Alors qu’il reste sur une 9e place à Sierre-Zinal, un résultat clairement en dessous de ses attentes, Rémi Bonnet s’est vu complètement relancé dans la Golden Trail Series après l’annulation de la course en Pologne et peut espérer remonter au classement, où il n’est que 17ème. Désormais en mission aux États-Unis, le Suisse espère décrocher deux victoires sur les 2 dernières courses qualificatives, les 15 et 22 septembre, pour arriver en leader à la finale en Suisse en octobre. Face à lui, Elhousine Elazzaoui, à égalité de points avec le Kényan Patrick Kipngeno en haut du classement général, se rend aussi sur les deux dernières manches aux États-Unis avec un objectif clair : remporter deux victoires pour se positionner seul en tête avant la finale. Mickael Mussard les a rencontrés.

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Rémi Bonnet lors du Marathon du Mont-Blanc 2023. Photo Martina Valmassoi

Rémi, ton début de saison semble plutôt mitigé si on se fie aux résultats, est-ce que c’est aussi ton impression ?

Rémi Bonnet : Je pense que le Marathon du Mont-Blanc était un bon résultat, j’étais en forme, Elhousine était juste plus fort que moi. Mais oui, Sierre-Zinal ne s’est pas passé comme prévu, ça a été une grosse déception mais je suis vite passé à autre chose. Ensuite, je n’ai pas eu de chance à l’OCC (abandon au 33ème km, NDLR). Mais c’est comme ça, on ne peut pas gagner tout le temps. Je sais que souvent je ne commence pas vraiment bien les saisons, mais si on regarde les deux années précédentes, finalement c’est aux États-Unis que j’ai réussi à faire tourner les choses à mon avantage.

Tu dis que tu as réussi à passer à autre chose après Sierre-Zinal, mais comment expliques-tu ce résultat ?

Rémi Bonnet : J’avais fait de bons entraînements et la forme était là, j’étais assez serein, pas stressé. Mais j’ai eu des problèmes de ventre en fin de course et ça m’a vraiment freiné. On a un regardé tout ça avec mon coach et on s’est aperçus que ces problèmes sont récurrents quand il fait très chaud. Mon ventre sature et je n’arrive plus à gérer, alors que je n’ai jamais ces problèmes quand il fait froid. J’ai fait des séances sous la chaleur pour tenter d’améliorer ça, mais ça ne suffit pas.

C’est une année un peu compliquée, avec plein de petits problèmes mais ça ne peut pas toujours aller dans le bon sens. Je sais qu’il y a eu des années où je n’ai fait aucun résultat et puis l’année suivante j’ai tout gagné. Je sais que j’en suis capable et il faut juste l’accepter. Quand tu sais que tu as déjà gagné deux fois le circuit tu te dis que ce n’est pas grave. Mais je pense que ça va tourner ! C’est vrai que gagner la Golden Trail Series trois fois de suite, ça serait cool pour vraiment enfoncer le clou jusqu’au bout.

Même si tu as une décroché une belle deuxième place au Mont-Blanc, ta « contre-performance » à Sierre-Zinal t’avait fait prendre du retard sur le haut du classement général. Et puis, coup du sort, la course en Pologne a été annulée, le règlement de la Golden Trail Series a changé et désormais, seules 3 courses comptent pour le classement général. Qu’est-ce que tu as ressenti à ce moment-là ?

Rémi Bonnet : Comme je le disais, la roue tourne souvent en fin de saison pour moi, souvent aux États-Unis. Du coup, je savais que tout pouvait changer ici et que rien n’était encore joué. Avec 4 courses, j’avais encore du temps pour remonter au général, mais c’est vrai que le fait que le résultat de Zinal puisse sauter ça me motive encore plus pour faire deux très bonnes courses ici aux États-Unis.

On a l’impression que cette année, le niveau est tellement dense que tu n’as plus vraiment la même marge d’erreur que les années précédentes…

Rémi Bonnet : C’est vrai qu’il y a du gros niveau cette année. Elhousine, par exemple, est un gros client pour le général. Il est super motivé, il a toujours dit que c’était son rêve de gagner la Golden Trail Series et je pense qu’il a les moyens de le faire cette année. Il faudra voir comment il court ici et je pense aussi que tout va se jouer à la finale. Même pour moi, même avec deux courses parfaites ici, si je ne cours pas bien à la finale, je ne gagnerai pas le circuit. C’est tellement serré au général que je pense que c’est celui qui arrivera à faire une grosse finale qui pourra faire la différence.

On est à deux jours de la première course aux États-Unis, comment te sens-tu ?

Rémi Bonnet : Je me sens bien. J’ai fait un petit record en début de semaine pour me rassurer un peu sur la forme. Les entraînements se sont bien passés et du coup j’ai juste envie de donner mon maximum. Je ne sais pas trop comment les autres se sentent mais on verra tout ça dimanche.

Ce record dont tu parles, peux-tu nous expliquer de quoi il s’agit ?

Rémi Bonnet : C’est un record de l’ascension du plus haut sommet autour de San Francisco dont j’avais entendu parler. Il était détenu par Jim Walmsley en 30’38 et j’ai fait 28’59. Je voulais le faire au moins une fois et puis je sais que ça me réussit bien de faire un effort intense comme ça quelques jours avant une course.

L’objectif pour toi est donc toujours de gagner la Golden Trail Series ?

Rémi Bonnet : Oui, clairement. J’ai déjà une deuxième place au Mont-Blanc, si je fais deux bonnes courses ici tout sera possible et j’ai clairement envie de gagner la Series 3 fois de suite. J’espère donc arriver en leader à la finale.

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Elhousine Elazzaoui, 2ème à Zegama derrière Kilian Jornet. Photo Mathis Decroux / GTWS

Elhousine, tu connais un début de saison exceptionnel, avec des podiums sur chacune de tes courses de la Golden Trail Series. Tu es actuellement premier du général à égalité de points avec Patrick Kipngeno, espérais-tu faire ce début de saison ?

Elhousine Elazzaoui : Oui, c’est effectivement le meilleur début de saison de ma carrière. Ce n’est jamais facile de bien commencer et ensuite d’être régulier sur toute la saison et c’est vrai que pour le moment tout se passe bien. On a bien commencé avec de nombreux podiums parce que j’ai voulu prendre les choses avec le plus de sérieux possible, en essayant de m’adapter au maximum à chaque situation et en essayant d’être plus régulier.

Qu’as-tu changé pour arriver à ce niveau de performance ?

Elhousine Elazzaoui : À peu près tout ! J’ai un nouveau team, on a travaillé sur la nutrition, j’ai changé ma façon de m’entraîner, beaucoup de choses en réalité. J’ai toujours eu beaucoup de gens qui m’encourageaient mais que peu de personnes qui m’accompagnaient dans ma pratique en me donnant les bons conseils. Avec NNormal on a développé beaucoup de choses ensemble et ça a l’air de fonctionner.

Alors qu’on t’a vu sur toutes les courses jusqu’en août, tu as ensuite décidé de faire l’impasse sur Sierre-Zinal, pourquoi ?

Elhousine Elazzaoui : J’avais fait mon planning en début de saison et Sierre-Zinal n’en faisait pas partie ! C’est une course qui ne m’a jamais vraiment réussi, il y fait souvent chaud et je n’ai jamais réussi à performer là-bas. Le début d’année confirmait d’ailleurs ce choix : avec de bons résultats, pourquoi prendre le risque d’aller sur Sierre-Zinal, en sachant qu’en plus c’est la course la plus relevée de l’année ? J’ai donc préféré faire l’impasse pour aller sur la course en Pologne qui correspondait beaucoup mieux à mes qualités.

Malheureusement, la course a été annulée, c’était une bonne décision selon toi ?

Elhousine Elazzaoui : Ce n’est jamais facile à prendre ce genre de décisions, d’autant que c’est la première fois que ça arrive sur la Golden Trail Series. Mais selon moi, la sécurité doit toujours primer et c’était donc une très bonne décision.

Pour autant, cela impacte tes résultats, toi qui avais déjà 4 très beaux podiums. Tu te retrouves désormais à égalité avec Patrick Kipngeno au général…

Elhousine Elazzaoui : Oui, c’est dommage, ça a tout changé dans le classement et d’autres coureurs qui étaient finalement mal embarqués, comme Rémi Bonnet ou Philemon Kiriago, sont relancés avec cette modification, mais c’est comme ça. C’est pour ça qu’il faut que j’aille aux USA, pour tenter de faire mieux afin de gagner encore des points.

Pour autant, tu as déjà une victoire et deux deuxièmes places, « faire mieux » cela signifie donc la victoire sur ces courses ?

Elhousine Elazzaoui : J’ai dit que je voulais faire un bon résultat, et pour moi, sur la Golden Trail Series cette année, les deuxièmes et troisièmes places ne me suffisent plus ! J’ai soif de victoires !

L’objectif c’est donc la victoire finale. Mais qui peut t’en empêcher ?

Elhousine Elazzaoui : Oui, j’ai toujours dit que je rêvais de remporter la Golden Trail Series mais cette année je suis vraiment en bonne position pour le faire. Cependant, avec les changements de classement j’ai désormais deux Kényans qui sont juste à côté de moi et je dois tout faire pour les surpasser. Après, à la finale, il y a toujours des coureurs qui se révèlent, mais si j’ai tout bien fait sur la saison il s’agira simplement de bien finir le travail !

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La saison 2024 de François D’Haene est sauvée ! Après 2 années de galères et blessures, et un abandon sur la Hardrock (l’un des seuls abandons de sa carrière), le coureur du team Salomon s’est imposé sur le Tor des Géants, sa première « aventure » d’ultra ultra trail. Mais le chemin a été long, et la polémique avec le Français Martin Perrier, qui l’a accusé de tricher, a bien agité la fin de course. Côté féminin, exploit de la Suissesse Katharina Hartmuth, qui devient la première concurrente à passer sous la barre des 80 heures !

Tor des Géants : François D’Haene retrouve le plaisir de courir

Après son abandon sur la Hardrock, on pouvait légitimement se poser quelques questions. Blessé à la cheville il y a bientôt 2 ans, ayant dû subir plusieurs opérations, François D’Haene parviendrait-il à revenir au plus haut niveau, celui qui lui a permis d’être 4 fois vainqueur de l’UTMB ? La réponse est arrivée mercredi 11 septembre, de façon éclatante : après 69h 08mn 32S et 3 nuits passées dehors, le Français a franchi la ligne d’arrivée du Tor des Géants en vainqueur. Une victoire comme un soulagement, pour lui et pour sa famille, mais aussi ses amis venus le soutenir, comme Jim Walmsley, que l’on a vu féliciter le Français à Courmayeur.

Les signaux étaient revenus au vert peu de temps auparavant. C’est durant le mois d’août, lors des repérages de cet immense tour de la vallée d’Aoste, en Italie, long de 330 km et 25000m D+, que François D’Haene avait commencé à faire preuve d’optimisme, après les mois de galère. « Les sensations sont été plutôt bonnes », avait-il commenté. Et son dernier bloc d’entraînement, en Beaufortain, avait été concluant : « J’ai retrouvé le plaisir de courir », avait ajouté le champion.

Tor des Géants François D'Haene
François D’Haene peut boire du champagne. Il est de retour !

