Impliqué dans l’appel au « boycott » de l’UTMB 2024 avec Kilian Jornet, l’Américain Zach Miller, deuxième du Tour du Mont-Blanc en 2023 derrière Jim Walmsley et 6 fois au départ de la course (4 fois finisher, 2 abandons), est à l’origine de l’affaire. C’est en effet lui qui, dès le mois de décembre dernier, avait incité les athlètes élite à se retrouver sur une autre course que l’UTMB, dont il dénonçait l’emprise. Retour sur les origines de l’appel à « courir autrement », et zoom sur la TransGranCanaria 2024, qui avec un plateau rassemblant les meilleurs traileurs américains, Jim Walmsley et Courtney Dauwalter en tête, pourrait fort ressembler à la fameuse “course alternative” à laquelle aspirent Jornet et Miller…

L’appel au changement de Zach Miller qui a tout déclenché

Dès le 20 décembre 2023, Zach Miller a publiquement exprimé ses réserves concernant l’UTMB. Voici son post, qui a l’époque n’avait pas suscité de grandes réactions publiques. Il est néanmoins à l’origine de son rapprochement avec Kilian Jornet et de leur action commune pour appeler à trouver une course alternative à l’UTMB en 2024.

« Quand j’ai pointé du doigt Jim Walmsley cette année sur la ligne d’arrivée de l’UTMB, ce n’était pas prévu. C’était juste quelque chose que j’ai fait sur le moment. Je le montrais du doigt pour dire « Toi ! Tu l’as fait ! » Comme les inscriptions pour l’UTMB Mont-Blanc 2024 sont maintenant ouvertes, je me retrouve une fois de plus à pointer du doigt. Mais cette fois, je nous montre tous. Ce n’est pas un secret qu’il y a eu un drame autour de l’UTMB.

Nous avons vu beaucoup de changements au fil des ans. Les courses sont devenues beaucoup plus compétitives, l’argent des prix a été ajouté, le dépistage des drogues a été mis en place, l’attention des médias a augmenté et les sponsors ont afflué. Toutes ces choses sont de bonnes choses, avec lesquelles je suis d’accord. Bien sûr, nous n’avons pas besoin d’eux à TOUTES les courses de trail, mais j’ai l’impression qu’ils aident à faire grandir notre sport.

Cela dit, je pense qu’il est important que cette croissance se produise de la manière appropriée. Récemment, je crains que les choses tournent dans la mauvaise direction. Comme Ironman est de plus en plus impliqué dans le groupe UTMB, il semble que la croissance que j’ai mentionnée ci-dessus s’est également accompagnée de nombreuses bévues. Entre des processus de qualification controversés et ce qui semble être une tentative de monopolisation du calendrier des courses, beaucoup de personnes ont été froissées. »

Zach Miller Photo UTMB
Zach Miller à l’arrivée de l’UTMB 2023, pointant Jim Walmsley du doigt. Photo UTMB Group

Le poids des coureurs, l’appel à une mobilisation

« En tant que coureur, pousuit Zach Miller, il est facile de se sentir piégé, pris entre le fait de vouloir participer à l’UTMB et ne pas vouloir participer à une trajectoire que l’on estime négative pour le sport dans son ensemble. Mais nous ne sommes pas des souris. Nous n’avons pas à mordre à l’hameçon. Les bonnes choses qui arrivent et que j’ai mentionnées ci-dessus arrivent là où vont les coureurs. Et non seulement les coureurs élite, mais aussi les masses. En tant que coureurs et fans de trail, nous avons beaucoup de pouvoir. Ce pour quoi nous nous inscrivons, ce que nous représentons pèse lourd.

En tant que coureur, ce n’est pas tant participer à l’UTMB que je cherche, mais c’est participer à une course prestigieuse et hautement compétitive. Je ne pense pas que nous devrions avoir à sacrifier notre morale et le bien-être de notre sport pour trouver cela. La question n’est pas de savoir si c’est mal. La question est, est-ce que c’est bon ? Est-ce utile ? Si vous souhaitez essayer de trouver un autre moyen, notamment en vous engageant dans une autre course cette année, veuillez envoyer un courriel à another.way.to.run@gmail.com  »

Pour Zach Miller, il faut maintenant « agir » !

C’est dans un nouveau post Facebook publié le 24 janvier juste après le communiqué de l’UTMB Group consécutif à la réunion en visioconférence s’étant tenue entre Kilian Jornet, l’UTMB, Francesco Puppi et lui-même, que Zach Miller a repris la parole pour renouveler son appel à agir.

« Beaucoup d’entre vous ont probablement vu les déclarations publiées par l’UTMB Group, Francesco Puppi (en tant que membre du comité d’administration de la Pro Trail Running Association, sorte de syndicat des coureurs professionnels initié entre autres par Kilian Jornet et rassemblant de nombreux athlètes professionnels, NDLR) ) et Kilian Jornet concernant notre discussion sur l’UTMB. Je veux commencer par remercier tout le monde d’être venus ensemble de cette façon.

Et maintenant, j’aimerais prendre un moment pour partager mes pensées également. En décembre dernier, quand j’ai fait un post sur l’UTMB sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens m’ont contacté. L’une de ces personnes était Kilian. En parlant avec lui, nous avons découvert que nous avions des inquiétudes similaires au sujet de l’UTMB. Nos discussions ont conduit à un courriel que nous avons envoyé à un groupe restreint d’athlètes d’élite. Bien sûr, j’apprécie le soutien et les pensées de tous les athlètes, mais dans un effort pour garder les choses gérables, nous avons envoyé notre courriel à ce groupe sélectionné.

Le courriel demandait aux coureurs s’ils seraient intéressés à faire une course l’un contre l’autre lors d’un événement autre que l’UTMB, car Kilian et moi pensons que la présence des athlètes élite ou leur absence lors d’un événement est l’un des meilleurs moyens d’exprimer leur volonté de changement. Le courriel demandait également à ces athlètes ce qu’ils pensaient de cette situation et ouvrait une voie de communication.

En tant que coureur, ce n’est pas tant participer à l’UTMB que je cherche, mais c’est participer à une course prestigieuse et hautement compétitive. Je ne pense pas que nous devrions avoir à sacrifier notre morale et le bien-être de notre sport pour trouver cela. La question n’est pas de savoir si c’est mal. La question est, est-ce que c’est bon ? Est-ce utile ? Si vous souhaitez essayer de trouver un autre moyen, notamment en vous engageant dans une autre course cette année, veuillez envoyer un courriel à another.way.to.run@gmail.com  »

zach miller
Photo DR

Zach Miller : « Nous ne sommes pas là que pour discuter ! »

« Ce courriel a donné lieu à une discussion positive entre les destinataires de l’e-mail, et a provoqué beaucoup de débats sur Internet. Je pense que c’est une bonne chose, car il est important que les gens parlent. Si nous ne faisons pas cela, comment pouvons-nous faire des progrès dans la vie ? Hier, Kilian, Francesco et moi avons pu discuter avec l’UTMB Group. Ils ont écouté ce que nous avions à dire. Nous avons écouté ce qu’ils avaient à dire. C’était un bon premier pas et j’en suis reconnaissant.

L’étape suivante consiste à agir. Kilian et moi ne sommes pas là que pour discuter. Nous sommes là pour qu’il y ait du changement. L’UTMB nous a dit qu’ils travaillent pour le bien de la communauté de trail running. Nous espérons que nous pourrons travailler avec eux pour trouver une voie positive. Parler est en effet une bonne chose, et je suis reconnaissant pour ce premier pas, mais dans la course, nous ne faisons pas qu’un pas, mais beaucoup. Alors allons vers la prochaine étape. Aidons-nous les uns les autres à finir la course ! »

La TransGranCanaria 2024, course alternative pour l’élite américaine ?

3ème étape du tout nouveau circuit World Trail Majors, la TransgranCanaria, ses 126 km et 6800m D+ serait-elle cette fameuse course alternative évoquée par Zach Miller ? C’est en tout cas ce que l’on peut penser du côté des coureurs américains, au vu du plateau élite affiché. En effet, chez les hommes, seront au départ de cette épreuve née en 2003 (comme l’UTMB !) et qui a été intégrée à l’UTMB World Tour en 2014, avant de reprendre son autonomie, le gratin du plateau US. En premier lieu avec Jim Walmsley, Zach Miller et Dakota Jones, mais aussi Seth Ruhling, 6ème de la CCC 2023. Quant aux athlètes féminines, on y retrouvera là aussi la crème de la crème US, avec la reine Courtney Dauwalter en personne, tenante du titre. Difficile de faire mieux…

Courtney Dauwalter
Courtney Dauwalter, au départ de la TransGranCanaria 2024. Photo DR

TransGranCanaria : le problème du calendrier

Si cette épreuve, dont le départ sera donné le 23 février, s’annonce donc comme un « sommet du trail américain », elle intervient cependant très (trop?) tôt dans la saison pour constituer un rendez-vous mondial. Du moins pour bon nombre d’athlètes européens. Et particulièrement les Français. En effet, nombreux sont ceux qui coupent durant l’hiver et se tournent vers le ski-alpinisme, pour ne reprendre l’entraînement trail qu’en mars. Ainsi, définir une course alternative à l’UTMB permettant aux meilleurs mondiaux de se retrouver est aussi une question de calendrier. Et la fenêtre idéale pour tous semble bien se situer entre juin et septembre, sauf à bousculer les habitudes. Mais des coureurs français ont déjà réussi à s’illustrer là-bas. Comme Aurélien Dunand-Pallaz en 2021…

Alors, qui pour prendre la place de l’UTMB ?

TransGranCanaria
TransGranCanaria
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C’est reparti pour un tour ! Et c’est toujours avec plaisir que nous voyons arriver la 4ème saison de ce désormais incontournable festival pour les amoureux de trail. Cette année, le Nature Trail Festival part en tournée du 7 au 30 mars et propose 9 films d’exception, mettant en scène des athlètes aussi exceptionnels que Blandine L’Hirondel, Kilian Jornet ou la légende Anton Krupicka, mais aussi des courts métrages éblouissants. On vous raconte le programme.

Les films en exclusivité au programme du Nature Trail Festival 2024

L’envol – Blandine L’Hirondel

Réalisé par Romain Saubion. 26 min 30. En version française. En première mondiale

Après une saison flamboyante en 2022, Blandine L’Hirondel et Mathieu Masbernard, son compagnon, rencontrent Antoine Bonnefille-Roualet le fondateur et président de l’association Baskets aux Pieds. En pleine préparation de l’UTMB, ils décident de s’investir à ses côtés, en intervenant au sein des services pédiatriques. Leur engagement permet aux jeunes malades de s’échapper du monde hospitalier en vivant un voyage virtuel. Blandine et Mathieu vont notamment emmener Jules, un jeune adolescent en rémission, avec qui ils vont partager l’UTMB fin août.

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Blandine L’Hirondel lors de l’UTMB 2023, qu’elle terminera à la 3ème place. DR

La course en tête – Festival cut – Kilian 2022

Réalisé par Julien Raison, écrit par Aurélien Delfosse et Alexis Berg. 15 min. En version française

La victoire de Kilian Jornet lors de l’UTMB 2022 est au cœur de ce documentaire “La Course en tête – Festival cut” réalisé par Julien Raison pour L’Équipe Explore. En exclusivité, le plus grand traileur de l’histoire raconte depuis chez lui, en Norvège, les coulisses de son inoubliable victoire à Chamonix et de son duel avec Mathieu Blanchard. Encore une fois, avec Kilian, la petite histoire devient souvent la grande. Et à travers l’UTMB, se dévoile le portrait d’un sport qui change.

