place sur la Hardrock 100, victoire au scratch sur le 200 miles Tahoe, FKT record sur le Colorado Trail, 16ème place sur l’UTMB… Au lendemain de sa course autour du Mont-Blanc, elle nous a reçus. Interview sans langue de bois, suivie de quelques textes « vivifiants » qu’elle publie sur son compte Facebook, sans faire dans la dentelle. À déguster sans modération.

Claire Bannwarth, c’est 35 heures d’entraînement par semaine, plus le boulot

Claire Bannwarth n’est jamais à court de batterie. « Lapin Duduracell », surnom que lui a trouvé son mari en référence au lapin de la célèbre pile, n’arrête jamais. Depuis janvier, cette Alsacienne de 34 ans a enchaîné 17 ultra-trails, décroché six victoires dont deux au scratch, le tout en bossant à plein temps pour une compagnie d’assurances. « Passer mes journées le cul vissé sur une chaise à remplir des tableaux excel, ce n’est pas ce que je préfère mais cela permet de payer mes dossards », résume la coureuse, qui cumule pour son plaisir 35 heures d’entraînement par semaine, alternant longues sorties tranquilles et séances intenses de spinning et de machine à marches en salle de sport pour manger du D+ (et des séries Netflix).

L’UTMB ? Trop court pour Claire Bannwarth !

Son nirvana ? Courir sans compter les heures ni fermer l’œil de la nuit. L’UTMB (170km et 9 000 m D+) est son dernier ultra, juste avant cette interview. Bouclé en 29h12, à la 16ème place féminine, 3ème Française derrière Blandine L’Hirondel et Aline Cocquard. « Assez contente car je termine pour la première fois en moins de 30 heures sans assistance, en gagnant 2h15 par rapport à l’an dernier. Mais ce n’était pas gagné au départ. J’ai d’abord eu un mal de bide de l’espace jusqu’au Grand Col Ferret, des cuisses en feu après Champex et puis je me suis payée une bête chute à 2 bornes de l’arrivée, qui m’a valu un point de suture », raconte-t-elle en souriant. Heureusement, plus de peur que de mal. Claire compte bien revenir tenter le ‘sub 27 heures’ autour de Chamonix.

En attendant, elle retourne sur le très très très long. « C’est moins fatiguant ! » L’explication est simple : « Mon rythme de croisière tourne autour de 8-9km/h. Cela fait 25 ans que je fais ainsi beaucoup de volume à faible intensité, ce qui m’évite de me blesser. Là, j’ai couru cet UTMB plus vite, dans de nombreuses sections, du coup j’ai choqué mes muscles bien plus qu’après une Montane Spine Race ! » (Chantier de 268 miles – environ 430km – pour 11 000 m D+ en Écosse qu’elle a remporté en janvier avec une 5ème place au scratch dans des conditions épouvantables.)

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Claire Bannwarth lors de l’Ultra Trail do Marao. Photo DR

Revenir à Silverton pour refaire la Hardrock 100

L’ultra-endurance (et au-delà) est devenue sa spécialité. Et son mois de juillet à la sauce « US » l’a comblée. Claire a cavalé sur toutes les montagnes du Colorado, signant un nouvel enchaînement ahurissant. Jugez plutôt : la Hardrock 100, le 14 juillet, pour commencer. Participer à cet ultra archi-select était un rêve pour cette traileuse non sponsorisée, elle qui pensait avoir 1% de chance d’être sélectionnée et a une nouvelle fois impressionné à l’arrivée. Le baiser au bélier après 34h51 d’efforts, 8 heures après de l’indétrônable Courtney Dauwalter.

Son bilan ? « Je n’étais pas assez bien acclimatée à l’altitude car je ne suis arrivée que six jours avant, n’ayant pas pu prendre davantage de congés. Étonnamment, tout s’est bien passé jusqu’au 110ème km. La suite a été plus compliquée. Durant la nuit, j’ai attrapé un gros rhume, j’avais beaucoup de mal à respirer avec un taux d’oxygénation très bas, à 82. Là-dessus, j’ai fait une bonne chute et cassé mes bâtons au 120ème km. Je me suis fait une belle frayeur mais concrètement renoncer n’était pas une option. Du coup, je n’étais pas à 100% de mes capacités et j’espère bien revenir à Silverton ! »