Tor des Géants : François D’Haene accusé de tricherie

Pourtant, son plaisir de courir a été en partie gâché par les accusations d’un autre concurrent, le Français Martin Perrier. En tête après la mi-course, ce dernier a accusé François D’Haene de tricher en utilisant des pacers, ces meneurs d’allure qui courent avec les concurrents et leur apportent un soutien moral. Si les pacers sont autorisés sur certaines courses, comme sur la Hardrock, ils sont strictement interdits sur le Tor des Géants. Le règlement précise qu’au-delà de 50 mètres, le fait de courir avec une personne est interdit.

À plusieurs reprises lors de passages dans des points de contrôle, Martin Perrier a formulé devant témoins des accusations, prétendant avoir vu le Français courir avec des pacers. « J’ai deux trois soucis depuis que je sais que François D’Haene triche », l’a-t-on entendu dire lors d’un ravitaillement sur les live de retransmission du Tor. Et le coureur de poursuivre : « François D’Haene triche, il a des pacers avec lui ! » Plus tard, toujours lors d’un ravitaillement, Martin Perrier récidivera ses accusations, prenant à témoin un autre Français, Louis Calais : « Tu les as vu, toi, Louis, les pacers avec lui ? », l’interpellera-t-il, avant de réaffirmer : « Non, non, c’est des pacers avec lui. On est deux à l’avoir vu courir avec des gens ! »

De son côté, François D’Haene a fermement rejeté cette accusation, invoquant en revanche qu’une équipe l’avait suivie à certains points du parcours pour le filmer, dans le cadre de la réalisation d’un documentaire sur sa saison. De son côté, l’organisation de course précise qu’aucune réclamation officielle n’a été faite par le Suisse durant la course.

Encore plus étonnant, une lettre de menace a même été remise en main propre à François D’Haene durant la course, lettre dont les propos ont été relayés par son équipe sur les réseaux sociaux. Mais à l’heure actuelle, rien ne certifie que Martin Perrier ou son équipe en soient réellement les auteurs. Et, bien entendu, François D’Haene n’a pas cédé aux menaces.

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Source Instagram François D’Haene

Tor des Géants : Beñat Marmissolle second

Derrière François D’Haene, un autre Français avait surpris tout le monde en annonçant sa venue sur le Tor des Géants : Beñat Marmissolle. En proie à différents problèmes depuis sa déconvenue lors de l’UTMB 2023, le Basque, vainqueur de la Diagonale 2022, avait été contraint à l’abandon en avril 2024 lors du MIUT à Madère, et n’avait pris que la 133ème place du Tour des Lacs (80 km / 5000m D+) lors du Grand Raid des Pyrénées, fin août. Tout en maîtrise, Beñat Marmissolle n’a jamais quitté les 5 premières places du Tor, pour finir second en 73h 10mn 18s. Il devance Martin Perrier, arrivé 3ème deux heures plus tard. Un 4ème Français, Louis Calais, termine 6e, en 79h et 24s.

Tor des Géants Beñat Marmissolle
Beñat Marmissolle

Tor des Géants : Claire Bannwarth troisième féminine

Elle avait un programme de dingue pour ce début début septembre : enchaînement UTMB, SwissPeaks 360 et Tor des Géants, soit plus de 800 km et 70000m D+. Hélas, Claire Bannwarth, contrainte par un problème aux quadris après sa 18ème place féminine à l’UTMB et par une urgence au boulot, a dû renoncer à l’étape suisse. Qu’à cela ne tienne, elle avait annoncé vouloir « tout défoncer » sur le Tor, en mode vengeance. Et l’inusable française n’a pas été loin de remporter son pari, puisqu’elle termine sur le podium, à une belle troisième place.

C’est la Suissesse Katharina Hartmuth, vice-championne du monde de trail long 2023, en tête de bout en bout, qui s’impose en 79h 10mn 40s, battant le record de l’épreuve. Jamais une femme n’avait couru le Tor des Géants en moins de 80h avant elle ! Derrière, la lutte a été intense entre la Britannique Sabrina Verjee et Claire Bannwarth, mais c’est finalement la première qui a conservé la 2ème place, en 84h03, devançant la Française de moins d’une heure (85h02).

Tor des Géants Katharina Hartmuth
Katharina Hartmuth
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Après sa deuxième place au Marathon du Mont-Blanc et sa troisième place à Sierre-Zinal, la Roumaine Madalina Florea va tenter de remporter sa première victoire sur la Golden Trail World Series 2024 sur l’une des deux dernières étapes de la saison, aux États-Unis, avant la finale en Suisse en octobre. Nous l’avons rencontrée à quelques jours de la première des deux courses, la Headland 27K..

La dernière fois que nous avions discuté, tu venais de terminer 3ème de Sierre-Zinal. Depuis, tu t’es rendue en Pologne où la course a été annulée. Comment as-tu vécu cette décision ?

Madalina Florea : Ma première réaction a plutôt été d’être heureuse et soulagée parce que j’avais peur de cette course en réalité. Je la trouvais très technique, surtout avec de la pluie. Puis, j’ai pensé aux organisateurs et à tout ce qui s’est passé et je pense que c’était la bonne décision à prendre. Les conditions météorologiques étaient vraiment horribles.

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Madalina Florea à son arrivée à Chamonix lors du Marathon du Mont-Blanc, où elle termine 2ème derrière Judith Wyder. Photo Mathis Decroux / MMB

Les règles ont été modifiées à la suite de cette annulation et on ne prend en compte que 3 courses au lieu de 4 pour le classement général. C’est plutôt un avantage ou un inconvénient pour toi ?

Madalina Florea : Pour moi, c’était une excellente chose parce que sans cette modification, certaines filles qui n’avaient couru qu’une seule course avant la Pologne n’auraient pas pu finir la Series. Et moi, ce que je veux, c’est affronter les meilleures athlètes de la planète sur toutes les courses. Là, on va s’envoler pour les États-Unis et je suis très contente de voir certaines filles s’y rendre.

Je ne regarde pas trop le classement général. En revanche, ce que je regarde, ce sont les noms des filles sur les courses et ce que je vais pouvoir apprendre et améliorer sur chaque épreuve. Par exemple, au Mont-Blanc, j’ai changé ma tactique pour essayer de rester avec le groupe et ne pas partir trop vite. Aux États-Unis, j’ai envie de partir très vite, mais il va falloir gérer pour bien finir. Mais si je n’apprends rien sur une course, ça ne sert à rien, même avec la victoire.

Comment te sens-tu à quelques jours de la première course américaine ?

Madalina Florea : Je suis dans les montagnes en Roumanie et je viens de boucler un gros bloc. Quand je m’entraîne vraiment dur, j’ai parfois tendance à pousser un peu trop parce que je ne sais pas trop où j’en suis et j’ai un peu ce sentiment-là. Donc, j’ai pris deux jours de repos pour essayer de récupérer un peu. Je ressens quelques tensions musculaires, mais ça va.

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L’arrivée de Sierre-Zinal, avec une 3ème place à la clef. Photo Rising Story / GTWS / Justin Galant

Des deux courses américaines, quelle est celle qui te convient le mieux selon toi ?

Madalina Florea : Les deux je pense ! L’année dernière, j’ai fini 3ème à Mammoth mais en me perdant. Donc cette année, je vais aller rapidement checker les parcours pour ne pas faire la même erreur. Je veux gagner aux États-Unis !

Tu dis que tu essayes d’apprendre sur chaque course. Que penses-tu apprendre sur ces deux courses ?

Madalina Florea : Je pense que là, la clé sera d’appliquer ma stratégie à la lettre, parce que je sais que des filles comme Joyce Njeru ou Anna Gibson auront les mêmes qualités de vitesse que moi et que si je n’applique pas une stratégie de course parfaite, je n’arriverai pas à faire une bonne course. C’est pour ça qu’il faut que j’aille voir les parcours aussi, pour voir quelle stratégie appliquer. Mais clairement, je pense qu’il faudra partir suffisamment vite, sans pour autant aller trop vite, au risque d’exploser avant la fin.

Y a-t-il une fille que tu crains particulièrement ?

Madalina Florea : Je ne me concentre que rarement sur une seule fille. J’aurais bien aimé prendre ma revanche sur Joyline Chepngeno (la Kényane qui s’est imposée à Sierre-Zinal, NDLR) mais elle ne vient malheureusement pas aux États-Unis. J’aurais aussi beaucoup aimé affronter Maude Mathys là-bas, mais elle est blessée. Si je pouvais courir toutes les courses contre Maude, je serais la plus heureuse, je l’adore !

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Après un début de saison perturbé par une blessure au genou, la Chinoise Miao Yao a signé un retour fracassant sur les courses européennes. 3ème du Marathon du Mont-Blanc en juin, elle vient de récidiver sur les sentiers autour de Chamonix en remportant l’OCC, après avoir gagné la CCC en 2018. Reboostée, elle s’envole désormais vers les États-Unis où elle espère marquer de précieux points en vue de la finale de la Golden Trail Series, où elle ne pointe pour l’instant qu’à la 14ème place. Nous l’avons rencontrée pour faire le point sur son parcours 2024.

Golden Trail Series : Headlands 27K, 7ème étape du circuit

Pour les deux dernières étapes de cette saison 2024, la Golden Trail World Series se rend aux États-Unis. Le premier chapitre de cette épopée américaine sera la Headlands 27K, une nouvelle course créée à Mill Valley, à une vingtaine de kilomètres de San Francisco.

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La nouvelle étape de la Golden dans les Headlands. Photo GTWS

Miao, tout d’abord, félicitations pour ta victoire à l’OCC ! Que représente ce succès pour toi ?

Miao Yao : Cette victoire signifie que j’ai retrouvé ma forme. Cela prouve également que ma méthode d’entraînement actuelle est la bonne et me convient parfaitement.

Tu as battu plusieurs filles que tu affrontes habituellement sur la Golden Trail Series lors de cette course. Comment expliques-tu que tu étais la plus forte à Chamonix face à des coureuses comme Judith Wyder par exemple ?

Miao Yao : En réalité, depuis ma convalescence après ma blessure en mai lors de la course des Four Sisters (2ème étape de la GTWS, en Chine, NDLR), j’ai bénéficié de l’aide de mon coach actuel, Gregory Vollet, pour m’entraîner spécifiquement aux courses de trail courte distance. Greg m’a concocté un plan de récupération et d’entraînement qui a considérablement amélioré mes capacités globales en trail court, en particulier ma vitesse et mon endurance en montée. Je sens clairement que je suis devenue plus forte et je suis maintenant plus confiante pour rivaliser avec les meilleures.

De plus, lors des courses précédentes, il me manquait des stratégies de course intelligentes et des plans d’alimentation. Mais là aussi, mon entraîneur m’a aidé à élaborer une stratégie solide, et mon fiancé a calculé mes besoins et mon plan de nutrition en fonction de ma condition physique, des sections du parcours et de la météo. Bien sûr, Judith est incroyablement forte et la battre n’a vraiment pas été facile.

Revenons à la Golden Trail Series. Tu as déjà obtenu deux très bons résultats cette année, comment juges-tu ta première partie de saison ?

Miao Yao : Je n’étais pas satisfaite de mes résultats. La course des Four Sisters en Chine était une course à domicile pour moi, mais à cause de blessures et de mon entraînement pour le marathon, je n’avais pas fait de trail ou d’entraînement en montée durant les six mois précédant cette course. Compte tenu de ma condition physique et de mon entraînement à ce moment-là, finir sixième était un bon résultat, mais je n’en étais pas du tout contente.

Le Marathon du Mont-Blanc était ma première course de la Golden Trail Series après avoir récupéré de cette blessure, et je manquais un peu de confiance, donc j’ai un peu ralenti à mi-parcours et je ne suis pas restée avec le groupe de tête. J’avais hâte de courir en Suisse, à Sierre-Zinal, mais à cause de problèmes de visa, je n’ai pas pu y participer, et j’en suis encore un peu déçue.