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Kilian Jornet lors de l’UTMB 2022. DR

Vers les sommets

Réalisé par Jean-Baptiste Bieuville. 16 min. En version française

Paul court depuis toujours. Lorsque sa vie se voit chamboulée par des changements profonds, il se lance un nouveau défi : découvrir le trail en montagne. Il passe donc tout un été à se préparer à la course des “Dents du Midi”. Au fur et à mesure de ses entraînements, il découvre que la montagne a bien plus à lui offrir qu’un simple terrain de jeu. Avec ce film, le collectif Evoq partage sa passion pour l’emblématique massif helvète mais aussi un point de vue qui se veut sans jugement et positif sur notre rapport à la nature. Ce documentaire est avant tout une invitation à voyager et à apprécier les richesses naturelles qui nous entourent.

Les autres films au programme du Nature Trail Festival 2024

Free to Run

Réalisé par Carrie et Tim Highman. 31 min. En version originale sous-titrée

Stephanie Case, avocate des droits de l’homme et fondatrice de l’ONG “Free to Run” est passionnée de trail. En 2021, elle se lance le défi ultime de sa vie : parcourir le Tor des Glaciers, une course de 450 km, en Italie. Mais, à quelques semaines du départ, sa vie prend un tournant inattendu, lorsque les talibans s’emparent de l’Afghanistan et menacent les droits des femmes, y compris ceux défendus par “Free to Run”. Face à l’incapacité des gouvernements à évacuer les membres de son équipe en danger, elle se met en mode “gestion de crise”, et trouve des solutions pour protéger les femmes et les jeunes filles de “Free to Run”.

Voir le film ICI

Return to Leadville – The evolution of Anton Krupicka

Réalisé par Billy Yang et Tony Hills. 18 min. En version originale sous-titrée

Après avoir surmonté ses blessures et pris le temps de découvrir la montagne autrement, Anton Krupicka est retourné à la “Leadville Trail 100”, la course qui l’a révélé il y a plus d’une décennie. C’est son premier ultra depuis 2015 ! Plongez dans cette histoire inspirante qui met en lumière la résilience, la passion et la transformation personnelle d’un coureur emblématique. Vous serez transporté dans l’univers fascinant d’Anton Krupicka, le coureur aux Ray-Ban qui défie le temps et relève tous les challenges.

Voir le film ICI

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La légende Anton Krupicka. DR

Trailbound Alaska

Réalisé par Max Romey. 26 min. En version originale sous-titrée

Le réalisateur et artiste peintre Max Romey nous entraîne dans une redécouverte nostalgique des paysages de son enfance, en Alaska. Après être tombé sur une ancienne carte de ce territoire, il s’aventure sur un sentier oublié, dévoilant ainsi son histoire sauvage. Équipé de son carnet de croquis et de sa paire de baskets, il entreprend, pour la première fois depuis des décennies, de retrouver les chemins autrefois très fréquentés du “Southern Trek”, la route historique de la célèbre Iditarod Trail en Alaska.

Voir le film ICI

Les courts métrages au programme du Nature Trail Festival 2024

Tempo II – Movements in Jungle

Réalisé par Thomas Woodson. 6 min. Version originale sous-titrée

Tempo II, c’est une exploration des émotions à travers la musique et les montagnes. Le film, qui a pour décor la plus grande jungle urbaine du monde, à Rio de Janeiro, explore la rencontre des percussions brésiliennes et de la course à pied. On suit Odin, traileur et batteur local, à travers ses collines natales et ses groupes musicaux, avec en toile de fond, la richesse des paysages et des saveurs locales. La réalisation de ce court métrage, remarquable, mélange musique et mouvement. Un film unique, absolument magnifique.

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Into the Jungle. DR

For The Love Of Mary

Réalisé par Kirk Horton et Simon Perkins. 6 min 17. En version originale sous-titrée

La première fois que George Etzweiler, un coureur de 97 ans, a terminé l’ascension du plus haut sommet du nord-est américain, le mont Washington, il avait 69 ans. Aujourd’hui équipé d’un stimulateur cardiaque, cet habitant de State College, en Pennsylvanie, continue pourtant de participer à cette course exténuante de 7,6 miles et 1500 mètres de dénivelé positif, battant chaque année son propre record… du plus vieux coureur en course. Outre son short vert porte-bonheur, George porte quelque chose de spécial et de précieux avec lui : le souvenir de sa femme Mary, décédée à l’âge de 68 ans.

The Best Way To Go Down A Hill

Réalisé par Max Romey. 4 min. En version originale sous-titrée

Quelque part en Norvège avec son ami Stian Angermund, champion du monde de trail court à Innsbruck en 2023, Max Romey immortalise à travers ce court métrage la joie de courir dans la neige. Comme des enfants, les deux acolytes s’en donnent à cœur joie…

Toutes les dates du Nature Trail Festival 2024

BRUXELLES 7 MARS 
MENDE 8 MARS
LIEGE 8 MARS
AVIGNON 9 MARS
NANCY 11 MARS
PERPIGNAN 11 MARS
CASTRES 12 MARS
STRASBOURG 12 MARS 
BESANÇON 13 MARS
TOULOUSE 13 MARS
DIJON 14 MARS
PAU 14 MARS
BAYONNE 15 MARS
CLERMONT-FERRAND 15 MARS
BORDEAUX 18 MARS
SAINT-ÉTIENNE 18 MARS
LA ROCHELLE 19 MARS
LYON 19 MARS
GENEVE 20 MARS
NANTES 20 MARS
ANNECY RUMILLY 21 MARS
LORIENT 21 MARS
BREST 22 MARS
CHAMBÉRY 22 MARS
GRENOBLE 25 MARS
RENNES 25 MARS
CAEN 26 MARS  
GAP 26 MARS
MARSEILLE 27 MARS
TOURS 27 MARS
NICE 28 MARS
PARIS 28 MARS
AIX-EN-PROVENCE 29 MARS
LILLE 29 MARS
MONTPELLIER 30 MARS

Pour plus d’informations et réserver vos billets, c’est ICI

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DR
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Vice-champion de France de trail court en titre, en bronze par équipe aux championnats du monde de trail court à Innsbruck, Loïc Robert, 25 ans, originaire d’Oloron-Sainte-Marie, en Midi-Pyrénées, est un des deux leaders de la toute nouvelle Kiprun Team Trail annoncée début janvier 2024. Son format de prédilection : entre 30 et 40km. Mais ce jeune athlète revient de loin, un accident de la route en 2017 l’ayant laissé 3 mois dans le coma. En 2023, tout juste titré, il s’était confié à Simon Chrétien. Interview rétrospective.

Depuis combien de temps pratiques-tu le trail ?

Loïc Robert : Ça fait longtemps que j’ai découvert le trail. Quand j’étais plus jeune, je faisais d’abord du foot. Mais l’été, par chez moi, les villages organisaient des petites courses. Elles se déroulaient dans l’esprit des fêtes de village avec un sentier créé pour l’occasion qui monte et qui descend tout droit sur 3 à 7 km. Comme j’avais 13-14 ans, je me faufilais au sein du peloton pour prendre le départ sans me faire attraper. Même si je n’étais pas classé, je finissais toujours bien placé.

Ensuite, vers mes 15 ans, je m’y suis mis plus sérieusement en intégrant un club, mais je courais surtout avec les copains, sans vraiment de cadre. En 2017, j’ai vécu un accident de la route qui m’a laissé trois mois dans le coma. Ça a été un peu le déclic qui m’a fait comprendre ce que je voulais vraiment. C’est le début des choses sérieuses. C’est à ce moment-là que je me suis mis à viser les différents championnats et les courses qui m’attiraient.

Loic Robert vice-champion de France Photo Justin Galant
Loïc Robert lors des Championnats de France de trail court 2023. Photo Justin Galant

Après quelques beaux résultats sur des courses locales, tu as vécu une année 2022 assez incroyable, en remportant la Skyrhune notamment, une course mythique !

Loïc Robert : En effet, en terminant les courses locales aux premiers postes, ça m’a motivé à voir plus loin. La Skyrhune c’est une course du circuit Golden National avec la présence des meilleurs coureurs. C’est vraiment une course qui me tenait à cœur, sachant qu’elle se dispute à une heure de chez moi et que tous mes amis étaient présents sur place ! J’en avais fait mon objectif principal de l’année.

J’avais envie de performer et je savais que je pouvais jouer une belle place, mais pas forcément la remporter et encore moins avec ce chrono (1h52). Surtout qu’en juin, j’avais terminé deuxième du championnat de France de course en Montagne à Arrens-Marsous. La course était organisée par mon club, l’Esclops d’Azun, c’était incroyable. C’est là que je me suis dit que j’étais vraiment en forme.

Tu as décroché le titre de vice-champion de France de trail court, derrière Thibaut Baronian et devant Thomas Cardin et Sylvain Cachard, des pointures. Ça fait quoi ?

Loïc Robert : Ça m’a d’abord surtout permis de prendre confiance en moi, car j’en manque un peu. J’avais changé de préparation durant l’hiver avec mon nouvel entraîneur (Adrien Séguret, sélectionneur de l’équipe de France, NDRL). J’avais notamment fait quelques cross et travaillé la vitesse sur le plat, ce qui m’a permis de beaucoup progresser dans ce domaine. J’ai été très surpris de mon résultat, mais surtout très content. Tous les efforts et sacrifices de l’hiver ont payé.

Loic Robert Thibaut Baronian championnat de France 2023 Photo Justin Galant
Loïc Robert félicité par Thibaut Baronian à l’arrivée des Championnats de France de trail court 2023. Photo Justin Galant

Ta qualification pour les championnats du monde, c’était une sorte de consécration !

Loïc Robert : Oui, l’équipe de France, quand on aime la compéte, c’est un rêve. C’est très dur d’y arriver, cela demande beaucoup de sacrifices. J’avais déjà été sélectionné en 2022 pour les championnats d’Europe de course en montagne, mais j’avais raté ma course. Cela apporte beaucoup d’expérience, surtout quand tu partages ta chambre avec Julien Rancon.

En 2022, je n’avais pas souhaité tenter ma chance pour aller aux mondiaux (de Chiang May, en Thaïlande, NDLR) car je visais vraiment la Skyrhune. Mais quand j’ai vu les résultats de l’équipe de France, ça m’a fait un petit pincement. C’est pour ça qu’en 2023, c’était devenu mon objectif principal. D’autant plus qu’avec Thibaut, Thomas, on avait une équipe incroyable.

(Loïc Robert a terminé 4ème Français, à la 21ème place, déçu de sa course mais n’ayant pu faire mieux car il ne se sentait pas en forme, douleurs aux jambes. Néanmoins, avec les résultats de Thibaut Baronian, Frédéric Tranchand et Thomas Cardin, la France a décroché la médaille de bronze par équipe, derrière le Royaume-Uni et l’Italie.)

Loic Robert Innsbruck Photo Philip Reiter
Loïc Robert lors des Mondiaux de trail court Innsbruck. Photo Philip Reiter

Comment t’entraînes-tu au quotidien, sachant qu’à côté de ta passion, tu es aussi boulanger ?