Claire Bannwarth, ou l’art de terminer un 200 miles devant tous les hommes

Cette Hardrock’n’roll n’était que le début des réjouissances estivales. « Quitte à exploser mon bilan carbone en allant aux États-Unis, j’ai rentabilisé le trajet. Comme je savais que je pouvais récupérer d’un 100 miles en une semaine, vu que j’avais déjà fait largement pire (Rires.), j’ai enchaîné le 21 juillet avec le Tahoe 200 miles Endurance Run. »

Cette fois, ce sont 330km et 11 000 m D+ autour du lac Tahoe, dans le Nevada. Avec au bout, la victoire en 62h23 et en prime une première place au classement général, malgré un rab de 20km suite à du temps perdu en jardinage. À chaque ultra, son lot d’imprévus…

Le meilleur restait alors pour la fin de son mois de vacances. Le 27 juillet, Claire s’est lancée dans un Fastest Known Time dingue (record sur une course en off) sur le Colorado Trail. Ce chemin mythique de 500 miles (800km) relie Durango à Denver en sillonnant 8 chaînes de montagnes. Elle conclut cette folle traversée en 9 jours et 3 heures, battant de 7h le self supported masculin (et le féminin de 5 jours).

Claire Bannwarth_Page Facebook
Claire Bannwarth / Facebook / DR

Le Colorado Trail, 9 nuits et l’aventure d’une vie

« Très clairement, c’est le truc le plus fou que j’ai jamais fait. Partir en totale autonomie avec un sac de 10 kilos sur le dos, livrée à moi-même, c’était incroyable. Je ne savais pas si j’allais être capable de me débrouiller toute seule. Il y avait des ours, je ne croisais pas grand monde à part quelques randonneurs en journée. C’était vraiment l’aventure. Je n’avais pas étudié à fond le tracé, juste les points de ravitaillement en eau et en nourriture au 150e km, 400e km et 600e km. En gros, je savais juste que j’avais un avion à prendre dix jours plus tard à Denver. »

Cheminant entre 85 et 90km par jour au cœur de paysages somptueux mais bien rugueux, l’ultra-traileuse de choc a pour la première fois touché du doigt ses limites. « À certains moments, je me suis demandée si je n’étais pas tombée dans un ravin tellement j’étais dans un état second. Je n’avais jamais vécu de telles sensations avant », explique-t-elle. Et d’embrayer : « Cette première expérience réussie me donne de bien belles idées de boucheries ultimes. Je me vois bien me lancer sur le GR10, le GR5 ou l’Hexatrek. Je sais déjà que je ne vais pas m’ennuyer durant les prochaines années. »

Finir la Barkley, le rêve ultime de Claire Bannwarth

En attendant, la jeune mariée se concocte une belle fin d’année. Prochain dossard le 7 octobre, pour le X-Ultra Tihio Race en Grèce (162km) puis le 21 octobre, elle participera au Big Dog’s Backyard Ultra, dans le Tennessee, et tentera de battre son propre record de France overall (61 tours pour 498km en 24 heures).

Ainsi va sa vie à courir derrière un seul but : « Devenir de plus en plus forte, prendre toujours plus de plaisir, et faire des trucs de plus en plus fous. » Son rêve ultime ? Devenir la première femme de l’histoire à venir à bout de la Barkley. Toutes les cases sont cochées, et le CV bientôt déposé dans le Tennessee. Wait and see.

Cet article est paru dans le magazine Esprit Trail N°133
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Claire Bannwarth à propos de son record perso sur les 24h de Brugg – Suisse (post du17 septembre 2023)

24h de Brugg 2023. Le 24h le plus « merdique » de toute ma vie !
234,5km, nouveau RP, pompélop ! Le lapin est content !

C’était pas vraiment prévu au programme de faire un 24h à un mois des championnats du monde de Backyard, mais bon, cela fait deux semaines que pour une raison inconnue je suis un poil énervée et je me suis dit que, comme d’hab’, la meilleure solution pour oublier tous ses problèmes est de courir à bloc pendant 24h…

Bon bah c’était bien chiant – j’ai littéralement passé 20h à faire Diniz sur Diniz (j’ai dû me changer 4 fois !) et à gérer une diarrhée de l’espace. Du coup, mal de bide, du coup, problème pour m’alimenter, du coup, beaucoup de moments « oups »… Bref une galère absolue. Mais au final les jambes étaient là et je n’ai rien lâché, et encouragée comme jamais pendant les deux dernières heures par un marichou monté sur roulettes je me suis arrachée pour au moins venir battre mon RP !