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Miao Yao lors de l’étape chinoise des Four Sisters. Photo Colin Olivero / GTWS

Tu étais en Pologne où la course a été annulée pour des raisons de météo. Que penses-tu de cette décision ?

Miao Yao : Compte tenu des conditions météorologiques à ce moment-là, c’était une décision absolument nécessaire. Cela a assuré la sécurité de tous les athlètes, du personnel et des spectateurs, et je dois saluer leur courage et les sacrifices qu’ils ont faits. Après tout, ils avaient investi beaucoup de temps et d’efforts dans la préparation de cet événement. Personnellement, il y a un peu de déception car l’ambiance en Pologne est toujours fantastique. De plus, c’était une course clé pour préparer l’OCC, et j’ai raté l’occasion d’ajuster mon rythme de course.

Les règles ont changé suite à cette annulation, et cela signifie que seules trois courses comptent désormais pour le classement général. Est-ce un avantage ou un inconvénient pour toi ?

Miao Yao : Pour moi, ce n’est pas une bonne nouvelle. D’abord, parce que ma performance aux Four Sisters en Chine n’était pas idéale, et j’espérais améliorer mes résultats en Pologne. Pire encore, avec ces changements, Judith (Wyder) a été « relancée » et est revenue dans la compétition. Vous savez tous à quel point elle est redoutable. Elle est définitivement quelqu’un à surveiller !

Avec des résultats aussi solides et compte tenu de ta performance à l’OCC, quel est honnêtement ton objectif pour le classement général à la fin de la saison ?

Miao Yao : J’ai toujours voulu remporter la Golden Trail Series. Cependant, la situation ne joue pas vraiment en ma faveur en ce moment. Je vais devoir réaliser une performance exceptionnelle aux États-Unis et marquer suffisamment de points pour me relancer dans la course au titre avant l’épreuve finale.

Peu de gens te connaissent réellement en Europe, même si cela a certainement changé depuis que tu as remporté l’OCC. Qui est Miao Yao ?

Miao Yao : Ils ne me connaissent pas parce que les réseaux sociaux n’étaient pas aussi populaires quand j’ai remporté la CCC en 2018. Je plaisante, bien sûr ! Si gagner la Golden Trail Series peut changer cette perception et aider plus de gens à me connaître, alors ça ne me dérangerait pas de changer ça chaque année ! Mais pour répondre à la question : Miao Yao est simplement une fille chinoise qui aime la montagne et est passionnée par le trail.

Quelles sont tes forces et tes faiblesses en trail ?

Miao Yao : Ma force réside dans ma vitesse sur le plat. Ma faiblesse, c’est que je ne suis pas assez rapide dans les montées.

Pourquoi as-tu décidé de participer à la Golden Trail Series ?

Miao Yao : Tout d’abord parce que la Golden Trail Series accorde plus d’attention et de respect aux athlètes féminines. Ensuite, la compétition y est plus intense, ce qui la rend plus excitante. De plus, toute la série est diffusée en direct, ce qui permet à plus de gens, en particulier ma famille, de regarder. Enfin, en Chine, la compréhension du trail courte distance est encore limitée. Je veux faire découvrir à plus de passionnés chinois l’attrait des trails de courte distance et les aider à l’apprécier et à en tomber amoureux.

Comment la Golden Trail Series est-elle perçue en Chine ? Et plus généralement, quel est l’état du trail en Chine ?

Miao Yao : Aujourd’hui, ceux qui connaissent le trail reconnaissent la Golden Trail Series comme l’événement de référence pour les courses de trail courte distance. Cependant, la plupart des gens associent encore le trail aux longues distances. Auparavant, les événements de trail en Chine n’étaient pas diffusés en direct dans leur intégralité ; les gens regardaient principalement des extraits en direct, comme pour les événements de l’UTMB, et se fiaient surtout aux faits marquants sur les réseaux sociaux.

Pour la première fois cette année, la Golden est venue en Chine. Est-ce une bonne chose selon toi ?

Miao Yao : Je pense que c’est une merveilleuse évolution car cela permet à plus de traileurs chinois comme moi de participer à ces courses de courte distance très compétitives et captivantes, et de découvrir une nouvelle forme de vitesse et d’excitation dans le trail. D’ailleurs, depuis que la Golden Trail Series est venue en Chine, la popularité des courses de courte distance a explosé, avec de plus en plus de discussions autour du trail. Aujourd’hui encore, chaque événement de trail évoque des souvenirs de la couverture en direct et des images de la Golden Trail Series. En tant qu’athlète chinoise, je suis aussi ravie que des coureurs du monde entier puissent venir en Chine pour découvrir sa culture unique, sa beauté scénique et sa délicieuse cuisine. Et j’espère sincèrement que la Golden Trail Series reviendra en Chine l’année prochaine !

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Après plusieurs mois de suspense, c’est désormais officiel : le Grand Raid Ventoux vient d’intégrer le circuit UTMB World Series. Cette course mythique, créée depuis près de 30 ans et organisée par le Team Sport 84 depuis 10 ans, deviendra le sixième événement français du circuit en 2025. Les quatre formats de course, du 20K au 100M, auront comme lieu de départ et d’arrivée la ville de Malaucène, au pied du Mont Ventoux. Les courses auront lieu du 25 au 27 avril 2025, et l’ouverture des inscriptions aura lieu le 16 septembre prochain.

Grand Raid Ventoux : 30 ans d’histoire et d’engagement

Passionnés de sports et d’aventures et animés par la volonté de collecter des fonds pour les Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de Vaucluse, qui sont sous l’égide de l’Union Départementale du SDIS 84, les membres de l’association Team Sport 84 ont repris l’organisation du Grand Raid Dentelles Ventoux il y a près de 10 ans. L’événement fêtera bientôt ses 30 ans d’existence. Derrière chaque kilomètre de sentier, se trouve une équipe de Sapeurs-Pompiers Professionnels ou Volontaires du SDIS de Vaucluse, épaulés par des bénévoles, tous rassemblés autour d’une même passion : le sport. Grâce à son intégration au circuit UTMB World Series, l’événement s’apprête à franchir une nouvelle étape de son développement tout en continuant de célébrer les valeurs de solidarité, de respect de l’environnement, et d’excellence sportive. 

En plus de son volet sportif qui va prendre une nouvelle dimension, le Grand Raid Ventoux by UTMB reste très engagé envers l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers du Vaucluse, un engagement historique pour les deux fondateurs Pieryves Coudray et Laurent Belmonte. Deux euros par dossard seront ainsi reversés à cette association, perpétuant une tradition de soutien qui est au cœur de l’événement depuis sa création. 

Grand Raid Ventoux by UTMB 100K
Photo Grand Raid Ventoux by UTMB

Grand Raid Ventoux by UTMB : 4 formats au départ de Malaucène

Le Grand Raid Ventoux by UTMB aura lieu du 25 au 27 avril 2025 et proposera 4 formats de course : 100M, 100K, 50K et 20K. Seul événement de la région à offrir un format 100M, il propose un défi unique aux ultra-traileurs. Toutes les épreuves partiront de Malaucène et offriront aux coureurs une immersion dans le paysage provençal, entre ses vignes, ses villages perchés et l’imposant Mont Ventoux, surnommé le « Géant de Provence ». Les longs formats permettront de plus de découvrir les sentiers techniques des Dentelles de Montmirail ou ceux surplombant le Toulourenc. Ces parcours, déjà reconnus pour leur beauté et diversité, allient parfaitement défi sportif et découverte d’un territoire au riche patrimoine naturel. 

« Rejoindre le circuit UTMB World Series était pour nous une évidence, a déclaré Pieryves Coudray, co-fondateur et directeur technique du Grand Raid Ventoux. Nous voulions non seulement structurer et développer notre événement, mais aussi offrir à notre communauté de traileurs l’opportunité de vivre une expérience unique dans leur région, tout en mettant en lumière le Mont Ventoux, un territoire emblématique que nous aimons tant. » 

Grand Raid Ventoux by UTMB : les 4 formats en détail

GRV – 100M
La distance reine de l’événement et le seul 100M de la région. Des collines pittoresques à l’imprévisible Mont Ventoux, le 100M plongera les coureurs dans la nature sauvage et les panoramas grandioses de la face nord du Géant de Provence. Départ vendredi 25 avril 2025. Distance : 124 km. Dénivelé : 6 500 m D+.
En savoir plus : ICI 

GRV – 100K 
Un ultra-trail qui amène les coureurs à la découverte de la beauté du territoire : entre lieux emblématiques, collines pittoresques et vues imprenables. Départ smedi 26 avril 2025. Distance : 83 km. Dénivelé : 4 500 m D+.
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GRV – 50K
Une immersion au cœur de la nature préservée du Ventoux et de la Provence attend chacun des participant de cette distance intermédiaire. Départ samedi 26 avril 2025. Distance : 47 km. Dénivelé : 2 100 m D+.
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GRV – 20K
Le format court de l’événement, qui plonge chaque coureur dans l’essence du Ventoux et au cœur du Parc Naturel du Mont Ventoux. Départ dimanche 27 avril 2025. Distance : 26 km. Dénivelé : 1 100 m D+.
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Champion d’Europe de course en montagne « Up & Down » début juin, 3ème du Marathon du Mont-Blanc fin juin, 5ème de Sierre-Zinal et 2ème non Kényan après Kilian Jornet, le Suisse Roberto Delorenzi rêve d’une fin de saison éclatante sur la Golden Trail Series, où il est actuellement 3ème au classement général. Rencontre avant les 2 étapes américaines du 15 et du 22 septembre et la finale… en Suisse !

Avant le Marathon du Mont-Blanc tu confiais être déçu de ton début de saison en Asie, tout en affirmant que tu pouvais faire mieux. Après tes bons résultats de l’été, tu pointes en 3ème position. Quel retour !

Roberto Delorenzi : Oui, effectivement après les championnats d’Europe je suis allé m’entraîner avec des amis pendant plusieurs semaines où j’ai pu faire de belles séances avec beaucoup de kilomètres en altitude. Avec les sensations que j’avais je m’attendais à un bon résultat ensuite. Je suis parti vite sur le Marathon du Mont-Blanc et j’ai réussi à conserver ce bon résultat. Puis je suis revenu m’entraîner en altitude, et à Zinal aussi tout s’est passé comme je l’espérais et j’étais très content de ce résultat également. Mais ensuite, j’ai eu 10 jours de fatigue et je me suis rendu à l’ECC à Chamonix alors que je n’étais pas au mieux, et après 30 minutes je me suis senti épuisé et j’ai donc ralenti. Depuis, j’ai pris une petite semaine de repos et maintenant j’ai remis un peu de volume avant de partir aux États-Unis pour les deux dernières courses.

Qu’as-tu ressenti quand tu as franchi la ligne du Marathon du Mont-Blanc en 3e position ?

Roberto Delorenzi : Le Marathon du Mont-Blanc, c’était assez exceptionnel parce que jusqu’à Vallorcine je me suis senti vraiment bien. J’étais capable de courir avec les Kényans, j’avais de bonnes sensations et je savais que je pouvais aller chercher la victoire ensuite. Quand j’ai franchi la ligne j’étais vraiment content parce que, oui, j’étais déçu de mes courses en Asie. Ok, j’ai fait 7ème au Japon, mais ce n’est pas Sierre-Zinal, il n’y a pas la même densité et finalement ce n’était pas un bon résultat.