Loïc Robert : Alors, je suis un boulanger un peu feignant (rires) car j’ai choisi le poste de tourier, c’est-à-dire que je m’occupe des viennoiseries. Cela me permet de ne travailler qu’en journée. Depuis mars, j’ai aussi décidé de ne travailler que deux jours par semaine, en espérant être sponsorisé par une marque et un team. Avant cela, je travaillais sur quatre jours et c’était : entraînement à 6h, boulot, de nouveau entraînement, manger et dodo. Je ne me plains pas, car j’aime ça.

Ce qui me plaît ce n’est pas que la finalité, c’est aussi toute la préparation qu’il y a derrière. Après, je continuerai toujours à pratiquer mon métier pour garder un équilibre, voir d’autres choses et d’autres personnes et de ne pas m’enfermer uniquement dans le monde de la course à pied.

Quel est ton terrain de jeu préféré ?

Loïc Robert : La Vallée d’Aspe. J’adore car c’est une vallée sauvage où il y a peu de monde. Ce n’est pas très haut en altitude, mais il y a toutes sortes de terrains : du roulant du technique, du raide, c’est très complet et en plus, j’ai des amis bergers tout là-haut !

Kiprun Team Trail, un projet d’avenir

La marque Kiprun (Decathlon), qui compte depuis 3 ans une des meilleures équipes féminines au monde avec entre autres Blandine L’Hirondel et Clémentine Geoffray, a décidé de constituer une team trail masculine composée de six hommes. L’équipe sera dirigée par deux coureurs, Thomas Cardin et Loïc Robert, et comptera également dans ses rangs Pierre-Arnaud Bourguenolle, Loïc Rolland, Fleury Roux et Gwendal Moysan. Thierry Breuil, le Team Manager, explique que les garçons auront carte blanche quant à l’organisation de leur saison, avec simplement une « incitation » à être présents sur les championnats de France de Trail, l’UTMB et le Festival des Templiers, « les trois événements majeurs où l’on souhaite avoir de la visibilité ».

Kiprun Trail Team
Thomas Cardin, l’autre leader de la Kiprun Trail Team
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Il existe des trails qui marquent les esprits par leur difficulté, d’autres par leur beauté. Le Trail des Marcaires, dont la prochaine édition aura lieu le 9 juin, fait partie de cette deuxième catégorie. Les parcours, unanimement salués comme « exceptionnels » par les coureurs, vous feront voyager dans une Alsace pleine de charme. Au menu, vallées, lacs et parcours en crêtes avec des vues de cartes postales tous les kilomètres. On vous embarque en reconnaissance sur les spots les plus emblématiques de ce trail vosgien.

Trail des Marcaires : un grand parcours pour les plus aguerris

La plus longue distance, le Trail des Marcaires, ses 63 km et 3000m D+, entraîne les coureurs sur le tour de la vallée de Munster. Il débute par la vallée de la Wormsa et les lacs du Fischboedlé, du Schiessrothried et de l’Altenweiher, véritables joyaux du massif. Le parcours passe par le Hohneck, 2ème plus haut sommet des Vosges, et chemine par les crêtes vosgiennes, offrant une vue à 360 degrés et un magnifique panorama sur la vallée et les Alpes suisses. Un spectacle grandiose.
Départ dimanche 9 juin à 6h00

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Photo Nicolas Fried / Alsace en courant

Trail des Marcaires : 2 autres parcours plus accessibles

Le Défi de Muhlbach est la seconde épreuve, 32 km et 1680m D+. Le tracé emprunte également la vallée de la Wormsa pour atteindre les lacs du Fischboedlé et du Schiessrothried. L’ascension continue jusqu’au Hohneck, point culminant de la course. Le tracé se poursuit sur les crêtes vosgiennes avant de redescendre en direction du lac d’Altenweiher par une descente assez technique. Le parcours remonte alors vers le Koepflé, une nouvelle petite bute, en suivant un petit sentier technique par endroits. Il plonge ensuite droit dans la pente (très raide) sur Mittlach pour un ravito. Ne reste alors qu’à reprendre la direction de Sondernach pour se diriger vers l’arrivée. En n’oubliant pas les deux raidillons finaux…
Départ dimanche 9 juin à 8h30

Si la P’tite Course des Marcaires ne fait « que » 12 km et 600m D+, elle n’est pas si facile que ça. Le parcours emmène les coureurs juste en dessous du Petit Ballon, vers l’Ilienkopf, par les sentiers et chemins pour grimper jusqu’au cimetière allemand. On trouve encore sur ce site de nombreux vestiges d’installations et blockhaus allemands de 1915 à 1918. De l’Ilienkopf, le tracé emprunte un parcours parallèle à celui du 54 km et 32 km pour boucler la course et rejoindre Mulbach. Un vrai petit trail court mais costaud.
Départ dimanche 9 juin à 9h

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Photo Nicolas Fried / Alsace en courant

Trail des Marcaires : les points remarquables des 2 plus grands parcours

La vallée de la Wormsa

Avec ses crêtes en forme de cirque, ses versants abrupts et rocailleux, ses moraines et ses lacs, la vallée de la Wormsa résulte du travail d’érosion d’un glacier vosgien à l’ère quaternaire. Ce site naturel classé est niché dans la Grande Vallée de Munster, au pied du massif du Hohneck et du Kastelberg. Avant les grandes guerres, la vallée de la Wormsa abritait une usine de textile dont le fonctionnement était assuré par la rivière de la Fecht. C’est elle qui permettait la production d’électricité pour faire fonctionner l’usine. Celle-ci a été détruite durant la Première Guerre mondiale. Depuis 1914, la nature a complètement repris ses droits et constitue une réserve naturelle d’exception en Alsace.

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La Vallée de la Wormsa. Source Visit Alsace / DR

Le lac du Fischboedlé

Premier des lacs rencontré sur le parcours du Trail des Marcaires et du Défi de Muhlbach, le lac du Fischboedlé est le plus petit des lacs vosgiens. Il se situe à 794 mètres d’altitude au-dessus de la vallée de la Wormsa. Un pierrier se déversant dans le lac et lui donne un caractère alpestre. Il a été endigué au début du 19ème siècle pour soutenir les débits de la Fecht durant les périodes estivales, et ainsi alimenter l’usine. Son nom signifie « étang à poissons ». Et, effectivement, de nombreux pêcheurs viennent y passer la journée.

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Le lac du Fischboedle. Source Visit Alsace / DR

Le lac du Schiessrothried

Après le lac du Fischboedlé, les concurrents du Trail des Marcaires et du Défi de Muhlbach atteignent le lac du Schiessrothried. Situé à 930 mètres d’altitude entre les Spitzekoepfe et le pied du Hohneck, ce petit lac d’origine glaciaire n’était à l’origine qu’une tourbière sur-creusée. Cette tourbière n’est réellement devenue un lac que grâce à l’édification d’un petit barrage très discret, ce qui peut faire croire qu’il est d’origine naturelle. Comme pour le lac du Fischboedlé, l’objectif du barrage était de réguler le flot des eaux vers les usines de textile et les scieries de la vallée de Munster.

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Le lac du Schiessrothried. Source Visit Alsace / DR

Le lac de l’Altenweiher

Troisième lac que découvrent les concurrents du Trail des Marcaires et du Défi de Muhlbach, le lac de l’Altenweiher se situe au fond de la vallée de Mittlach, à 926 mètres d’altitude. ll est entouré des sommets du Kastelberg et du Rainkopf. Son nom, le « vieil étang », vient du fait qu’il a pour origine une digue droite de 112 m de long sur 15 m de haut construite de 1886 à 1889 alors que l’Alsace était sous administration allemande. Mis en eau pour la première fois en 1894, il a été installé à l’endroit d’une ancienne tourbière naturelle, aujourd’hui noyée. Comme pour les autres lacs, ce barrage a permis dès la fin du XIXème siècle d’apporter de l’eau à la Fecht en été pour éviter que la rivière ne tombe à sec.

Il existe une légende autour ce ce vieux lac. On dit que « le randonneur silencieux peut observer, par une nuit de pleine lune, vers minuit, le chariot d’or surgissant du fond des ondes sombres et bouillonnantes de l’Altenweiher. Ceux qui ont vécu ce phénomène extraordinaire ont toutefois été touchés de troubles qui ne leur permettent pas de rapporter cette mystérieuse apparition dans notre langage habituel. »

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Le lac de l’Altenweiher. Source Visit Alsace / DR

Le Hohneck

Deuxième sommet du massif des Vosges avec 1364 m d’altitude, le Hohneck est le point culminant des parcours du Trail des Marcaires et du Défi de Muhlbach. Il surplombe la ligne de crêtes qui sépare l’Alsace de la Lorraine. Bordé par deux cirques glaciaires (Frankenthal au nord et Wormspel au sud), il abrite une flore rare. Ses pentes douces accueillent en été les troupeaux de vaches vosgiennes tandis que les pentes rocheuses en font le paradis des chamois. C’est un lieu remarquable qui offre un panorama exceptionnel sur les vallées alsaciennes, les Hautes Vosges, la Forêt Noire. Par temps clair, il est même parfois possible d’apercevoir les Alpes. Le ballon voisin, situé à 1,5 km à l’est et culminant à 1288 m, est dénommé Petit Hohneck.

Hohneck Photo Tourisme Vosges : DR
Montée vers le Hohneck et son dôme observatoire. Photo Tourisme Vosges / DR

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Indirectement impliquée dans l’affaire de l’appel au boycott de l’UTMB 2024 par Kilian Jornet et Zach Miller, la Pro Trail Runner Association (PTRA, créée entre autres par Jornet fin 2022) a participé mardi 23 janvier à une réunion de crise en visio entre les dirigeants de l’UTMB, Kilian Jornet et Zach Miller. L’Italien Francesco Puppi, membre du conseil d’administration et co-fondateur de la PTRA, en a divulgué la teneur, dans un souci d’apaisement généralisé très politiquement correct. Nous vous proposons ce dernier regard sur l’affaire, en guise de conclusion.

Affaire UTMB / Kilian Jornet : la PTRA au centre du débat

Même si elle n’était pas directement nommée, la Pro Trail Runners Association (PTRA) s’est vite retrouvée soupçonnée d’être associée au mouvement de contestation de l’hégémonie de l’UTMB lancé par Kilian Jornet et Zach Miller. Créée il y a un an, composée de coureurs de trail professionnels et ayant précisément pour objectif de préserver les valeurs du trail et l’intérêt des athlètes, la PTRA a en effet été co-créée par Kilian Jornet lui-même. Dès lors, aurait-il agit en nom propre ou au nom de la PTRA ? Francesco Puppi, membre du conseil d’administration et co-fondateur de ce « syndicat » des traileurs professionnels, a tenu à mettre les choses au point.

Quels sont les objectifs de la PTRA : voir notre article ici

Affaire UTMB / Kilian Jornet : les raisons de la colère

« Il y a quelques jours, a expliqué Francesco Puppi, Zach Miller et Kilian Jornet ont écrit aux meilleurs athlètes du classement UTMB 100 miles pour savoir ce qu’ils pensaient d’une série d’événements survenus ces derniers temps dans notre univers de course à pied, et particulièrement tout récemment. Pour donner quelques exemples :

– comment se positionnent-ils aujourd’hui par rapport au partenariat avec Dacia ? (Pour rappel, ce partenariat avait suscité au moment de son annonce le mécontentement des athlètes élite, qui avaient soulevé publiquement la question environnementale, ce qui avait conduit à une série de réunions avec l’organisation elle-même, NDLR.)