2 semaines après un UTMB en 29h, en mode arrache (me suis inscrite quatre jours avant), avec un taper quasi-inexistant, et surtout sans assistance, et avec ce léger problème bien handicapant qui m’a bien fait perdre rien qu’en temps d’arrêt 5km, et sous une météo bien chaude le samedi après-midi… il y a largement la place pour plus… Et maintenant la question n’est pas de savoir si je vais un jour dépasser les 240km mais quand ? Est-ce que ce sera sur la piste de Barcelone en décembre. Les paris sont ouverts !

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Photo Matias Novo / DR

Claire Bannwarth à propos de son exclusion de l’Équipe de France (post du 6 septembre)

Quel gâchis (parmentier) !
Pas de championnats du monde de 24h pour moi cette année, je suis virée comme une malpropre de l’équipe…
Mon tort : avoir pris mon pied sur un FKT et vouloir faire les championnats du monde Backyard 7 semaines avant la course…

Je suis forcément déçue, même si je m’y attendais, vu le nombre de mails anxiogènes que j’ai reçus depuis le début de l’année (dont le dernier trois jours avant l’UTMB, merci pour le timing) et que la numéro 1 de l’équipe s’est fait virer aussi… Bon, de toute manière cette année je ne suis pas dans la forme de ma vie, donc c’est pas très grave.Et on avait également aucune chance de médaille par équipe…

Bref, je vais pas perdre mon temps à écrire une tonne de synonymes du mot « débilos » et risquer de faire bannir mon compte Facebook ou à chercher à comprendre quoi que ce soit…

Libéréeeeee délivréeeeee (dédicace à qui de droit) je vais enfin pouvoir planifier ma fin d’année comme bon me semble, et il y aura de la borne en masse (la FFA en pls), et bien sûr un 24h en décembre, car je suis sûre que je peux dépasser les 240km cette année et vais pas arrêter mon sport à cause de ça. On réglera ça sur la piste de Barcelone, ça réduira de toute façon mon empreinte carbone.

Claire Bannwarth à propos de son UTMB 2023 (post du 3 septembre)

UTMB 2023. 29h12, 16e Femme, 135e scratch, je suis défoncée comme jamais, c’est dur le 100 miles quand tu le fais à bloc…
L’objectif de passer sous les 30h est enfin réalisé, pompélop !

Et pourtant c’était pas gagné, j’ai pris le départ avec un mal de bide de l’espace – j’ai d’ailleurs repeint tous les buissons à côté du sentier pendant les 18h premières heures de course. C’était clairement mon pire UTMB… Du coup, je n’ai pas pu m’alimenter correctement et l’ai payé sur la fin de course…

Malgré tout, j’ai bien envoyé jusqu’à Champex (je suis enfin repartie de Courmayeur avant le lever du jour et ai réussi à démonter la portion roulante entre Bertone et Bonatti, ainsi que le col Ferret et la longue descente vers La Fouly), mais une fois sortie du ravito du 125ème km, j’avais deux poteaux à la place des jambes (quadris défoncés) et plus trop de jus en montée. La fin fut donc longue, surtout que je n’ai vraiment pas kiffé le nouveau parcours dégueulasse… J’ai en plus réussi à me casser la gueule à 2 km de l’arrivée sur la portion la plus easy possible, ce qui m’a valu un beau point de suture à la tête et une énorme frayeur (heureusement, plus de peur que de mal).

Voilà, je suis à la fois contente – mis à part mon ventre, j’ai eu de très bonnes sensations niveau jambes jusqu’à Champex et améliore quand même de plus de 2h mon chrono de l’année dernière, en foutant au passage la misère à pas mal d’ « élites » (je devais avoir la 40ème cote ITRA au départ). le tout sans assistance, olé !

Et déçue – mes problèmes gastriques ont un peu limité le plaisir de ma course, et avec le bon entraînement un peu plus axé sur la vitesse je peux clairement mieux faire, et accrocher un Top 10, mais bon cette année, je me suis plus focalisée sur le volume dans l’optique de mon objectif de l’année prochaine.

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