Voir le résumé du Marathon du Mont-Blanc 2024 en vidéo ICI

Justement, parle-nous aussi de ta course à Sierre-Zinal !

Roberto Delorenzi : C’est une course que j’ai faite trois fois et elle m’a toujours convenu avec cette grosse montée au début puis cette longue partie rapide. Je savais que le niveau était élevé cette année et que ça serait très difficile. Kilian [Jornet] a poussé très fort dès le début mais je me suis senti très bien dans la montée, même en poussant fort, et sur le plat ensuite j’ai eu aussi de bonnes sensations. Je me suis retrouvé avec un coureur colombien, on s’est aidés mutuellement jusqu’à la ligne. Je finis à la même place que l’année dernière, 5ème, mais avec deux minutes de moins.

Photo Colin Olivero - GTWS - @rising.story SierreZinal 2
A l’arrivée de Sierre-Zinal, en 5ème position. Photo Colin Olivero – GTWS – @rising.story

Tu es ensuite allé en Pologne où la course a été annulée pour des raisons météo. C’était une bonne décision selon toi ?

Roberto Delorenzi : Oui, clairement ! Les orages étaient dangereux. En fait, il aurait peut-être fallu ne pas laisser partir les filles pour avoir plus de solutions. On aurait peut-être pu attendre et courir l’après-midi, parce que le temps était meilleur ensuite. Mais comme les filles étaient déjà parties, c’était trop tard. À ce moment-là, la seule solution était de les arrêter et d’annuler la course. C’est juste dommage pour tous les athlètes qui ont voyagé et sont venus de loin, mais c’est comme ça.

Les règles ont changé depuis : seules trois courses vont désormais compter pour le classement général avant la finale. Est-ce que c’est un bon ou un mauvais point pour toi ?

Roberto Delorenzi : Je pense que ça aurait été mieux pour moi avec 4 courses parce que j’ai prévu de courir presque toutes les courses. Maintenant, je pense que c’est une très bonne décision parce qu’il y avait beaucoup d’athlètes qui avaient prévu de ne courir que les 4 dernières courses, et avec cette course en moins ils se retrouvaient hors-jeu pour le général. Mais en ce qui me concerne, oui, j’aurais préféré 4 courses sur 7 courues de mon côté, plutôt que 3.

Tu es maintenant sur le point de t’envoler pour les États-Unis, où auront lieu les 14 et 15 septembre les Headlands (28 km / 1 304 m D+) et le 22 septembre le Mammoth Trail Fest (26 km / 1 250 m D+). Pourquoi avoir voulu participer à ces courses alors que tu as déjà 3 courses validées et que tu es en très bonne position au général ?

Roberto Delorenzi : Cela fait deux ans que je fais le trip américain avec la Golden Trail Series, et j’ai à chaque fois pris beaucoup de plaisir avec le groupe. J’aime les courses là-bas, les endroits que l’on visite aussi. Donc j’avais envie de revivre ça en essayant de prendre un maximum de plaisir sur les courses. Je vais bien sûr donner mon maximum mais si ça ne se passe bien, je sais que j’ai déjà de bons résultats et que ce n’est pas très grave.

Photo Colin Olivero - GTWS - @rising.story SierreZinal
Au passage du virage des Suisses, à Sierre-Zinal. Photo Colin Olivero – GTWS – @rising.story

Si on regarde comment les choses ont évolué depuis les premières courses en Asie, quel est ton objectif pour la fin de saison sur la Golden Trail Series ?

Je veux préparer la finale comme il faut. Je pense que c’est une bonne chose de pouvoir aller aux USA sans trop de stress. L’important, c’est la finale en octobre, un mois plus tard. L’année dernière, j’ai fini 6ème, donc un top 5 serait quelque chose de génial.

Et tu penses que c’est réaliste avec le niveau actuel ?

Je pense que c’est réaliste si je fais une bonne finale. Ça ne sera pas facile mais c’est faisable. Je sais que Philemon [Kiriago] peut revenir fort et bien courir à la finale. D’autres coureurs peuvent aussi tirer leur épingle du jeu aux USA et à la finale ensuite. Rémi [Bonnet] est de retour aussi. Donc si on compte les 3 ou 4 coureurs qui seront devant, il restera ensuite une ou deux places qu’il faudra essayer d’aller chercher.

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À peine rentré en Norvège après son exploit dans les Alpes, où il a relié les 82 sommets de plus de 4000 mètres en 19 jours, Kilian Jornet, reposé et détendu, est revenu sur sa performance. Interview.

Kilian, comment te sens-tu aujourd’hui ?

Kilian Jornet : Franchement, ça va ! Je suis rentré directement en Norvège et j’ai pris quelques jours de repos, et physiquement je pense qu’on a bien géré le truc parce que je n’ai pas perdu de poids. J’ai le même poids au début de Sierre-Zinal qu’à la fin des Écrins, donc ça veut dire que sur le plan métabolique j’ai réussi à bien récupérer de jour en jour. Donc, sur le plan physique, en dehors d’une côte cassée durant une traversée, ça va, je n’ai eu aucune douleur dans les pieds ou dans les mains.

Est-ce que tu t’étais fixé un objectif en nombre de jours ?

Kilian Jornet : Je n’avais pas fixé d’objectif, parce que ça dépend tellement des conditions. J’avais prévu des temps de passage qui étaient possibles avec des conditions parfaites, et qui se faisait en 15 jours. Et c’est en fait ce qui s’est passé si on enlève les jours de mauvais temps et les jours où j’ai dû changer de parcours à cause du mauvais temps, comme dans l’Oberland. Après, je savais bien que je n’aurais jamais jamais des conditions parfaites tout le long, du beau temps, de la glace dure, de la roche qui ne se détache pas trop… C’est impossible. C’est pour ça que je n’avais pas d’objectif de temps, mais uniquement des prévisions pour savoir où est-ce que je pourrais prendre un peu de temps pour manger ou dormir… 

Comment te sentais-tu le dernier jour, sur le plan énergie ?

Kilian Jornet : Physiquement, j’aurais pu continuer. La journée au Grand Paradis par exemple, je me sentais très bien, très en forme. Même aux Écrins, ça allait. Mais il y a aussi aussi un côté plus mental, émotionnel. Le plus dur, quand on met à part le côté physique, mais je m’étais entraîné pour ça, c’est de rester attentif et être très concentré tout le long. Ça demande beaucoup d’énergie ! À la fin de l’étape du Mont-Blanc, par exemple, j’étais bien content de finir. 

Alpine Connections - Stage 6 Valais - A Visuals
Alpine Connections – Stage 6 Valais – A Visuals

As-tu eu le sentiment de prendre des risques ?

Kilian Jornet : Je n’ai pas l’impression d’avoir pris des risques incontrôlés, j’ai essayé de tout contrôler, mais c’est vrai que les étapes de l’Aiguille Verte et des Droites, c’était bien chaud toute la journée, avec pas mal d’éboulements et des décisions un peu chaudes. Mais je savais bien que les conditions en fin d’été seraient ainsi. Ce qui était positif dans le fait de faire ce projet en fin de saison, c’est que sur les glaciers, on voyait bien les trous et les crevasses. Mais d’un autre côté, au niveau des rimayes et de la stabilité des cailloux, c’était bien pourri. Je savais que j’allais rencontrer ces risques-là, c’est pour ça que ces journées-là, j’étais content quand elles se finissaient. Et je n’avais pas envie de les refaire.

Quel est le niveau d’escalade le plus dur que tu aies effectué en degré technique ?

Kilian Jornet : Je pense que c’est la traversée des Aiguilles du Diable, c’est du 5C. Après c’est du super bon rocher donc ça passe très bien. Après il y a des endroits comme par exemple, sur l’arête des Droites, pour bien rester sur le fil, ou sur sur le Grand Pilier d’Angle, pour éviter les zones d’éboulement et rester bien protégé, c’était des endroits assez techniques et dangereux. 

Noa Barrau-ALPS-Stage-14-2
Noa Barrau-ALPS-Stage-14

Est-ce que tu peux envisager un enchaînement similaire en Himalaya ?

Kilian Jornet : Oui, ça serait faisable et j’y pense souvent. Peut-être pas avec la même distance parce qu’avec l’altitude tu avances beaucoup plus lentement, mais dans la philosophie, c’est envisageable de faire des projets comme ça à l’avenir.

Pourquoi es-tu resté aussi discret sur ce projet Alpine Connexions ? Tu n’en as pas parlé avant début août !

Kilian Jornet : Je voulais rester concentré sur Sierre-Zinal, et je savais que si je parlais de ce projet on aurait discuté que de ça, et je n’aurais pas pu me concentrer sur la course. J’ai donc préparé Sierre-Zinal et après la course, j’ai coupé les réseaux donc je ne savais pas ce que les gens disaient. (Rires.)

Justement, il y a des rumeurs qui disaient que tu voulais hacker l’UTMB en faisant ton projet aux mêmes dates… 

Kilian Jornet : Je pense que ce sont des conneries ! Déjà, vouloir faire une comparaison entre ce projet qui comporte des risques énormes, et une course comme l’UTMB, c’est n’importe quoi. Je n’allais pas jouer ma vie pour ça. Dans ma décision de faire ce projet à cette période, il y avait le fait que je voyageais avec ma famille à Sierre-Zinal, et que je voulais profiter de ce voyage pour faire ça, et que je le faisais en fonction de la météo. Donc, après la course, j’ai attendu d’avoir une fenêtre météo plus ou moins favorable pour me lancer.

Et le choix de le faire à la fin de saison, comme je le disais, c’était par rapport aux glaciers. Comme j’ai fait la plupart des étapes tout seul, je préférerais que les glaciers soient secs pour voir un peu plus les trous et les crevasses, même si je savais qu’au niveau des rimayes et des chutes de pierres, ce serait un peu plus compliqué. 

Kilian Jornet Alpine Connections
Alpine Connections

Ouvrir de nouvelles voix, comme le fait Benjamin Védrine, avec beaucoup de technicité, est-ce que cela t’intéresse ?

Kilian Jornet : Moi j’aime quand il y a du mouvement, donc quand ce n’est pas trop difficile et qu’on peut bouger. 

Qu’est-ce que tu retires de cette expérience au niveau personnel, en tant qu’homme et coureur ?

Kilian Jornet : Il y a des moments, comme la montée du Weisshorn avec le coucher de soleil, la sensation de fuir, les paysages, c’est ça que je retiens : ce sont des instants précieux. 

Tu as accumulé de nombreux datas au cours de ces 19 jours. Qu’est-ce que tu en attends ?

Kilian Jornet : On a pris énormément de données, que ce soit au niveau du microbiote, au niveau sanguin, des données cognitives avec la pupillométrie, On va mettre plusieurs mois à rassembler tous ces datas, et plusieurs mois encore à tous les analyser, mais ça va être intéressant d’essayer de comprendre où est-ce que physiologiquement, métaboliquement et cognitivement on change. Est-ce qu’on change au niveau épigénétique ? Y a-t-il des adaptations pendant ce type d’effort ? Je n’attends rien de précis, j’attends de voir si cela montre quelque chose.

Quand tu as parlé de ce projet à tes amis alpiniste, Matheo Jacquemoud, Michel Lanne, comment ont-ils réagi ? Ont-ils essayé de te dissuader ?