– Que pensent-ils de l’affaire de la course de Whistler ? (Il y a eu des controverses concernant la création de cette course canadienne labellisée UTMB dont la première édition aura lieu en 2024, en lieu et place d’une autre course qui a du coup disparu, NDLR.)

– que pensent-ils du licenciement de la commentatrice de la diffusion live des courses Corrine Malcolm ? (Celle-ci a déclaré avoir été licenciée en décembre 2023 par l’organisation à cause de ses déclarations sur divers aspects relatifs à son activité au sein de l’UTMB Group, NDLR.)

Une série d’éléments se sont accumulés, qui ont entraîné un mécontentement généralisé parmi les sportifs », conclut Francesco Puppi.

Relire l’e-mail qui a provoqué la polémique ICI

Affaire UTMB / Kilian Jornet : la PTRA n’a rien à voir !

« Dans la lettre, “qui aurait évidemment dû être privée, mais qui a été divulguée à travers une publication sur Instagram par un certain Martin Cox, un entraîneur anglais”, Kilian Jornet et Zach Miller ont demandé à leurs collègues s’ils étaient prêts à trouver une alternative à l’UTMB pour concourir en 2024, dans le but d’envoyer un signal fort, poursuit Francesco Puppi. La Pro Trail Runners Association, souligne-t-il vigoureusement, n’a jamais été impliquée dans cet e-mail, qui a été écrit de manière tout à fait légitime par Kilian et Zach. Nous n’en avons pris connaissance qu’au moment où il a été rendu public. Mais comme nous avons été impliqués, nous avons été obligés d’une manière ou d’une autre de réagir, ou du moins de prendre position. »

Affaire UTMB / Kilian Jornet : que s’est-il passé lors de la réunion du 23 janvier ?

L’attention médiatique générée par la fuite a conduit à une réunion le 23 janvier entre les parties impliquées (UTMB, Zach et Kilian et la PTRA) pour parler de la situation et clarifier les positions respectives, mais également pour partager leurs opinions sur la généralisation de la fuite et le mécontentement généré.

« Cette rencontre avec l’UTMB a été l’occasion de s’asseoir autour d’une table et de se parler, explique Francesco Puppi. Étaient présents les époux Poletti, qui sont toujours propriétaires de la plupart des actions de l’UTMB, j’étais là avec deux autres athlètes pour représenter la PTRA et puis il y avait Kilian et Zach. A la fin de la réunion, avec mes deux collègues, nous avons tous les trois décidé de publier une déclaration publique expliquant ce qui s’était passé et soulignant notre position concernant cette situation et notre implication. »

« Le texte partagé par Jornet commence par la reconnaissance du fait que “depuis sa création, l’UTMB a été une force pionnière et unificatrice dans la communauté du trail”, précise Francesco Puppi, mais fait aussi référence à une préoccupation croissante chez de nombreux athlètes qui ont le sentiment que l’essence même du trail et la considération pour sa communauté sont de plus en plus négligées. »

Citant les propos tenus par Kilian, Francesco Puppi poursuit : « Dans le but d’entamer des discussions productives et de montrer notre mécontentement en tant qu’athlètes, nous avons entamé des discussions pour nous réaligner sur les attentes de la communauté. Il s’agissait de mobiliser les athlètes pour qu’ils expriment leurs préoccupations, non pas pour boycotter, mais pour sensibiliser le public. L’évolution du trail, en partie grâce à l’UTMB, a apporté des avantages tels que des courses compétitives, des prix en argent, la lutte contre le dopage, une couverture médiatique et des parrainages. Ces développements sont, à bien des égards, positifs pour le sport. Cependant, la croissance doit être prise en compte. Dernièrement, les progrès susmentionnés semblent avoir été entachés de faux pas. Il s’agit notamment des acquisitions controversées, de la négligence ou du manque d’écoute de la communauté sur des questions que nous considérons importantes telles que l’impact environnemental ou l’accessibilité. »

A ce stade, Francesco Puppi précise que le conseil d’administration de l’UTMB a déclaré que certains d’entre eux étaient dus à de la désinformation et à des malentendus.

UTMB JORNET
Francesco Puppi a participé à la réunion entre l’UTMB, Kilian Jornet et Zach Miller en tant que membre du conseil d’administration de la PTRA.

Affaire UTMB / Kilian Jornet : le communiqué de la PTRA

La Pro Trail Runner Association, dans son communiqué, a identifié cette controverse comme un « moment décisif » pour son sport. Ainsi, Francesco Puppi et ses 2 collègues ont écrit :

« Le trail se développe et se professionnalise, ce qui est positif pour tout le monde, mais comporte de nombreux risques. Il vaut mieux agir avant qu’il ne soit trop tard et que certaines des valeurs qui rendent ce sport unique ne soient perdues. L’UTMB est l’un des acteurs de cette croissance à bien des égards, mais ce leadership s’accompagne d’une grande responsabilité. Nous pensons qu’il est sain que les athlètes élite puissent exprimer leurs préoccupations et tenir les circuits, courses et fédérations responsables de leurs actes. L’association souligne qu’un avenir meilleur pour le trail peut être obtenu en discutant et en travaillant ensemble de manière ouverte et confiante, et non par des boycotts, des menaces ou certains propos prononcés publiquement. Dans cet objectif, les discussions entre la PTRA et l’UTMB continueront et une communication plus étroite sera activée pour éviter que de tels événements ne se reproduisent à l’avenir. Nous voulons tous travailler ensemble pour un sport meilleur et plus responsable. »

Affaire UTMB / Kilian Jornet : le communiqué de l’UTMB

Quelques minutes plus tard, comme convenu entre les différents protagonistes de cette réunion, l’UTMB a également exprimé sa position sur le sujet, avec un communiqué de presse organisé en paragraphes destinés à répondre aux propos de Zach Miller et Kilian Jornet.

« La Direction d’UTMB Group, représentée par Catherine et Michel Poletti, co-fondateurs, Frédéric Lénart, Directeur Général, et Marie Sammons, Responsable élites et équipes, a rencontré le 23/01/2024 en visioconférence Kilian Jornet, Zach Miller ainsi que les représentants du bureau directeur de la Pro Trail Running Association (PTRA).  A l’initiative d’UTMB Group, cet échange fait suite à la révélation sur les réseaux sociaux le 09/01/2024 de l’email privé envoyé par Zach Miller et Kilian Jornet à un petit groupe d’athlètes élites.

En introduction, Zach Miller et Kilian Jornet ont exprimé, en leur nom ainsi qu’au nom de certains athlètes élites, leurs inquiétudes et interrogations vis-à-vis de la direction prise par l’UTMB depuis deux ans à travers le développement du circuit UTMB World Series lancé en 2022. 

Pour autant, Zach Miller et Kilian Jornet ont tenu à préciser :  

  • que l’email privé révélé par la presse ne se voulait pas malveillant vis-à-vis de l’UTMB, mais avait pour objectif d’ouvrir le dialogue avec les athlètes professionnels au sujet du développement du sport, dans le respect de l’ensemble des acteurs ; 
  • que cet email n’avait pas vocation à se retrouver révélé publiquement, par le biais des réseaux sociaux ; 
  • qu’ils n’avaient pas appelé au boycott de l’UTMB, comme cela a été interprété à tort par certains médias ;  
  • que l’UTMB avait beaucoup contribué au développement et à la médiatisation de la discipline et de ses athlètes depuis 20 ans. 

La PTRA tient à préciser quant à elle, contrairement à ce qui est paru dans la presse, qu’elle n’a été en aucune façon impliquée dans l’initiative de Kilian Jornet et Zach Miller. 

UTMB Group, à travers ses représentants, a pu apporter à Zach Miller et Kilian Jornet des explications plus précises et factuelles sur certains sujets.

/ Le développement du circuit UTMB World Series 

Celui-ci s’est considérablement développé en à peine deux ans, passant d’une vingtaine de courses en 2022, à 37 courses fin 2023 ; mais il arrivera en 2024 dans une phase de stabilisation (41 courses). Le circuit offrira alors une meilleure proposition d’événements à proximité des principales communautés de coureurs dans le monde.

Les représentants UTMB comprennent que ce développement très rapide ait pu créer des incompréhensions, voire des inquiétudes auprès de certains publics ou territoires. Certains exemples ont été mentionnés en particulier, et les représentants d’UTMB Group ont pu expliquer les circonstances dans lesquelles ces événements ont été incorporés dans le calendrier UTMB World Series, ou en sont sortis.

De plus, il a été rappelé le modèle d’organisation et de promotion des événements du circuit UTMB World Series : certains événements sont gérés en propre par UTMB Group, d’autres par The IRONMAN Group, et enfin certains événements sont opérés dans le cadre d’une licence. Mais quel que soit le modèle, tous les événements sont gérés et promus par des équipes implantées sur le territoire des événements, et en lien permanent avec la communauté locale afin d’écouter, de comprendre, d’interagir au quotidien et de répondre au mieux aux spécificités des enjeux locaux.

/ Les règles sportives des UTMB World Series 

Les représentants d’UTMB Group ont également écouté Zach Miller et Kilian Jornet à propos de leurs interrogations vis-à-vis des règles sportives. Les athlètes ont exprimé que certaines de ces règles n’étaient pas encore suffisamment claires pour une partie des coureurs élites et que cela méritait de plus amples explications.

Il a cependant été rappelé qu’UTMB était entré en relation avec la PTRA dès le mois de mars 2023 afin de rediscuter et amender les règles sportives du circuit, et en particulier les règles de qualification pour les UTMB World Series Finals, ou encore les règles concernant l’inclusivité avec dernièrement la politique de grossesse qui a été modifiée et accueillie extrêmement positivement. 

/ L’échange avec les communautés  

Zach et Kilian estiment que les échanges entre l’UTMB et la communauté du trail running manquent de transparence. Ils souhaiteraient que la communication soit plus ouverte et plus directe avec l’ensemble de la communauté et des échanges plus réguliers.

Les représentants d’UTMB Group ont pris acte de leurs observations et leur ont assuré de leur volonté de s’améliorer sur ce point. 

/ Gouvernance 

Les représentants d’UTMB Group ont enfin rappelé qu’UTMB Group est une entreprise née à Chamonix (France) en 2003 sous l’impulsion de Catherine et Michel Poletti, et d’un groupe d’amis. L’entreprise est encore dirigée depuis Chamonix, à la Maison UTMB, avec notamment Isabelle et David Poletti dans les équipes de management. The IRONMAN Group a pris une participation minoritaire en 2021 afin de contribuer au développement du circuit UTMB World Series. 

En fin de réunion, chacun a exprimé le souhait de poursuivre cette discussion afin d’en faire une collaboration fructueuse au bénéfice du développement du trail running et de ses communautés dans les prochaines années. »

Affaire UTMB / Kilian Jornet : le début du grand dialogue ?