Kilian Jornet : Non, pas du tout. J’avais déjà bien travaillé le parcours et quand je l’ai expliqué, c’était déjà bien réfléchi. Je les ai consultés plus pour savoir ce qu’ils pensaient de certains passages que j’avais imaginés, eux, ils connaissaient mieux les sommets que moi et pouvaient me donner des conseils sur par où passer, comment aborder par exemple l’arête du Diable. C’était vraiment des choses très concrètes, plus qu’un avis sur l’ensemble du projet. 

Alpine Connections - Stage 5 - A Visuals 3
Alpine Connections – Stage 5 – A Visuals

Comment expliques-tu qu’un alpiniste comme le Suisse Ueli Steck, qui était vraiment très rapide, ait mis 62 jours pour gravir les 82 sommets, et toi seulement seulement 19 ? Pourquoi une telle différence ?

Kilian Jornet : Déjà, je pense que parler de record n’a pas beaucoup de sens sur des projets comme ça, car c’est toujours toujours différent par rapport aux conditions et aux façons d’aborder le projet. Ueli avait utilisé le parapente par exemple. En terme de projet, ça ressemble plus à Nicolini et Giovannini (les deux alpinistes italiens Franco Nicolini et Diego Giovannini ont mis 60 jours pour grimper les 82 4000 dans les mêmes conditions que Kilian Jornet, sans utiliser de véhicule motorisé, en 2008, NDLR).

Mais la grosse différence, elle est plus dans le concept. La façon dont ils ont abordé la chose, c’était d’aller dans un massif et d’en grimper tous les sommets. Bien sûr, il y avait quelques enchaînements logiques, mais ensuite ils allaient dans un autre massif, et ils montaient tous les sommets. Bon, il y a des sommets isolés, comme Piz Bernina, Combin, Grand Paradiso et Écrins, mais le reste, ça fait trois gros massifs, Oberland, Valais et massif du Mont-Blanc. Et dans ces massif, pour moi, l’idée, c’était de trouver une ligne qui me permettait, à partir du moment où je quittais la vallée, de rester tout le temps en montagne et de faire un parcours assez logique en suivant les crêtes pour ne redescendre que quand les sommets étaient faits.

Cela supposait que je dormais dans des refuges ou des bivouacs, mais je ne redescendais jamais en vallée. Cela permet d’aller beaucoup plus vite, parce que tu parcours beaucoup moins de distance. Mais d’un autre côté, ce sont des journées beaucoup plus longues parce que tu ne peux pas descendre et dormir, et ce sont des conditions plus difficiles, parce que tu ne parcours pas tout le temps des voies normales, et qu’il y a des portions que tu dois faire de nuit, d’autres quand il fait trop chaud. Je pense donc que la différence de temps n’est pas par rapport au physique, mais à la conception du projet.

Tu as fait une partie des sommets accompagné. C’était ceux que tu ne connaissais pas ? 

Kilian Jornet : J’ai dû faire entre 35 et 40% de sommets accompagné, le reste tout seul. Et les parties que je ne connaissais pas, comme l’Oberland où je n’étais jamais allé à part sur la face Nord de l’Eiger que j’avais fait avec Ueli Steck, mais qui ne faisait pas partie du projet, je les ai faites tout seul. Le fait d’être accompagné, c’était aussi pour me changer mentalement, pour être plus relaxe, et ne pas avoir à réfléchir tout le temps au parcours. Cela m’a permis d’avoir un relâchement mental qui était important. 

Comment as-tu réussi à rester concentré et précis pendant 19 jours avec si peu de sommeil ?

Kilian Jornet : C’est un de mes acquis que de savoir rester calme et concentré pendant longtemps dans des situations comme ça. Je suis très habitué à aller seul en montagne en Norvège, donc j’ai cette habitude de faire attention tout le temps. Pour moi c’est une des clés de ce type de projet. Mais cela peut aussi être dangereux, car quand tu es seul tout le temps, tu apprends à trouver les solutions pour te sortir de certaines situations, mais d’un autre côté, la prise de risque existe.

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Nick Danielson-ALPS-Stage-7-Valais

Quel est ton regard sur l’état des Alpes et des glaciers ?

Kilian Jornet : Cela faisait sept ou huit ans que je n’étais pas venu dans les Alpes pour grimper, et j’ai quand même été bien étonné par le changement qu’il y a eu, notamment par rapport aux courses qui étaient toujours en neige ou en glace, comme par exemple l’arête de Bionnassay ou la partie finale de la Dent Blanche, et qui sont maintenant mi-rocher. Cela m’a quand même bien surpris. J’ai été aussi surpris par les éboulements et les chutes de pierres. Ça a toujours existé, c’est très fréquent, mais pour certains sommets comme la Verte, la Droite, ça a complètement changé la physionomie de la montagne. L’arête du Moine n’existe plus, c’est du sable !

Dans les années 80, il y avait des alpinistes qui étaient précurseurs et allaient très très vite dans les ascension des faces Nord, comme Christophe Profit ou Éric Escoffier. À l’époque, ça avait suscité une polémique, parce que finalement ils réduisaient l’ascension d’une face Nord à 24 heures et certains les avaient accusés d’avoir tué l’alpinisme. Est-ce qu’en réduisant la traversée des Alpes à 19 jours, tu ne tues pas un peu le rêve ?

Kilian Jornet : C’est une discussion qui existe depuis toujours, on voyait déjà ça dans les récits du début du siècle précédent. L’homme aime bien discuter, même si le fond de la discussion n’est pas important. Là, je pense que c’est juste pour discuter. Dans l’alpinisme, on parle beaucoup de difficulté, et la vitesse est un des moyens d’accéder à cette difficulté. 

As-tu suivi une préparation spécifique pour ce projet ?

Kilian Jornet : Pas spécifique dans le sens où, les cinq dernières semaines avant le départ, on prépare ça ça et ça. C’est une préparation au long terme, qui demande d’acquérir les capacités techniques et de savoir-faire avec les cordes, les crampons. C’est beaucoup d’expérience, ça prend des dizaines d’années pour être capable de maîtriser ces techniques, et au niveau mental, d’être capable de faire du solo quand il fait mauvais et que les conditions sont un peu pourries. En Norvège, on s’entraîne souvent souvent dans du mauvais temps donc je me suis habitué à être confortable dans ces situations. Après, il faut être en forme. Mais ça, c’est comme pour les courses. J’avais fait une préparation spécifique pour Sierre-Zinal, mon hygiène de vie était bonne, ma santé était bonne, et j’ai continué juste après la course donc ça allait. 

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Nick Danielson-ALPS-Stage-10-GrandCombin

Quand tu pars sur des étapes de 30 à 32 heures, comment gères-tu la nutrition ?

Kilian Jornet : C’est une des difficultés parce que dans un sac de montagne, tu ne peux pas amener grand-chose. Donc on essayait de manger bien et beaucoup quand on était en bas, avec des aliments, anti-inflammatoires, de la protéine de qualité, des aliments riches en probiotiques, et quand j’étais en montagne, je partais avec 1 litre d’eau qui, parfois, pouvait me durer 20 heures, parfois moins, et je remplissais dans les refuges.

J’ai essayé surtout de manger par rapport au rythme circadien. Par rapport à une course où il faut manger tout le temps beaucoup beaucoup beaucoup, ici comme c’est très long j’essayais de manger quatre ou cinq fois dans la journée, en partant avec des choses qui allaient bien, comme des sandwiches spéciaux avec une crème à base de légumes, des fruits secs, du fromage frais… Et après, il y avait aussi ce qu’on trouvait dans les refuges. Mais je savais que je n’arriverais jamais à manger ce que j’avais dépensé en calories.

Quand on a accompli des performances pareilles, a-t-on encore la motivation pour aller courir un Zegama ou un Sierre-Zinal ?

Kilian Jornet : Oui, et ce qui me motive pour aller faire des courses comme ça, c’est qu’il y a toujours un gros niveau. Ça me motive de pouvoir dire « allez les jeunes, on est encore là ! » et ça me motive aussi pour m’entraîner. Après, c’est pas la même émotion qu’il y a 20 ans de gagner ces courses-là. Et c’est pour ça que je ne fais pas 20 courses dans l’année. Mais cette année, à Sierre-Zinal c’était top, avec une belle bagarre jusqu’à la fin.

Tu as déjà une énorme carrière derrière toi. Comment tu te projettes dans 10 ans ?

Kilian Jornet : Je ne me projette pas. Je profite au jour le jour, et j’aimerais bien continuer à profiter de la montagne, mais plus lentement, c’est sûr.

Kilian Jornet Connections
Alpine Connections
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Le 13 août 2024, Kilian Jornet s’est lancé dans le projet le plus difficile de sa carrière sur les plans physique, mental et technique. En 19 jours, il a gravi les 82 sommets de plus de 4000 mètres répertoriés dans les Alpes, tout en ayant parcouru 1207 kilomètres et avalé 75344 mètres de D+ en 267 heures d’activité sans utiliser de véhicules motorisés. C’est dans les Écrins qu’il a achevé le 31 août un voyage qui restera à jamais gravé dans sa mémoire, l’un des plus grands défis qu’il ait jamais relevés en raison de l’exposition, de la difficulté technique et de la concentration qu’il a nécessité.

Dans un mélange de course à pied, d’alpinisme, d’escalade et de cyclisme, Kilian Jornet a réuni dans ce projet tout ce qui le passionne : admirer la majesté des montagnes, embrasser l’inconnu, rendre hommage à l’alpinisme et à ses mentors et continuer la recherche physiologique ainsi que le dépassement de ses limites physiques et mentales, tout en partageant l’expérience avec ses amis et sa communauté. En attendant le film de cet exploit retentissant, qui devrait sortir en 2025, nous vous partageons 6 séquences issues des premiers rushs de cette aventure hors du commun, aimablement transmises par l’équipe du Patron. Du Kilian comme on l’aime, simple, humble et déterminé.

Pour tout savoir sur les précédents records des 82 4000m, c’est ICI

19 jours pour 82 sommets de plus de 4000m : un exploit « impossible »

Partant du Piz Bernina (4049 m) en Suisse et terminant à la Barre des Écrins (4102 m) en France, Kilian Jornet a repoussé ses limites physiques et mentales dans une démonstration de technique, de planification, de précision et d’adaptation difficile à comprendre pour ceux qui n’ont jamais fait d’alpinisme. En chemin, le Patron a gravi certaines des montagnes les plus emblématiques des Alpes, comme le Mont Rose (4634 m), le Cervin (4478 m), l’Aiguille Verte et le plus haut de tous, le Mont Blanc (4809 m).

Lorsque Kilian Jornet s’est élancé dans le village de Saint-Moritz, en Suisse, le 13 août, il ne savait pas jusqu’où il pouvait aller. Son objectif était bien de relier tous les sommets, mais il a décidé de le faire au jour le jour. C’est ce qui l’a amené à structurer le projet en étapes, lui permettant de les gérer physiquement, mentalement et logistiquement.

Lire l’article consacré à cette aventure ICI

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Certains sommets ont nécessité une grande maîtrise de l’alpinisme sur rocher. Photo Noa Barrau.

Alpine Connections : Michel Lanne admiratif

Lorsque Kilian Jornet a parlé à son projet à son ami alpiniste et traileur de très haut niveau Michel Lanne, victorieux de la CCC en 2016, de la TDS en 2017 et sauveteur en montagne au sein du PGHM, celui-ci s’est interrogé. Il raconte le côté démentiel du défi, mais aussi l’homme incroyable qu’est le Patron, et l’immense respect qu’il lui inspire :

« Ce printemps, quand il m’explique le détail de ce projet, je suis à la fois conquis par l’idée, mais assez perplexe quant à la faisabilité d’un tel exploit. Sauf que ce vieux pote avait tout prévu, absolument tout ! Il m’envoie alors les itinéraires, les timings, les sommets, l’équipement prévu, et même son plan de nutrition pour un peu plus de 2 semaines. Connaissant l’animal, je comprends que sa détermination est totale, que ce projet de titan lui correspond complètement, et qu’il est le seul capable de réaliser un tel exploit. Dans le milieu, on parle souvent de chasse aux 4000. En ce qui concerne Kiki, cet enchaînement semblait tellement logique et naturel, que je qualifierais ça de cueillette de 4000 !

Les chiffres permettent peut-être de comprendre l’ampleur de ce qu’il vient de réaliser… Mais au-delà de la performance physique colossale, c’est l’aspect mental et psychologique qui m’a le plus frappé. Malgré des journées monstrueusement longues et éprouvantes, malgré la fatigue et le peu de sommeil, il a su faire preuve d’une vigilance de chaque instant, a su gérer la tension nerveuse, le risque et l’effort, en gardant en permanence une lucidité, une clairvoyance, une anticipation et une vigilance hors norme. Et repartir chaque nuit avec le sourire, heureux et avide de profiter de la montagne. Et ce dont je suis certain aujourd’hui, c’est que pendant ces 19 jours, tu as déroulé cette magnifique partition sans aucune fausse note. Tu étais simplement à ta place, dans ton milieu naturel. Chapeau bas l’ami ! »

Kilian Jornet Alps
Malgré la fatigue, un homme heureux. Photo Alpine Connections / DR

Alpine Connections : un projet scientifique

La passion de Kilian Jornet pour la science et les connaissances scientifiques l’a également amené à surveiller et mesurer rigoureusement divers paramètres physiques qui, une fois analysés, permettront de mieux comprendre les réactions du corps dans des situations comme celles qu’il a vécues et d’utiliser les données pour de futures études. La Fondation Kilian Jornet a également joué un rôle important dans ce vaste projet. Les Alpes sont un excellent exemple qui illustre les impacts du changement climatique et de la dégradation de l’environnement. Le projet Alpine Connections est donc également un moyen de créer une prise de conscience et de réfléchir à notre rôle dans cette transformation.

Ainsi, au cours du parcours de Kilian, la fondation a collaboré avec plusieurs experts dans des domaines tels que les glaciers, le permafrost, l’alpinisme et la pollution de l’air, pour contribuer à fournir des informations sur les effets du changement climatique et la dégradation des ressources naturelles, ce dont Kilian Jornet a fait l’expérience directe. Au cours de ce voyage intense, il a constaté une fois de plus que la protection des écosystèmes uniques des Alpes garantit que les générations futures pourront continuer à tester leurs limites dans ces paysages inspirants, comme il l’a fait au cours des 19 derniers jours.

Source Instagram Kilian Jornet
Source Instagram Kilian Jornet

Alpine Connections étape 4 : salade de cailloux et enchaînement vélo [vidéos]

Une petite séquence de descente dans les cailloux, filmée en drone. Ce jour-là, Kilian Jornet, accompagné de Mathéo Jacquemoud, sont partis à 3h30 du matin pour gravir le Lagginhorn par la voie sud (4010m), puis le Weissmies (4017m), parcourant 30 km et 3381m D+ en 8h, malgré des conditions climatiques peu favorables. Après ces 2 sommets, Kilian Jornet a rejoint son point de rendez-vous pour une courte pause restauration, puis a enchaîné avec un déplacement en vélo pour rallier le point de départ de l’étape suivante. Hélas, il a dû stopper sa progression tout le reste de l’après-midi, le temps s’étant dégradé. À la fin de cette journée, il totalisait alors 12 sommets.
Vidéo Joel Badia / Alpine Connections

Voir la vidéo de la descente dans les cailloux ICI

Voir la vidéo de l’enchaînement running / vélo ICI

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Source Instagram Kilian Jornet

Alpine Connections étape 6 : gros rythme et mauvais temps [vidéo]

Pour sa deuxième étape dans le Valais, Kilian Jornet a commencé avec de nouveau Mathéo Jacquemoud en reliant les sommets du Lenzspitze (4294m), du Dom (4545m) et du Täschhorn (4491m), avant de rejoindre le guide et traileur catalan Genis Zapater. Ils ont gravi ensemble 4 sommets supplémentaires, puis se sont arrêtés à la cabane du Monte Rosa, un refuge de montagne du Club alpin suisse situé à 2882 m d’altitude dans le canton du Valais. Dans cette séquence, on peut voir Kilian en compagnie de sa mère, puis évoquant l’enchaînement Lenzspitze / Dom / Täschhorn, le plus technique du jour, avant de partir sous la pluie à l’assaut des montagnes. Cette étape de 48 km et plus de 6000m D+ a duré 21 heures non stop. Elle a permis à Kilian Jornet d’ajouter 7 sommets supplémentaires à son actif, pour atteindre 23.
Vidéo Nick Danielson / Alpine Connections

Voir la vidéo du départ de l’étape 6 ICI

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Source Instagram Kilian Jornet

Alpine Connections étape 8 : en route vers le Cervin [vidéo]

C’est avec un énorme « morceau » que Kilian Jornet a débuté sa 8ème étape : le mythique Cervin (4478m), aussi connu sous le nom de Matterhorn. Le Patron connaissait ce sommet pour l’avoir déjà gravi par sa face nord lors de sa dernière venue dans la région en 2013, en 2h 52mn 02s, mais celle-ci, extrêmement technique, n’était bien sûr pas au programme du jour. Parti à 7h du matin du refuge de Hörnlihütte, situé sur la crête nord-est du Cervin à une altitude de 3 262 mètres, il a gravi le Cervin en solitaire puis a été ensuite rejoint par Mathéo Jacquemoud pour gravir la Dent d’Hérens (4173m) et Genis Zapater pour la Dent Blanche (4358m) et la descente vers le refuge de Schönbielhütte.

Une étape de plus de 18 heures et 3 sommets gravis pour porter son total à 44 depuis le début de l’aventure Alpine Connections. Dans cet extrait vidéo, on peut voir la préparation au refuge et le départ de Kilian Jornet en direction du Cervin, accompagné un temps par le caméraman Nick Danielson, qui laissera ensuite Kilian grimper seul vers le sommet.
Vidéo Nick Danielson / Alpine Connections

Voir la vidéo de l’étape 8 et du départ vers le Cervin ICI

Source Instagram Kilian Jornet 4
Source Instagram Kilian Jornet

Alpine Connections étape 10 : la traversée du Grand Combin [vidéo]

Kilian Jornet a commencé sa journée par un trajet à vélo de 110 km de Zinal à Bourg Saint-Pierre, ce qui lui a pris la plus grande partie de la matinée. C’est ensuite accompagné du Suisse Alan Tissières, ancien coureur en ski alpinisme maintenant guide de haute montagne, qu’il a gravi le Grand Combins, plus technique que ce qu’il pensait. La montagne, que Kilian décrit comme très belle, est en effet également très dangereuse en raison de nombreuses chutes de roches, rendant la navigation peu aisée.

Dans cette vidéo, on peut voir le Patron se préparant à partir avec Alan Tissières juste après sa liaison en vélo, après avoir laissé ce dernier au van d’assistance. Les images somptueuses permettent d’accompagner les deux hommes jusqu’au Combin de Valsorey au coucher du soleil. Ils ont ensuite poursuivi de nuit sur le glacier jusqu’au Grand Combin et au Combin de la Tsessette, pour inscrire 3 nouveaux sommets au compteur de Kilian Jornet, avant de redescendre à Bourg Saint-Pierre vers 2h30 du matin. Le projet Alpine Connections affichait alors 51 sommets et Kilian s’apprêtait à quitter les Alpes valaisannes pour rejoindre le massif du Mont-Blanc.
Vidéo Nick Danielson / Alpine Connections

Voir la vidéo de l’étape 10 du Grand Combin ICI

Alpine Connections : le bilan de Kilian Jornet [vidéo]

C’est un Kilian Jornet détendu qui, après 19 jours d’efforts d’une rare intensité, est apparu pour une courte déclaration. Celle d’un homme calme, posé, qui vient de réaliser l’un des plus grands exploits de l’alpinisme de vitesse. En reliant les 82 sommets de plus de 4000 mètres des Alpes en 19 jours sans utiliser de véhicules motorisés, Kilian Jornet a pulvérisé l’ancien record détenu depuis 2008 par deux alpinistes italiens, qui était de… 60 jours.

Voir la déclaration finale de Kilian Jornet ICI

Source Alpine Connections / DR
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Parti le 13 août de Pontresina, en Suisse, pour son projet Alpine Connections visant à relier un maximum de sommets de plus de 4000 mètres des Alpes par ses seuls moyens physiques (marche / running / escalade et vélo), Kilian Jornet a terminé son aventure le 31 août dans le Massif des Écrins, soit les 82 sommets répertoriés en seulement 19 jours. Le précédent record était de 60 jours. Tout simplement surhumain !

Kilian Jornet de cime en cime

Il y a des « coïncidences » qui en disent long. Le 31 août 2024, alors que le monde du trail était réuni à Chamonix pour découvrir le nom des vainqueurs de l’UTMB 2024, Kilian Jornet a tutoyé les cieux et est entré un peu plus dans la légende en mettant la touche finale à l’un des exploits les plus retentissants de ce siècle d’alpinisme. Qui aurait pu imaginer cela, le 13 août dernier, 3 jours après sa 10ème victoire à Sierre-Zinal ? Alors laissez-vous emporter et savourez l’exploit du Patron, jour après jour…

La première étape de son périple au départ de Pontresina, le 13 août, lui a permis de réaliser son premier sommet, et de parcourir 242km et 6557m D+ en plus de 15h30 d’activité (marche / course / escalade / vélo), s’octroyant 4 heures de sommeil seulement. Il a enchaîné dans l’Oberland pour une deuxième étape de 37,5 km, 4496m D+ à pied et 3 sommets supplémentaires, bouclés en un peu plus de 17h, avec 3h30 de sommeil. Kilian Jornet a ensuite enchaîné 34h45 d’activités (dont du vélo), 143km et 8778m D+, entrecoupés de seulement 3h15 de sommeil, pour collecter 6 sommets de plus dans l’Oberland, portant son total à 10 en 4 jours.

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Alpine connections_stage 1_Nick Madelson

Quittant l’Oberland, Kilian Jornet est parti vers les Weissmies, pour la première d’une longue série d’étapes dans les Alpes valaisannes, où il a parcouru 35,5km et 3641m D+ pour ajouter 2 sommets à son total. Sagement, il s’est octroyé 7 heures de sommeil avant de continuer en Valais, où se situe une grande quantité de sommets de plus de 4000 mètres. Sa seconde étape, en 8h40, lui a permis de conquérir 4 sommets de plus, sur 23,75km et avec 3245m D+, puis une troisième de 21h30 avec 7 sommets supplémentaires, 47,7km parcourus et 6140m D+. Côté compteur, 23 sommets étaient alors validés, pour 532km de déplacement et 32857m D+ en 7 jours.

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Alpine connections_stage 3_Nick Madelson
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Alpine connections_stage 4_DAVID ARINO

Kilian Jornet et le Spaghetti Tour

Mais c’est surtout la quatrième étape en Valais, longue de 46,5km et 4907m D+, qui a étonné tout le monde, avec 18 sommets conquis en 17h45 d’activités et 3 heures de sommeil. Comment une telle prouesse était-elle possible ? Tout simplement parce que cette étape correspondait au « Spaghetti Tour », une randonnée d’alpinisme bien connue en Valais qui permet de grimper 18 sommets et se fait généralement en 4 ou 5 jours pour des alpinistes confirmés.