« De la réunion est ressorti le besoin d’une plus grande transparence et clarté de la part de l’UTMB dans l’explication de son fonctionnement et de la manière dont elle décide de faire certaines choses, conclut Francesco Puppi. À commencer par la réglementation, dans laquelle il existe diverses zones grises qui laissent de nombreux athlètes perplexes et insatisfaits. Nous espérons que dans les prochains mois la collaboration entre la PTRA et l’UTMB nous permettra d’atteindre les objectifs, en abordant les problèmes de notre sport de manière plus efficace à travers le dialogue. Nous avons travaillé ensemble sur plusieurs sujets et atteint de nombreux objectifs au cours de la dernière année. Cela ne signifie pas être d’accord avec tout ce que fait l’UTMB, mais cela ne signifie pas non plus être injuste et ne pas reconnaître le bien qu’a fait l’UTMB pour le sport. Il faut maintenant travailler ensemble de manière confiante et constructive pour un sport meilleur, à tous les niveaux, en étant respectueux des attentes des athlètes élite, des coureurs de l’ensemble du peloton, des organisateurs de courses et de l’ensemble de la communauté du trail. »

Ou quand la langue de bois politique prend le sentier…

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François D’Haene fait partie des destinataire de l’e-mail envoyé par Kilian Jornet et Zach Miller incitant les meilleurs ultra-traileurs du monde à ne pas participer à l’UTMB 2024 et à se tourner vers une « course alternative ». De passage au siège de son partenaire nutrition Overstim.s, avec lequel il développe une nouvelle gamme de produits pour l’ultra, le quadruple vainqueur de l’épreuve a répondu à nos questions. Et annonce son objectif de revenir sur l’UTMB en 2025 !

Esprit Trail : Que penses-tu de cet appel au boycott de l’UTMB ?

François D’Haene : Je n’ai pas eu la sensation, en lisant l’e-mail que j’ai reçu, qu’il s’agissait d’un appel au boycott. J’ai le sentiment que c’est la presse qui a transformé ça en « appel au boycott ». D’ailleurs, Kilian et Zach soulignent bien que l’UTMB a contribué au développement du trail et à la médiatisation des athlètes, et qu’ils en ont bénéficié. Moi aussi, sans l’UTMB, je ne serais sans doute pas là…

Voir le contenu de l’e-mail envoyé par Kilian Jornet et Zach Miller aux athlètes élite ICI

Kilian et Zach invitent tout de même les athlètes élite à ne pas aller à l’UTMB pour se retrouver sur une course alternative…

François D’Haene : Le fait de chercher à changer de course référence n’est pas nouveau, cela fait près de 10 ans qu’on en parle. Pour moi, Kilian ne cherche pas à boycotter l’UTMB, il cherche surtout à mobiliser les athlètes pour que ce soient eux qui décident d’où ils veulent aller courir et se confronter entre eux. Ces dernières années, l’UTMB est devenu l’équivalent d’une finale de championnat du monde d’ultra-trail, où les meilleurs mondiaux se retrouvent presque par obligation. Ils y vont parce que c’est là que le niveau des athlètes est le plus relevé, et aussi parce que les marques veulent que les athlètes qu’ils sponsorisent y soient visibles. Mais il y a d’autres courses tout aussi intéressantes qui mériteraient que les meilleurs mondiaux s’y affrontent. La Diagonale des Fous pourrait très bien prétendre faire office de finale mondiale, avec une course très technique. La Hardrock aussi. La Western States aussi, dans un mode plus roulant. Ce que disent Kilian Jornet et Zach Miller, c’est que si on veut que les choses changent, c’est à nous, athlètes, d’être les acteurs de ce changement.

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François D’ Haene et Kilian Jornet à l’arrivée de l’UTMB 2017, remporté par le premier. Photo UTMB / Damien Rosso www.droz-photo.com

Tu serais prêt à boycotter l’UTMB ?

François D’Haene : Certainement pas, mais je ne me suis jamais obligé à y participer. Et mon sponsor Salomon ne m’a jamais obligé à y aller, sinon cela n’aurait pas été possible entre nous. Le Tour du Mont-Blanc est une épreuve qui m’a fait rêver quand j’étais jeune, et qui continue de me faire rêver car c’est une course magnifique. J’aime l’idée d’y retourner tous les 3 ou 4 ans. J’y étais en 2017, j’y suis retourné en 2021, et je souhaite y retourner en 2025. Si je devais y aller tous les ans, je n’aurais pas l’envie. Alors qu’en laissant passer quelques années, je retrouve cette envie. Y retourner en 2025 fait donc partie de mes objectifs, et ça me motive !

Et tu serais prêt à affronter les meilleurs mondiaux sur une autre course que l’UTMB ?

François D’Haene : Oui, et je pense que l’idée, qui encore une fois n’est pas neuve, est intéressante. On pourrait très bien imaginer que le top 10 mondial se retrouve tous les ans sur une course différente, en alternance. Par exemple faire une « finale mondiale » sur l’UTMB tous les 4 ans, et les autres années des « finales mondiales » sur d’autres épreuves, où on se retrouverait tous. Ça n’empêcherait pas l’UTMB d’avoir lieu, et d’avoir de beaux vainqueurs. Et pour les meilleurs mondiaux, ça permettrait de se challenger et de voir comment on est capable de s’adapter. Car être le meilleur mondial sur l’UTMB et sur la Western States, ce n’est pas la même chose. Ni la même façon de courir. Jim Walmsley court la WSER en 14h09. Et l’UTMB en 19h37. 5h30 de différence ! Ce n’est clairement pas la même course, ni la même façon de courir. S’affronter sur des épreuves différente permettrait de voir qui est le plus capable de s’adapter.

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En pleine polémique sur le « trail business » après l’appel lancé par Kilian Jornet et Zach Miller auprès d’une centaine d’athlètes élite pour les inciter à boycotter l’UTMB 2024, quelques rares professionnels de la discipline prennent la parole pour expliquer en toute transparence les raisons qui les poussent à choisir un circuit plutôt qu’un autre. Parmi eux, le Marocain Elhousine Elazzaoui, deuxième de Zegama-Aizkori, vainqueur de la Dolomyths Run et de la Grande Finale de la Golden Trail World Series en Italie en 2023, donne sa propre vision de la professionnalisation du trail et de sa promotion. Et explique clairement son intérêt pour la GTWS.

Elhousine Elazzaoui, tout pour la Golden Trail World Series

Dans un post publié sur son compte Instagram, Elhousine Elazzaoui a le mérite d’être clair : le vainqueur de la Grande Finale de la GTWS 2023 explique qu’il sera de retour sur la Golden Trail World Series en 2024 et développe les raisons de son choix en six points clés. Loin d’éviter de parler de la professionnalisation du trail running, qui fait aujourd’hui couler beaucoup d’encre, le Marocain met au contraire les pieds dans le plat et présente 6 arguments, qui selon lui, justifient largement de faire de la Golden Trail Series son objectif pour la cinquième année consécutive.

Si le Marocain explique que dans la première partie de saison, il participera donc aux différentes étapes de la Golden Trail Series, il indique qu’il participera également probablement à d’autres compétitions, sans les préciser pour l’instant.

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PHOTO GTWS / The.adventure.bakery

Les 6 raisons du choix d’Elhousine Elazzaoui

1/ Un concept clair

« Le concept de la Golden Trail Series est clair et cohérent : son but est de professionnaliser le monde du trail running. L’organisation des courses est top mais ne se met jamais au centre du concept, elle préfère laisser de la place aux athlètes et aux courses en reconnaissant leur rôle important. »

2/ Des courses connues et des ouvertures

« La Series inclut des courses parmi les plus connues au monde et en intègre d’autres afin de promouvoir le trail running dans plusieurs pays. »

3/ Un niveau exceptionnel et une visibilité pour tous

« Le niveau des athlètes qui participent à la Series est juste “fou”. Grâce aux lives, à la couverture TV et au système marketing, les athlètes et les courses jouissent d’une grande visibilité. »

4/ Un fonctionnement juste

Les règles sont logiques et claires. Les primes sont justes. Les athlètes sont supportés par l’organisation (voyages et dépenses) de façon juste et en fonction de leurs résultats. »

5/ Une organisation non figée

« Le système de compétition et les finales changent et évoluent chaque année. Ainsi, plusieurs types d’athlètes peuvent être considérés comme favoris pour la victoire. »

6/ Une liberté de s’organiser

« La seule date obligatoire est celle de la finale : tout le monde peut construire son propre calendrier en fonction de ses préférences, de ses envies de voyage et chacun est libre de faire ses propres choix, ce qui permet de prévenir les blessures. »

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Extrait du post d’Elhousine Elazzaoui. Source Instagram

Elhousine Elazzaoui : une prise de position claire et nette

Difficile de ne pas faire de lien entre les arguments avancés par Elhousine Elazzaoui dans cette déclaration et la polémique actuelle sur la professionnalisation du trail, de nombreux coureurs considérant que les organisations, en ayant la main-mise sur certaines courses, tuent l’esprit même de la discipline. Avec, dans leur viseur, l’UTMB World Tour et son système de Running Stones contraignant pour pouvoir prétendre à participer aux épreuves de Chamonix, les prix des dossards qui s’envolent et la magie de la course nature qui disparaît.

Bien sûr, Elhousine Elazzaoui est un athlète professionnel qui vit de son sport, comme d’autres vivent du football ou du basket. Il est donc logique qu’il considère cette professionnalisation comme une bonne chose, du moins par rapport à son propre cas. Mais il faut aussi souligner que le circuit dont il parle, la Golden Trail Series, parvient tant sur le plan national qu’au niveau mondial à faire vivre une compétition destinée aux athlètes élite sans impacter la pratique pour les coureurs amateurs, qui peuvent participer normalement aux mêmes courses, et sans faire flamber le prix des dossards.

Un modèle à suivre ?

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Avec Salomon, Jean-Michel Faure-Vincent a créé le premier team de trail en 2003. L’historique, celui qui « ébouriffa » le monde de la course à pied pour aller vers le trail fun, jeune et populaire. Après avoir porté cette équipe, détecté, accueilli et accompagné vers le sommet mondial Kilian Jornet et François D’Haene, l’aventure Salomon se termine pour Jean-Michel Faure-Vincent, et une page se tourne. Depuis le 1er janvier 2024, il a pris en charge le redéploiement des teams de trail chez New Balance pour la France, l’Italie et l’Espagne. Son départ, le chemin parcouru, Kilian Jornet, l’avenir : il s’est confié à Serge Moro.

Esprit Trail : Tu te souviens de ton premier contact avec Salomon ?

Jean-Michel Faure-Vincent : Il remonte à 28 ans en arrière ! J’avais à gérer le snowboard pour la France, l’Italie et l’Espagne, et devais travailler avec les athlètes de ces nations. Je suis passé ensuite au ski free style. Puis en 2003, on a commencé à rêver et à penser trail running ! Chez Salomon, c’était une décision stratégique et collégiale, car on avait besoin d’impulser une autre économie que celle de l’hiver et du ski, qui représentait alors 98% du chiffre d’affaires. Il fallait rééquilibrer et tenir compte des difficultés pressenties pour les sports d’hiver. Et comme chez Salomon, nous avons une culture du sport « pro » structuré avec des teams, il était naturel de dupliquer ce modèle dans le trail running.

Et donc en 2003, ce fut la création du team !

Jean-Michel Faure-Vincent : Effectivement, autour de Samuel Bonaudo et Thomas Véricel, le premier team de l’histoire du trail se déployait sur les courses. Au départ, les gens ne comprenaient pas ce que l’on était. Ils ne connaissaient que les clubs d’athlétisme. On a surpris le microcosme en programmant des reconnaissances de parcours et des conceptions de produits à Nant, sur le site même de départ et d’arrivée des Templiers. On est passé de seul team en 2003 à plus de 50 en 2023 ! À l’époque, Salomon souhaitait décloisonner ce sport, développer de nouveaux produits innovants et attractifs, et bien sûr ainsi asseoir la notoriété et la crédibilité de la marque dans ce nouvel univers.