Avec un Spaghetti Tour réalisé en une journée, Kilian Jornet a atteint un total de 41 sommets, soit la moitié des 82 sommets de plus de 4000 mètres que comptent les Alpes. Le projet Alpine Connections, initialement présenté comme l’idée de connecter « le plus de 4000m possible » dans les Alpes par les seuls moyens physiques (à pied et en vélo), devenait de plus en plus clair : le « Patron » avait en tête de battre le record de 60 jours détenu par les alpinistes italiens Franco Nicolini et Diego Giovannini depuis 2008. Et, avec 41 sommets en 9 jours, il était bien parti pour pulvériser ce record, même si les sommets les plus techniques, dans le Massif du Mont-Blanc, l’attendaient encore.

Alpine Connections - Stage 5 Valais - Nick Danielson
Alpine Connections – Stage 5 Valais – Nick Danielson
Alpine Connections - Stage 6 Valais - A Visuals
Alpine Connections – Stage 6 Valais – A Visuals

Dernières étapes en Valais avant la traversée du Grand Combin

7 sommets restaient alors à gravir en Valais. C’est ce qu’a fait Kilian Jornet en 2 étapes. Lors de sa 8ème étape, longue de 30,8km et 4142m D+ et réalisée en 18h08, il en a conquis 3, puis 4 de plus lors de la 9ème étape, longue de 36,8km pour 4297m D+ et réalisée en 18h30. Avec respectivement 3 et 2 heures de sommeil seulement, Kilian Jornet venait de boucler tous les 4000 du Valais et affichait au compteur un total de 48 sommets pour une distance totale parcourue de 646km et 46203m D+ en 11 jours.

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Nick Danielson-ALPS-Stage-7-Valais

La 10ème étape, basée sur 134km de déplacement (avec du vélo) et 4276m D+, a permis à Kilian Jornet d’effectuer la traversée du Grand Combin et de totaliser 3 pics supplémentaires avant de faire une « petite » étape de transition de 45km pour rejoindre le massif du Mont-Blanc. Le Catalan s’est alors offert une journée de repos complet au Camping « La Sorgente » à Courmayeur, avant de reprendre les choses sérieuses dans la nuit du 13ème au 14ème jour.

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Nick Danielson-ALPS-Stage-10-Grand Combin

Kilian Jornet à l’assaut des grandes Jorasses

C’était une des étapes les plus redoutables et redoutées par le Patron. Mardi 27 août, pour sa 12ème étape et première dans le massif du Mont-Blanc, Kilian Jornet a conquis 8 sommets de plus de 4000 mètres, dont ceux des fameuses Grandes Jorasses. Accompagné de trois amis alpinistes chevronnés, il a gravi entre autres la Pointe Walker, la Pointe Whymper et la Pointe Croz, pour porter son total de sommets de plus de 4000 mètres à 59.

Kilian Jornet a ensuite poursuivi mercredi pour une 13ème étape en solo et conquis 4 sommets de plus. Parmi eux, l’Aiguille Verte et Les Droites, pour un score total grimpant à 63 sommets ! « On dit que vous devenez un alpiniste quand vous avez gravi l’Aiguille Verte, a commenté Kilian dans une vidéo qu’il a lui-même réalisée et postée sur les réseaux sociaux. J’y suis déjà venu, et c’est toujours aussi beau », s’est-il réjoui en filmant son arrivée et le panorama exceptionnel qu’il a pu découvrir, par un temps totalement dégagé. Il ne lui restait alors plus « que » 19 sommets à conquérir pour boucler son incroyable aventure.

Photo Nick Danielson
Photo Nick Danielson

Kilian Jornet en mode turbo sur le toit de l’Europe

Lors de sa 14ème étape, tout s’est accéléré ! Le patron a mis le turbo pour conquérir le toit de l’Europe et tous les 4000 alentours, soit 41km et 4950m D+ en 29h30 pour conquérir 16 sommets !

L’étape a débuté à 4h45 du matin avec Mathéo Jacquemoud et Noa Barrau sur la crête du Diable, que Kilian a décrite comme l’une des plus belles ascensions qu’il ait jamais faites, à la fois très technique et visuellement époustouflante. Cet itinéraire a amené l’équipe à franchir la Corne du Diable (4064 m), la Pointe Chaubert (4074 m), la Pointe Médiane (4097 m), la Pointe Carmen (4109 m) et L’Isolée (4114 m). De là, ils ont continué jusqu’au Mont Blanc (4808 m), le sommet le plus haut et sans doute le plus emblématique des Alpes. Avant de l’atteindre, ils ont gravi le Mont Blanc du Tacul (4248 m) et le Mont Maudit (4465 m). Ils ont ensuite gravi le Dôme du Goûter (4304 m) et l’Aiguille de Bionnassay (4052 m), avant que Jacquemoud et Noa Barrau terminent leur partie du voyage.

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Noa Barrau-ALPS-Stage-14
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Nick Danielson-ALPS-Stage-14

Un deuxième Mont Blanc en solo pour le Patron

Kilian Jornet a continué en solo pendant la deuxième partie de l’étape, gravissant à nouveau le sommet du Mont Blanc au retour pour descendre ensuite via la crête du Brouillard, qui comprend le Monte Bianco de Courmayeur (4748 m), le Picco Luigi Amedeo (4467 m), le Mont Brouillard (4069 m) et la Punta Baretti (4013 m). « Le coucher du soleil là-haut est un moment que je n’oublierai jamais », a déclaré le Catalan, toujours sensible à la beauté du monde. Après 20 heures de montée, Kilian a fait une pause de 4 heures au bivouac d’Eccles, en attendant de meilleures conditions avant d’attaquer quelques passages techniques sur le Grand Pilier d’Angle (4243 m) et l’Aiguille Blanche de Peuterey (4112 m).

Kilian Jornet a terminé l’étape en retournant au Camping « La Sorgente » à Courmayeur, propriété de l’alpiniste Matteo Pellin, qui l’a grandement aidé par sa connaissance de la région. Après 14 étapes, Kilian Jornet pouvait être satisfait : à un rythme d’enfer, il avait gravi 79 des 82 sommets des Alpes, parcouru 918km et 64657m D+ en 17 jours, avec une moyenne globale de 4h47 de sommeil par jour.

Le Grand Paradis de Kilian Jornet

Au cours de la 15ème étape du projet Alpine Connections, Kilian Jornet a atteint le sommet du Grand Paradis (4061 m), un sommet situé dans le Parc National du Grand Paradis, qui s’étend sur les régions de la Vallée d’Aoste et du Piémont. Kilian Jornet est parti tôt le matin avec Mathéo Jacquemoud et Vivien Bruchez, un ami de longue date avec qui il a partagé de nombreuses expéditions et skié en step quelques couloirs emblématiques des montagnes qu’il traverse aujourd’hui dans son projet. Après la section vélo, Vivien Bruchez, qui se remettait d’une blessure, est parti et le groupe a été rejoint par le coureur de trail Henry Aymond et la championne du monde de ski-alpinisme Emily Harrop.

Ensemble, ils se sont mis en route pour gravir le 80ème sommet de ce périple, qu’ils ont atteint en seulement 4 heures. Ce sommet était nettement moins technique que les sections rencontrées il y a quelques jours dans le massif du mont Blanc, qui permettaient des montées et des descentes rapides. Kilian Jornet a ensuite couru 21 km pour rentrer en France. Une fois à Val d’Isère, il s’est reposé pendant 7 heures, avant de partir vers le massif des Écrins écrire la fin de cette légendaire aventure.

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Repos pour Kilian Jornet, et discussion avec sa mère et fidèle supportrice. Photo David Arino

82 sommets en 20 jours, un exploit absolu

C’est donc 19 jours après avoir quitté Pontresina, que Kilian Jornet a gravir les 2 derniers sommets de son aventure Alpine Connections dans le massif des Écrins, la Barre des Écrins (4101m) et le Dôme de Neige des Écrins (4015m), en compagnie de Benjamin Védrines. Tout un symbole, d’être accompagné par ce guide iconique du Massif des Écrins, détenteur du record de vitesse d’ascension du K2 au Pakistan, l’un des sommets les plus durs du monde culminant à 8611 mètres, en 10h 59mn 59s (le précédent record, 23h, était détenu depuis 1986 par Benoît Chamoux). En achevant son périple avec cet autre extra-terrestre des cimes, Kilian Jornet a réalisé l’un des exploits les plus retentissants de ce siècle en matière d’alpinisme, pulvérisant le record détenu depuis 2008 par la paire d’alpinistes italiens Franco Nicolini et Diego Giovannini, qui étaient venus à bout des 82 sommets de + de 4000 mètres en ne se déplaçant qu’à la force physique, à pied ou à vélo, en 60 jours, du 26 juin au 24 août.

Le Patron aura « juste » mis 3 fois moins de temps.

No comment.

Kilian Alpine Connections
Photo NNormal
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Mais qui est-il ? Depuis les premiers kilomètres, un nom inconnu du grand public s’est glissé au milieu de tous ceux des élites de l’UTMB : Vincent Bouillard. « Il ne tiendra pas la distance », a-t-on pensé. Mais après une nuit et un petit matin d’hécatombe, qui a vu l’abandon d’un grand nombre de favoris, en tête desquels le tenant du titre Jim Walmsley, Vincent Bouillard était toujours devant, et tenait la dragée haute aux meilleurs ultra-traileurs encore en course. En célébrant la victoire d’un homme simple et discret, l’UTMB renoue avec l’essence du trail. Pour notre plus grand plaisir. Grand respect également pour Katie Schide, éclatante du début à la fin, qui remporte son deuxième UTMB après 2022 et établit un nouveau record de l’épreuve. Une pensée, alors que nous publions cet article, pour les 2300 concurrents toujours sur le sentier.

UTMB 2024 : tout le gratin du trail au départ

La ligne de départ de l’UTMB 2024 était impressionnante. Si l’on exceptait Kilian Jornet, planant dans une autre dimension tout en haut du mont Blanc, et François D’Haene, inscrit cette année sur le Tor des Géants, ils étaient tous là pour en découdre. En tête, Jim Walmsley, tenant du titre, tout sourire. A son côté Mathieu Blanchard, 2ème en 2022, 4ème en 2023, finalement au départ après avoir entretenu le suspense tout l’été. Germain Grangier, bien sûr, 3ème en 2023, toujours redoutable. Et puis aussi Aurélien Dunand-Pallaz, 2ème en 2021, à la recherche d’un retour en grâce après son année 2023 éclatante et ses victoires sur la Hardrock et la Diagonale des Fous. Ou encore Ludovic Pommeret, 49 ans, immense champion, vainqueur en 2016, et détenteur depuis cet été du record de la Hardrock qui appartenait à un certain… Kilian Jornet.

D’autres Français rêvaient également de jouer devant, comme Arthur Joyeux-Bouillon ou Thibaut Garrivier, réguliers dans le top 10 de l’UTMB, ou Baptiste Chassagne, 9ème l’année dernière pour son premier 100 miles. Sans oublier Thibaut Baronian, valeur sûre des formats marathon, qui partait dans l’inconnu sur ce premier format 100 miles.