Se déplacer en montagne existe de toute éternité, on y court depuis bien longtemps… Salomon s’est investi pour créer des codes inédits et « ébouriffants », pour créer une tribu qui se reconnaît. On a inventé des shorts plus amples, des tenues en compressions blanches, avec toujours cette envie de différenciation. Le but, c’était que les coureurs adoptent ces codes nouveaux, s’y retrouvent, et attirent de nouveaux pratiquants. Même ces dernières années, on a cassé les habitudes en proposant, par exemple, un large bob technique pour les ultra-traileurs, on a vu Courtney Dauwalter courir avec un short très long et très ample… Là encore on innove. Et on est vite copié ! Nous avons toujours voulu apporter de la nouveauté, de la créativité, avec une vision à 10 ans.

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Jean-Michel Faure-Vincent. Photo Leny Laurenti

Quel rôle a joué Kilian Jornet chez Salomon ?

Jean-Michel Faure-Vincent : Il fut un sacré accélérateur d’innovation ! Il est arrivé chez nous à 16 ans, tout frais. Sur les premiers stages, ce gamin interpella les « idoles » du moment, Jonathan Wyatt ou Thomas Lorblanchet, en courant avec beaucoup moins d’eau, et demandant une chaussure plus légère… Il y avait comme une certaine tension sur place, car on était encore dans une logique des gros sacs et des poches à eau ! On a vraiment grandi avec Kilian.

C’est la même chose avec François D’Haene et avec les traileuses féminines qui sont arrivées avec des besoins spécifiques, et qui nous ont fait avancer. Et le trail running a grandi au fil des années, les produits n’ont pas cessé d’évoluer. Quand Thomas Lorblanchet gagne ses premiers Templiers, il porte une chaussure de 400 grammes. Et pourtant, on avait fait des stages sur place avec des bureaux d’études ! Kilian a gagné son premier UTMB avec des Speed Cross de 310 grammes. Maintenant l’élite du trail court avec des chaussures de moins de 200 grammes ! J’ajoute que les athlètes jeunes sont précieux car ils ne sont pas façonnés : il faut les écouter pour savoir faire évoluer les produits.

Kilian Jornet lors de sa première victoire à l’UTMB, en 2008. Photo DR

Comment constitue-t-on un team ?

Jean-Michel Faure-Vincent : Je regarde beaucoup, j’écoute énormément, et je passe beaucoup de temps sur le terrain. Le terrain a raison. Je regarde sur plusieurs courses et sur quelques mois les résultats de untel ou untel. C’est à la fois de l’observation factuelle et du feeling, c’est difficilement explicable. Pour choisir un nouveau membre du team, je jauge son attitude générale, son comportement en course et en dehors, les valeurs qu’il véhicule, ce qu’il transmet sur ses réseaux sociaux, par-delà le nombre de followers qui n’est pas une priorité.

Pour moi, en tant que Team Manager, être influent c’est bien sûr un facteur important, mais dans un second temps, une fois solidement établies des bases crédibles de performance. Les premières années, nos athlètes sont là pour performer, construire une crédibilité sportive. Une fois cette étape franchie, on devient très vite crédible dans les médias et sur les réseaux.

Le trail peut-il être un métier ?

Jean-Michel Faure-Vincent : Non, pas au début d’une carrière. Je répète souvent aux jeunes athlètes prometteurs que le trail n’est pas un métier et qu’ils doivent parallèlement à leur carrière sportive construire une vie professionnelle dans l’univers de leur choix. La devise de Noël Tamini, le créateur de Spiridon, est un bon résumé de ma vision : “Le trail n’est que la principale des choses secondaires” ! Quand un jeune champion a un boulot, des amis et une famille, la pratique sportive est facilitée. Quand tous les paramètres de vie sont ainsi bien alignés, la performance arrive. À l’opposé, si on veut gagner sa vie en courant, la pression est trop lourde. Être pro, c’est un métier ! Cela s’apprend : à côté du sport, il fait savoir gérer de la compta, l’URSSAF, des déclarations diverses, des relations avec les médias, suivre ses partenaires, gérer ses contraintes avec discernement, dire oui ou non à bon escient !

Jean-Michel Faure-Vincent Photo Leny Laurenti
Jean-Michel Faure-Vincent. Photo Leny Laurenti

Tu as quitté Salomon pour New Balance. Pourquoi ce choix ?

Jean-Michel Faure-Vincent : C’était le bon moment pour moi d’aller ailleurs. Je pourrais être encore là, car tout fonctionne, tout est structuré, avec des athlètes motivés et des bons produits. Il y a 20 ans, on était 10 à travailler sur un projet fou… Aujourd’hui son ampleur est extraordinaire. L’histoire est belle, c’est à moi désormais de me challenger et d’aller construire autre chose ailleurs. La décision a été difficile à prendre : quand on a passé la moitié de sa vie à un endroit où on est encore bien, le quitter n’est pas chose aisée… Mais il me fallait le faire.

Quand j’ai décidé de partir, j’avais des pistes, mais aucune certitude ! Entre temps, j’ai reçu une proposition séduisante et très motivante pour la suite de ma carrière. Une proposition respectueuse du sport, humble, où on me donne le temps de construire. Chez New Balance, je pars d’une feuille blanche pour structurer le sport marketing autour d’athlètes espagnols, italiens et français. Je deviens un peu une sorte de vigie, un garant des valeurs trail pour New Balance.

New Balance est une grande marque, avec une longue histoire dans le running…

Jean-Michel Faure-Vincent : Et déjà une première aventure sur le trail avec entre autres Anton Krupicka. Le challenge sera de revenir sérieusement dans le trail, d’y prendre notre place. Je vais embarquer des jeunes athlètes pour construire ensemble cette aventure et aller le plus haut possible. Je veux inventer une autre histoire, différente de celle écrite avec Salomon. Chez New Balance, il y un vrai potentiel, avec des responsables qui écoutent. Et sur le terrain, ce sont des traileurs expérimentés qui vont staffer des traileurs en devenir.

Quels seront ces athlètes ?

Jean-Michel Faure-Vincent : En Italie, c’est Andréa Callera, le Team Manager Salomon Italie depuis 20 ans qui me suit avec des jeunes comme Andrea Rota. En France, il y aura entre autres Damien Humbert ou Theo Détienne. Et pour l’Espagne ce sera Manuel Merillas. Notre logique, c’est la proximité : on va concevoir et fabriquer des produits et des services en Europe pour les traileurs européens. On va innover et proposer des nouveaux codes. Et à partir de 2025, nous soutiendrons des événements, avec une sélection d’épreuves historiques et des événement innovants… mais en gardant toujours les pieds sur terre et en écoutant les pratiquants.

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Theo Détienne lors de sa victoire sue le championnat du Canigou, course des Golden Trail National Series en août 2023. Photo GTNS
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Si la révélation de l’appel au boycott de l’UTMB 2024 par Kilian Jornet et Zach Miller a fait l’effet d’une bombe, les hypothèses sur les motivations des deux champions restent vagues. « Il y a une multitude de choses que nous pourrions souligner et qui nous préoccupent, mais l’essentiel est que nous avons l’impression qu’ils ne gèrent pas leurs événements dans le meilleur intérêt du sport et de ses pratiquants », indiquaient-ils dans l’e-mail envoyé aux athlètes élite pour les inciter à ne pas aller à Chamonix en 2024, mais à se rabattre vers une course alternative « à définir ». Sauf que « la multitude de choses » n’ayant pas été développée, les hypothèses fleurissent, sans véritables réponses. Nous avons enquêté pour essayer de comprendre quels sont ces « choses » qui pourraient expliquer la fronde de l’ultra-terrestre et du 2ème de l’UTMB 2023, et tenter de démêler le vrai du faux. Particulièrement sur l’histoire de la course canadienne « sacrifiée » par l’UTMB Group. Arguments des uns contre arguments des autres, au final, à vous de juger.

Découvrez l’e-mail de Kilian Jornet et Zach Miller par lequel la polémique est arrivée ICI

L’ « affaire » de la course canadienne

Selon certaines sources, c’est un conflit survenu au Canada, où l’UTMB Group aurait fait pression pour qu’une épreuve déjà implantée ne puisse se tenir afin de créer sa propre épreuve labellisée UTMB, qui a fait déborder le vase. L’affaire en question a éclaté le 26 octobre 2023, lorsque l’UTMB Group a annoncé la création de sa septième épreuve en Amérique du Nord (et seule épreuve au Canada), l’Ultra Trail Whistler, dont la première édition se tiendra les 28 et 29 septembre 2024. Immédiatement, un ultra-traileur canadien très influent, Gary Robbins, est monté au créneau pour dénoncer ce qu’il a considéré comme un « coup de force » de la « machine UTMB / Ironman pour s’implanter au détriment d’une autre course forcée à disparaître, la Whistler Alpine Meadows (WAM), qui se déroulait elle aussi en septembre.

Gary Robbins est bien placé pour hurler au scandale. En effet, il est le fondateur de Coast Mountain Trail Running, une société d’organisation d’ultra-trails, et à travers elle l’organisateur de la course en question. Selon Gary Robbins, la station touristique et sportive Vail Resorts – Whistler Blackcomb qui accueillait son trail a subi un lobbying intense de la part de l’UTMB Group et a été poussée à choisir leur événement. Et annuler son soutien au sien.

Si les accusations de Gary Robbins étaient principalement tournées vers la station Whistler Blackcomb, les prétendues manœuvres jugées déloyales qu’il a dénoncées ont vite fait de faire réagir la communauté trail nord-américaine, qui lui a exprimé un soutien massif. Ainsi, des athlètes tels que le tenant du titre de l’UTMB Jim Walmsley, mais aussi Tim Tollefson ou l’icône de l’ultra-trail Scott Jurek ont pris parti contre l’entreprise UTMB / Ironman.

Cependant, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles n’y paraissent. Et l’Américain Paul Huddle, directeur principal et responsable de l’équipe organisatrice de l’Ultra Trail Whistler by UTMB, a cherché mettre les choses au clair à travers une lettre ouverte relatant une toute autre vision des événements.

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Un décor de rêve au Canada, cadre de la nouvelle course “by UTMB”. Tourism Whistler Mike Crane

La lettre ouverte de l’UTMB à propos de la naissance de l’Ultra Trail Whistler by UTMB

« À la communauté du trail

Nous avons le plus grand respect pour les valeurs de la communauté du trail et pensons que tous les organisateurs d’événements contribuent à la croissance de notre sport. Beaucoup de ceux avec qui nous travaillons organisent non seulement des événements avec nous, mais aussi d’autres événements qui leur sont propres, qui sont tout aussi importants pour la santé globale du sport. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés auprès de Coast Mountain Trail Running (CMTR), parmi de nombreux autres organisateurs de courses en Amérique du Nord et plus particulièrement au Canada, alors que nous recherchions des opportunités d’offrir des expériences de course de haute qualité plus près de chez nous aux coureurs qui rêvent de se rendre au Finales des World Series de l’UTMB à Chamonix.

Nous comprenons que les gens essaient de donner un sens à ce qui s’est passé. Cependant, la mauvaise interprétation de nos objectifs, de nos méthodes et, surtout, de nos collaborateurs – suggérant un comportement contraire à l’éthique et à la malhonnêteté – nous a désagréablement surpris. Comme la plupart des membres de notre communauté, nous avons appris via les médias sociaux et traditionnels le 11 février 2023 que CMTR se séparait de Whistler. CMTR a été catégorique dans son annonce sur les réseaux sociaux selon laquelle WAM ne reviendrait pas à Whistler.

Nous ne savons pas pourquoi CMTR/WAM et Whistler Blackcomb se sont séparés – nous n’étions pas au courant de leurs conversations – mais pour nous, leur déclaration ne laissait aucun doute sur le fait qu’ils quittaient Whistler et n’avaient pas l’intention de revenir.

Ayant une relation avec IRONMAN Canada à Whistler, l’un des membres de notre personnel de longue date a contacté la municipalité de Whistler (RMOW) plus tard en février pour savoir si elle était toujours intéressée à organiser une épreuve de trail malgré l’annonce du CMTR. Whistler a répondu par l’affirmative. Sur la base de leurs instructions, nous avons suivi leur nouveau protocole d’événement et rempli une demande en ligne, comme toute autre personne demandant un permis. Ce n’est qu’en juin que nous avons eu notre première discussion avec Whistler Blackcomb concernant la possibilité de créer un nouvel événement.

La première visite du site a eu lieu du 29 au 31 août et les détails de l’événement ont été finalisés en octobre, avant l’annonce de l’événement. Rétrospectivement, nous aurions dû garder les lignes de communication ouvertes entre nous et CMTR pour les informer, par courtoisie, de nos conversations ; peut-être que cela aurait fait une différence. Nous ne saurons jamais si le résultat de l’annonce du partenariat aurait été différent, mais nous aurions pu et aurions dû être meilleurs ici. Nous espérons qu’avec le temps, on se rendra compte que les membres de l’équipe Ultra Trail Whistler by UTMB sont des passionnés de trail running qui partagent les valeurs morales et éthiques chères à la communauté du trail running. (…) Nous croyons que tous les événements sont importants pour la croissance du sport et nous apprécions la poursuite du dialogue de la part des organisateurs et des opérateurs de courses partout en Amérique du Nord dans le désir collectif de partager les avantages positifs du sport. »

Paul Huddle Directeur principal, Course de trail mondial Responsable de l’équipe organisatrice de l’Ultra Trail Whistler by UTMB

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Ultra-Trail-Whistler-by-UTMB

L’exemple français du Trail des Marcaires, en Alsace

S’il est difficile de démêler le vrai du faux dans cette histoire outre-Atlantique, les organisateurs du Trail des Marcaires, en Alsace, ont leur mot à dire. Ils ont eu également un choc lorsqu’ils ont entendu parler du lancement du trail Alsace Grand-Est by UTMB en 2023. Alors que leur manifestation, qui entraîne les coureurs sur un parcours exceptionnel autour du Petit Ballon et de la Route des Vins, était habituellement positionnée sur le calendrier sur le troisième week-end de mai, ils ont dû la déplacer début juin (le 9 juin en 2024) à cause de l’arrivée de l’épreuve labellisée UTMB, pile sur les mêmes dates.

« Personne n’est venu nous consulter, personne ne nous a appelés, regrette-t-on du côté de l’organisation. Nous avons été mis devant le fait accompli. C’est triste. On se demande à quoi sert notre Commission des courses. Ils (l’UTMB Group) sont venus, ils ont été aidés par pas mal d’instances et nous ne pouvons que subir. »

Là encore, tout comme pour la course canadienne, la vision des uns ne correspond pas forcément à la vision des autres. En l’occurence, Nicolas Kuhn, Président de la commission régionale running du Grand Est, co-fondateur du Trail Alsace Grand Est by UTMB et bénévole, a tenu à préciser les choses. Et écarter la version selon laquelle l’UTMB se serait implanté “de force” en Alsace.

À propos de la naissance du trail Alsace Grand Est by UTMB

« Étant à l’origine de cet événement UTMB World Series, je tiens à apporter ma version : J’ai envoyé le 9 juin 2021 un mail conjointement signé par Mathieu Pettinotti (du comité départemental d’athlétisme du Bas-Rhin) et moi-même à l’UTMB pour leur proposer d’organiser un trail que nous souhaitions voir intégrer le nouveau circuit UTMB World Series. C’est donc bien un Comité Départemental d’Athlétisme DA qui a contacté l’UTMB et non l’UTMB qui est venu s’imposer en Alsace.

Suite à la venue de Michel Poletti en Alsace le 1 octobre 2021, j’ai envoyé à un vingtaine de membre des structures fédérales alsaciennes, une lettre d’intention co-signée par le président de la commission départementale running du 67 et le président de la commission départementale running du 68 (commission dont Vincent Beck, organisateur du Trail des Marcaires est membre). Cette lettre d’intention indique qu’une réunion d’information concernant le projet de trail by UTMB sera proposée à tous les clubs alsaciens.

Le 21 février 2022, j’ai contacté par mail tous les clubs organisateurs de la région Grand-Est (y compris Vincent Beck) pour les informer de la création d’un trail by UTMB en Alsace en leur proposant d’intégrer un challenge régional. 15 mois avant la première édition du trail Alsace Grand Est, la date n’était pas encore connue mais les organisateurs du Trail des Marcaires ne pouvaient pas dire qu’il n’étaient pas informés de la venue de ce nouvel événement. (…) Je tiens également à préciser que ce n’est pas l’UTMB qui a imposé la date de la course, mais les contraintes des différentes communes de départ et d’arrivée des 4 courses qui l’ont déterminée. »

Nicolas Kuhn, Président de la commission régionale running du Grand Est, co-fondateur du Trail Alsace Grand Est by UTMB

Trail Alsace Grand Est by UTMB Photo DR
La première édition du Trail Alsace Grand Est by UTMB a été un succès total. Photo DR

Le système de qualification de l’UTMB Mont-Blanc en question

Autre point de friction qui ne date pas d’hier, et qui pourrait expliquer la fronde anti-UTMB, la modification des conditions qualificatives pour participer à l’UTMB pour les athlètes élite. Alors qu’auparavant une simple cote ITRA permettait de s’inscrire, le nouveau règlement oblige ces athlètes à aller chercher leur qualification en participant à une course de l’UTMB World Tour l’année précédente. Deux cas de figure pour décrocher le sésame pour les finales de Chamonix : soit faire un top 3 (ou un top 10 dans le cas des courses « Majors »), soit réaliser une performance avec un UTMB score supérieur à la cote définie par le règlement.

Ainsi, même un quadruple vainqueur de l’UTMB Mont-Blanc ne peut, sauf passe-droit a priori non prévu, être qualifié pour l’édition 2024 s’il n’a pas été classé lors d’une épreuve UTMB en 2023. Ni Kilian, ni François D’Haene ne pourraient donc théoriquement s’aligner au départ en 2024 !

Cette obligation de participer à une course du circuit UTMB est considérée par de nombreux coureurs comme une prise d’otage qu’ils ont du mal à accepter, d’autant qu’en fonction de leur planning personnel, cela peut vite les contraindre à des déplacements coûteux à l’autre bout du monde pour aller chercher une qualification. On se souvient ainsi que le basque Beñat Marmissolle est allé courir en le Doi Inthanon by UTMB en Thaïlande pour décrocher sa qualification pour l’UTMB 2024 !

Un argument auquel les pro-UTMB ont réponse toute trouvée. Ils argumentent qu’il est logique qu’une entreprise ayant réussi à créer un tel événement puisse décider elle-même de la façon dont sont sélectionnés les concurrents, et que ceux qui n’adhèrent pas à ce système de qualification sont libres de ne pas y participer. D’autant qu’il y a une multitude de courses tout aussi magnifiques que l’UTMB Mont-Blanc dans la région de Chamonix, et qu’il n’est pas difficile d’en choisir une autre.

De plus, soulignent ces mêmes défenseurs de l’UTMB, qui n’hésitent pas à dire que Kilian Jornet crache dans la soupe d’un UTMB qui l’a rendu riche et célèbre, l’organisation a le mérite de rendre le système de qualification des élites transparent, là où d’autres épreuves, comme la Western States Endurance Run ou la Hardrock 100, avec des loteries et des Gold Ticket, ont des systèmes de sélection beaucoup plus obscurs.

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Le circuit UTMB World Series 2024.

Le tarif trop élevé des inscriptions à l’UTMB

C’est un autre point souvent soulevé par les détracteurs de la « machine » UTMB : des tarifs trop élevés qui « privent » certains coureurs de la possibilité de s’inscrire à l’épreuve. S’il est vrai que le prix des dossards pour les finales de l’UTMB World Tour Chamonix est élevé (355 euros pour l’UTMB, 220 euros pour la CCC et 135 euros pour l’OCC en 2023), le problème de l’augmentation des tarifs touche quasiment toutes les organisations. On est aujourd’hui proche, voir au-delà du 1 euro/kilomètre pour de nombreux événements.

Bien sûr, certains organisateurs choisissent volontairement de limiter les coûts d’inscription, mais c’est à la fois pour rester abordables et pour avoir des chances de faire le plein. Une problématique que l’UTMB ne rencontre pas, puisque chaque année, ce sont plus de 15000 candidats qui espèrent leur qualification, quel que soit le prix à payer. Et nombreux sont même ceux qui passent désormais par le système des dossards solidaires, qui garantissent l’inscription, et acceptent pour cela de faire un don de 2200€ à l’une des associations soutenues par l’organisation. Le prix à payer pour vivre leur rêve.

L’association UTMB / Ironman, vers l’argent roi ?

Autre argument mis en avant par les détracteurs de l’UTMB Group, son association avec le groupe IRONMAN, qui aurait toutes les caractéristiques d’une tentative de monopolisation de la discipline. Ainsi, toujours selon ces détracteurs, l’UTMB serait une société qui chercherait à posséder et à homogénéiser la communauté trail dans un but lucratif, et qui ferait de la politique et du lobbying en coulisses afin de compromettre la capacité d’épreuves implantées de longue date à se poursuivre sans partenariat avec l’UTMB. Quand on sait qu’il existe 5 événements « by UTMB » en France, et plus de 3600 trails recensés dans l’Hexagone, on ne peut que modérer le propos.

Pour rappel, le groupe IRONMAN fait partie de la World Triathlon Company basée en Floride, USA. Il est organisateur de prestigieux triathlons, dont le championnat du monde se tient tous les ans à Kona, sur l’île d’Hawaï, avec un système d’événements de qualification aux mains du groupe. Il n’en faut pas plus pour voir dans les finales de l’UTMB World Tour à Chamonix l’équivalent en trail de ce qu’est Kona au triathlon : un système qualificatif verrouillé, des finales hors de prix et un business ultra-lucratif.

Dans cette logique marketing, placer l’UTMB/Chamonix sur un piédestal encore plus élevé permettrait à l’UTMB Group de facturer des frais d’inscription plus élevés dans les courses de qualification et dans les courses qualificatives pour obtenir des Running Stones, de payer plus de pros pour s’engager dans leurs épreuves et de prendre des mesures anticoncurrentielles, comme le fait de menacer d’organiser, ou d’organiser des épreuves sur le même territoire le même jour que les autres courses.

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DR

Jornet / UTMB, les questions qui intriguent…

Si une partie de la communauté trail critique ouvertement l’UTMB Group, essentiellement en raison de l’obligation d’aller chercher des Running Stones sur des courses qualificatives UTMB et du prix des dossards, une autre partie considère comme tout à fait logique qu’une entreprise ayant créé un tel événement d’envergure mondiale en fasse un business et cherche à gagner de l’argent. Quel chef d’entreprise n’en ferait pas autant ? Personne n’est choqué par le business autour de sports comme le football ou le basket. Pourquoi l’univers du trail baignerait-il dans la philanthropie ?