Et puis il y avait tous les cadors étrangers, désireux de tenter d’aller chercher le Graal. Parmi eux, les mieux classés à l’index UTMB étaient l’Allemand Hannes Namberger, le Britannique Tom Evans, le Chinois Ji Duo, l’Américain Ben Dhiman, le Suisse Jonas Russi, ou encore les Espagnols Miguel Heras et Pau Capell…

Départ Photo HOKA
Un départ plein d’émotion. Photo HOKA

UTMB 2024 : l’hécatombe des favoris

Mais la nuit a été cruelle pour beaucoup des favoris. Dont le plus illustre d’entre eux, Jim Walmsley. Alors qu’il menait la course, l’Américain a préféré abandonner à Courmayeur, souffrant du genou et préférant ne pas prendre de risques. Jim rêvait d’un doublé Western States Endurance Run / UTMB, que seul Kilian Jornet a réussi à faire chez les hommes (en 2011), mais avait un problème au genou depuis la Western, qu’il a remportée. Il avait subi des infiltrations et avait pris le départ « pour voir », mais la physiologie ne pardonne pas et a eu raison de sa volonté.

Premier coureur élite à raccrocher, Thibaut Garrivier était dans un jour sans, après un été chargé en travail qui ne lui avait pas permis de se préparer de façon optimale. Il a abandonné après seulement 40km de course. Mathieu Blanchard a lui aussi raccroché, au 69ème kilomètre, victime de douleurs au tendon d’Achille et préférant ne pas prendre de risque pour préserver ses chances pour la course objectif de sa saison, la Diagonale des Fous. Au même endroit, Aurélien Dunand-Pallaz, dans un jour sans, et l’Américain Tim Tollefson ont également rendu leur dossard.

Abandon un peu plus tard dans la nuit pour l’Espagnol Pau Capell, le Chinois Ji Duo et le vainqueur du 90km du Mont-Blanc Dmitry Mityaev, au 83ème kilomètre. Même sanction pour le Britannique Tom Evans et l’Américain Ben Dhiman, au 105ème kilomètre. Germain Grangier, longtemps second, a finalement lâché l’affaire après 146 km de course, alors qu’il souffrait et se faisait reprendre par de plus en plus de coureurs.

Germain Grangier Photo Stéphane Demard
Germain Grangier. Photo Stéphane Demard

UTMB 2024 : mais qui est Vincent Bouillard ?

Avouons-le : quasiment personne ne connaissait Vincent Bouillard avant ce 31 août 2024, sauf du côté d’Annecy, où il réside désormais après 5 années passées aux États-Unis. Aussi, de nombreux journalistes, comme nous, ont dû aller chercher des informations pour pouvoir présenter ce coureur. Première source d’information, son index UTMB est de 832, ce qui le place au niveau d’un Alexandre Boucheix, alias Casquette Verte (index 835), la discrétion en plus.

Deuxième information, il a remporté son premier format 100 miles en octobre dernier, le Kodiak Ultra Marathons by UTMB, en Californie, en octobre 2023 (161km et 5180m D+). Basé à Annecy, et connaissant parfaitement les sentiers autour du lac, il a également signé une belle performance lors de la MaXi-Race du Lac d’Annecy, en juin 2024, en terminant 5ème. Un résultat passé relativement inaperçu, les lumières ayant éclairé le duel Mathieu Blanchard / Thibaut Garrivier, qui avaient animé la tête de course avec un combat palpitant.

Troisième information : c’est un ami proche de Jim Walmsley, avec lequel il a partagé de nombreuses aventures aux États-Unis, à pied ou en gravel. L’Américain est même venu s’entraîner avec lui du côté d’Annecy ces derniers temps.

Il s’agit donc incontestablement d’un coureur de talent, mais que personne n’aurait imaginé à ce niveau, même pas lui. L’un des fondateurs de la marque Hoka, pour laquelle Vincent Bouillard travaille en tant qu’ingénieur produit, confiait d’ailleurs sa surprise face à cette performance : « Ça doit être une très grosse surprise pour lui aussi. Il m’avait confié espérer faire un Top 10, mais jamais il n’aurait pensé au podium. » Et pourtant, il l’a fait !

Vincent Bouillard Photo Stéphane Demard
Vincent Bouillard. Photo Stéphane Demard

UTMB 2024 : le 3ème temps de toute l’histoire de l’UTMB

Que les choses soient claires : il ne s’agit pas d’une victoire au rabais sur un UTMB sans élites. Non seulement elles étaient bien présentes, avec de nombreux coureurs au statut de professionnel – alors que Vincent Bouillard travaille -, mais les chronos parlent d’eux-mêmes.

Même si le parcours n’est pas strictement similaire à celui de 2023, où Jim Walmsley s’est imposé en 19h 37mn 43s, ni à celui de 2022, où Kilian Jornet avait été le premier homme à passer sous la barre des 20h, en 19h 49mn 32s, Vincent Bouillard, en 19h 54mn 23s, signe le troisième chrono le plus rapide de l’histoire de l’UTMB sur le parcours complet. Une performance XXL qui le fait entrer de plain-pied dans la légende, effaçant les 19h 54mn 50s de Mathieu Blanchard en 2022.

Z

Le vainqueur s’est fait une petite frayeur lors du dernier point de passage à La Flégère, où tous les leaders se font contrôler le matériel obligatoire. Le kit canicule imposait d’avoir une capacité d’eau de 2 litres, or Vincent Bouillard n’avait plus que 3 flasques de 500ml, ayant laissé la 4ème au ravitaillement précédent. De longues secondes se sont écoulées, Vincent Bouillard montrant une poche en plastique vide capable de contenir du liquide et pouvant faire office de poche à eau. Les commissaires de course ont photographié la poche en question avant de laisser filer le coureur, laissant planer le doute d’une pénalité qui, vue son avance, ne pouvait plus l’empêcher de gagner, mais de plomber son chrono. Heureusement, après 20 minutes de suspense, la direction de course a considéré sa poche valable et ne l’a pas sanctionné.

Vincent Bouillard Photo Stéphane Demard
Vincent Bouillard au ravitaillement de Courmayeur. Photo Stéphane Demard

Derrière Vincent Bouillard, le suspense a été total, avec un Baptiste Chassagne auteur d’une course exceptionnelle bataillant avec l’Équatorien Joaquin Lopez, qui a joué devant durant toute la course, et l’Allemand Hannes Namberger. Pointé à 35 minutes du leader à Vallorcine, Baptiste Chassagne était alors deuxième, mais l’Allemand, 4ème, n’était qu’ à 5 minutes ! Baptiste Chassagne n’a rien lâché et est allé chercher la 2ème place en 20h 22mn 45s, juste devant Joaquin Lopez (20h 26mn 26s). Hannes Namberger finit au pied de la boîte, en 20h 31mn 54s.

Baptiste Chassagne 2ème. Photo Stéphane Demard
Baptiste Chassagne à l’arrivée. Photo Stéphane Demard

Je savais que seuls les 3 premiers pouvaient parler au micro à la fin de la course, et je voulais parler au micro, alors j’ai tout fait pour, a déclaré Baptiste Chassagne, très ému, à l’arrivée. Pour pouvoir dire merci à Chamonix et au public, j’ai tellement reçu ces derniers jours ici. Et pour pouvoir dire merci à ceux que j’aime, à mes amis, ma famille, parce que sans eux, courir ne servirait à rien.”

Top 4 Photo Stéphane Demard
Le Top 4 de l’UTMB 2024. Photo Stéphane Demard

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UTMB 2024 : les Français remarquables

Derrière Vincent Bouillard et Baptiste Chassagne, d’autres Français se sont illustrés. A tout seigneur tout honneur, l’immense Ludovic Pommeret a encore fait une course incroyable pour revenir d’au-delà de la 50ème place à Saint-Gervais à la 5ème place, battant son record personnel pour finir sous les 21h (20h 58mn 18s). Une performance exceptionnelle pour cet athlète qui a eu la malchance de se bloquer le dos 4 heures avant le départ de la course, mais a tenu à aller au bout de l’effort et de la souffrance. Respect.

Arthur Joyeux-Bouillon a réalisé une nouvelle fois une course aboutie et termine 6ème. Thibaut Baronian, pour ses débuts sur le format 100 miles, a longtemps été dans le Top 10, avant de craquer après Vallorcine et de finir 12ème, épuisé. Mais deux Tricolores ont réussi à se hisser dans ce Top 10 en arrivant ensemble, Gautier Bonnecarrere et Yannick Noël. Ce dernier a ainsi amélioré son classement de 12ème datant de 2021.

UTMB 2024 : Katie Schide intouchable

Si, chez les filles, la start list était prometteuse, un nom se détachait sans conteste : celui de l’Américaine Katie Schide, compagne de Germain Grangier, gagnante de l’édition 2022. Derrière elle, on jouerait donc le podium. Et plusieurs filles pouvaient y prétendre, à commencer par la Canadienne Marianne Hogan, 2ème en 2022 derrière Katie Schide. La Chinoise Fuzhao Xiang, la Hongroise Eszter Csillag, la Néo-Zélandaise Emily Hawgood, la Néerlandaise Ragna Debats ou encore l’Italienne Martina Valmassoi étaient les noms qui revenaient le plus souvent.

Sans oublier, côté français, de belles chances avec Blandine L’Hirondel, 3ème l’an dernier pour son premier UTMB. On était également impatients de découvrir Anne-Lise Rousset, détentrice du record du GR20, 2ème de la Diagonale des Fous 2022 et de la Hardrock 100 en 2023 derrière la Présidente Courtney, pour son premier UTMB. Manon Bohard Cailler, fille de l’illustre Patrick Bohard, était également très attendue après son abandon en 2023.

Courtney Dauwalter
Etre là sans être là : Courtney Dauwalter, déguisée en banane / canard géant, présente sur le parcours pour encourager les coureurs.

Comme prévu, il n’y a eu aucun suspense pour la victoire. Partie rapidement, Katie Schide a fait toute la course en tête, comptant au petit matin plus d’une demi-heure d’avance sur le record de l’épreuve détenu par Courtney Dauwalter, qui était présente sur le parcours, déguisée en une sorte de banane (ou canard) géante, pour encourager ses collègues. Longtemps dans le Top 10 scratch, l’Américaine a énormément souffert sur la fin, avec une foulée très perturbée. Mais elle avait pris suffisamment d’avance pour terminer devant. En revanche, derrière, la bagarre a été totale.

Katie Schide Photo HOKA
Katie Schide. Photo HOKA

À commencer par une grosse déception pour Anne-Lise Rousset, qui a abandonné dans la nuit, après 69km de course, souffrant du froid. Marianne Hogan, rapidement deuxième, s’est fracturé un doigt sur une chute mais a serré les dents et a continué. Blandine L’Hirondel, longtemps troisième, a dû puiser dans ses ressources physiques et mentales pour ne pas abandonner, victime de douleurs aux pieds dues à des ampoules.

Katie Schide n’est finalement pas passée sous la barre des 22h qu’elle visait, mais a établi en 22h 09mn 31s le meilleur temps jamais réalisé sur l’UTMB féminin. Elle est la 4ème Américaine à réussir le doublé sur la boucle du Mont-Blanc, après son sacre de 2022. La Néo-Zélandaise Ruth Croft, gagnante de la CCC en 2015, pour sa première participation à l’UTMB, termine deuxième, après avoir repris la Canadienne Marianne Hogan dans la dernière descente, à 7 kilomètres de l’arrivée. Son chrono, 22h 48mn 37s, contre 23h 11mn 15s pour Marianne Hogan. Blandine L’Hirondel, toujours en souffrance, devait céder sa 4ème place à la Chinoise Lin Chen.

Katie Schide. Photo Stéphane Demard
Katie Schide. Photo Stéphane Demard
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