La principale question qui semble se poser aujourd’hui, est de savoir s’il y a un lien entre l’émergence d’une nouvelle association, la World Trail Majors, qui propose de revenir à l’essence du trail et regroupe cette année pas moins de 9 épreuves mythiques, et la prise de position de Kilian Jornet et Zach Miller. Et certains de souligner que ce tout nouveau circuit mondial d’ultra-running est soutenu par la Pro trail Running Association (PTRA), l’organisation fondée par Kilian Jornet début 2022 pour « défendre les intérêts des athlètes professionnels du trail », et que certaines des épreuves de ce nouveau circuit sont sponsorisées par The North Face et Coros. Qui ne sont autres que l’équipementier sponsor de Zach Miller et l’un des sponsors de Kilian Jornet.

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Zach Miller annoncé à grand renfort de publicité sur le The North Face TransGranCanaria, épreuve du nouveau circuit World Trail Major. Photo The-Adventure-Bakery

Dacia, le sponsor mal-aimé de l’UTMB

Dernier point que nous devons évoquer : le fait que le sponsor titre de l’UTMB en 2023, et pour 3 ans, soit le constructeur automobile Dacia. Kilian Jornet est très impliqué dans la protection de l’environnement, et il est évident qu’il n’a pas du tout apprécié qu’un constructeur automobile parraine un événement destiné à mettre en valeur la beauté de l’environnement, et son urgence à le préserver. Il l’a d’ailleurs largement exprimé.

Cependant, là aussi, des incohérences demeurent. En premier lieu, quel pourcentage de coureurs d’ultra ne possèdent pas de voiture ? Et Dacia Spring a été élue « voiture la plus verte » en 2022. Il est également intéressant de noter qu’une grande partie de l’argent investi par Dacia dans l’UTMB a été consacré à l’amélioration de la planification des transports pour les spectateurs et les concurrents. Notamment, proposer un nouveau service de navettes pour éviter les embouteillages. Enfin, n’oublions pas que Kilian Jornet était jusqu’à récemment sponsorisé par Mercedes-Benz, et sa compagne Emelie Forsberg a fait la promotion de Kia et Seat. Alors, Dacia/UTMB, une affaire qui roule ?

Retrouvons vite les sentiers de la liberté

Nous vous avons fourni un certain nombre d’éléments de réflexion, à force de recherches et de recoupements d’informations, en essayant de rester le plus neutre possible pour vous laisser seuls juges. Il y en a d’autres bien sûr, mais faut-il creuser encore et encore ? Faut-il réellement prendre parti pour l’un ou l’autre ? Quel couple ne connaît pas de crise ? Quelle adolescence se passe sans heurts ? Kilian Jornet est et restera un artiste de l’ultra-trail, une icône qui nous a fait et nous fait encore rêver. L’UTMB restera une course mythique, avec ses 20 ans d’histoires, une “petite entreprise” de quelques fous furieux devenue “Sommet mondial du trail”. L’un comme l’autre n’ont pas fini d’écrire la grande histoire du trail. Et le trail leur survivra. retrouvons vite les sentiers de la liberté, loin de ces polémiques…

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Dans un email confidentiel envoyé aux meilleurs coureurs du monde, Kilian Jornet et Zach Miller appellent à boycotter l’UTMB en 2024 et à explorer des courses alternatives. Raisons invoquées par les deux stars de l’ultra-trail : leur inquiétude quant aux pratiques de gestion de l’UTMB. Choqué, le coach britannique Martin Cox a divulgué cet e-mail sur son compte Instagram, rendant publique la polémique.

Boycotter l’UTMB 2024 pour participer à une “course alternative”

Quand l’Américain Zach Miller, 2ème de l’UTMB 2023 derrière Jim Walmsley, et l’Espagnol Kilian Jornet, 4 fois vainqueur du Tour du Mont-Blanc et détenteur du record absolu sur la distance depuis 2022, décident d’appeler au boycott du plus grand événement trail de la planète, ça fait du bruit. C’est par un e-mail envoyé à une centaine de coureurs élites pour la plupart spécialistes de l’ultra-distance (les meilleurs du classement), que les deux monstres sacrés les invitent à reconsidérer leur participation à l’UTMB et à choisir de participer à une « compétition alternative ». Un e-mail que l’entraîneur britannique Martin Cox, choqué par la démarche, a choisi de rendre public sur son compte Instagram.

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Sur le compte Instagram de Martin Cox, l’e-mail qui met le feu aux poudres. Source Instagram

L’email de Kilian Jornet et Zach Miller (traduction)

Bonjour,

Ici Kilian Jornet et Zach Miller. Si vous recevez ce message, c’est parce que vous êtes l’un des meilleurs athlètes de notre sport.

Nous avons voulu commencer avec ce petit nombre de personnes afin de mieux cibler nos efforts et de ne pas nous laisser déborder. Cela dit, de quoi s’agit-il ?

Nous vous écrivons pour savoir si vous seriez intéressés à vous engager à participer à une course autre que l’UTMB cette année (2024). Mais nous sommes conscients que beaucoup d’entre vous ont des liens étroits avec l’UTMB (objectifs personnels, incitations des sponsors, objectifs de carrière, etc.)

Tout d’abord, nous voulons reconnaître que l’UTMB est une grande course, même s’il y a eu beaucoup de tensions récemment, nous pensons toujours que la course et l’organisation ont fait beaucoup de bien à l’ultra-running.

Grâce à l’UTMB, nous disposons désormais d’un événement de type championnat du monde qui attire les meilleurs coureurs de la discipline ainsi que des sponsors, des médias et des fans du monde entier.

L’UTMB est véritablement devenu le grand événement de l’année et a vraiment contribué à faire connaître notre sport. L’organisation d’un tel événement a créé de nombreuses opportunités pour des personnes comme nous, car il attire beaucoup d’argent et d’attention sur notre sport. Nous pensons que c’est une bonne chose.

Cependant, s’il est bon pour le sport de croître et de se développer de cette manière, il est également important que cette croissance se fasse d’une manière positive et saine.

Malheureusement, la direction actuelle prise par l’UTMB, le groupe UTMB et Ironman nous inquiète.

Il y a une multitude de choses que nous pourrions citer qui nous préoccupent, mais l’essentiel est que nous pensons qu’ils ne se gèrent pas et ne gèrent pas leur(s) événement(s) d’une manière qui soit dans le meilleur intérêt du sport et de ses pratiquants.

Nous comprenons que les organisateurs de courses gagnent de l’argent. Cependant, nous pensons qu’il y a un moyen de le faire sans mal traiter les gens et sans écraser tous ceux qui se mettent en travers de votre chemin. En d’autres termes, nous voulons qu’ils gèrent bien leur entreprise.

Nous voulons qu’ils soient prévenants. Nous voulons qu’ils ne se demandent pas seulement « que pouvons-nous faire pour notre bien », mais aussi « que pouvons-nous faire pour améliorer le sport de la course à pied dans son ensemble » ?

Malheureusement, nous pensons qu’ils n’ont pas fait un très bon travail dans ce domaine.

Et bien qu’il serait agréable de pouvoir s’asseoir et discuter avec eux afin de corriger le tir et de remettre les choses sur la bonne voie, nous craignons qu’ils ne fassent pas vraiment de changements, à moins qu’ils ne se sentent obligés de le faire.

Heureusement, en tant que sportifs de haut niveau, nous avons une voix.

La meilleure façon de communiquer notre mécontentement et d’exercer une certaine pression est peut-être de nous regrouper et de participer à une course différente.

L’absence des quinze premiers coureurs masculins et féminins sur la ligne de départ de l’UTMB serait très éloquente. Cela leur ferait comprendre que nous ne sommes pas satisfaits et les pousserait à faire des changements.

Nous aimerions donc savoir ce que vous en pensez. Nous avons déjà identifié une course potentielle à laquelle nous pourrions participer à la place de l’UTMB, mais avant d’entrer dans le vif du sujet, nous vous invitons à nous faire part de votre avis. Avez-vous les mêmes préoccupations ou des préoccupations similaires ? Êtes-vous intéressé par une course alternative ?

N’hésitez pas à nous le faire savoir afin que nous puissions poursuivre le dialogue et discuter des prochaines étapes. Et comprenez bien qu’il ne s’agit pas d’une démarche malveillante ou haineuse à l’égard de l’UTMB.

L’idée est de trouver un moyen de faire pression sur l’organisation de l’UTMBIronman afin d’apporter des changements positifs. Ce serait formidable si un jour nous pouvions aller à l’UTMB et nous sentir bien, en sachant que ce qu’ils font améliore le sport, et non le détériore.

Kilian Jornet UTMB 2022
Kilian Jornet lors de sa victoire à l’UTMB en 2022. Photo UTMB Group

La réaction du coach britannique Martin Cox

Choqué par l’e-mail envoyé par Kilian Jornet et Zach Miller, et que lui ont transmis certains des athlètes qu’il coache, Martin Cox a choisi de le rendre public, avec ce commentaire :

« Je suis coureur de montagne depuis 30 ans et entraîneur de coureurs de montagne depuis 15 ans. Aujourd’hui, c’est la journée la plus abasourdissante que j’ai jamais ressentie face aux actions de certaines personnes au sein de mon sport. Je parle spécifiquement de Zach Miller et Kilian Jornet, ainsi que du conseil d’administration d’un groupe basé en Suisse qui se fait appeler Pro Trail Runners (le syndicat créé par Kilian Jornet, NDLR), et dont l’agenda, bien que peu clair, semble égoïste.

L’e-mail que j’ai posté ici a été envoyé à plusieurs de mes amis et collègues coureurs de montagne la semaine dernière pour leur demander de boycotter la finale des World Series 2024 de l’UTMB Mont-Blanc. J’ai donc pensé partager cet e-mail, car cela pue l’hypocrisie et je ne pense pas que ce débat devrait se dérouler en secret. Ce qui me laisse vraiment perplexe dans la campagne de haine qui est actuellement menée contre l’UTMB, c’est que, plus que toute autre course, l’UTMB a permis à Jornet et à beaucoup de ses collègues pros de monter à bord du train de l’argent de l’ultra-trail de montagne, d’acquérir une sécurité financière et de devenir modérément influents.

Il semble donc un peu ingrat de faire volte-face et de tenter de rançonner la course. Cette année, la moitié des athlètes que j’entraîne participeront à l’une des courses de l’UTMB. Cela me rend très fier d’eux tous. Je suis fier car ils ont tous travaillé d’arrache-pied et fait des choix de vie difficiles au cours des dernières années pour participer à cette course. Je suis fier parce que les courses de l’UTMB sont parmi les plus difficiles et les plus compétitives au monde et il faut beaucoup de courage pour se tenir sur l’une de ces lignes de départ. »

Zach Miller
Zach Miller, un fidèle de l’UTMB, second de l’édition 2023. Photo UTMB Group

La réponse de l’UTMB

Mis au pied du mur en découvrant l’e-mail rendu public par Martin Cox, l’organisation de l’UTMB a répondu en commentaire.

« Même si nous aurions apprécié une conversation directe sur ce sujet avec Zach et Kilian avant de prendre connaissance de cet e-mail, nous les avons contactés tous les deux pour comprendre leur position et en discuter directement. Nous valorisons les opinions de l’ensemble de la communauté et sommes toujours ouverts à la discussion et à la collaboration. »

Le débat ne fait que commencer…

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